Le Petit Livre Rock

Dessins et textes : Hervé BOURHIS

On est d’abord attiré par l’objet. Ce format 45 tours du bon vieux temps du vinyle quand les chansons se vendaient encore à l’unité et où l’on pouvait s’offrir le dernier tube d’un groupe sans être d’obligé d’acheter tout l’album. La couverture, découpée comme une vraie pochette de disque, d’un rouge sang bien pétant soulignant le noir du cercle central, où se détache en lettres blanches un titre simple, accrocheur, même un poil prétentieux, qui suscite la curiosité et l’envie irrésistible de voir de quoi il retourne.

En ouvrant le livre on découvre une série de dessins sans fil conducteur apparent, ah si, une année en haut, sur la page de gauche. On tourne les pages, d’accord, c’est chronologique, une histoire du Rock en BD donc ?
Un coup d’œil plus attentif sur les dessins… la pochette d’Highway To Hell, le logo des Satellites, les Pixies en concert… oui, mais encore ?
Avant de refermer l’ouvrage, on prend quand même le temps de lire quelques textes, tiens, c’est juste après la mort de Presley qu’Elvis Costello a choisi son pseudo. Ah oui, c’est vrai, Jon Spencer a d’abord joué dans Pussy Galore, Eh, mais moi aussi j’étais amoureux de Kim Deal, en plus c’est moi qui l’ai vue le premier ! Ah bon, Rivers Cuomo a une jambe plus courte que l’autre ? déjà qu’il est pas bien grand…
Dix minutes plus tard, on sort de la librairie avec l’opus et le soir on le reprend du début. Juste quelques pages, avant de s’endormir, demain y’a école. Les années s’écoulent au fil des dessins… Il est quelle heure là ? Bon allez, je termine les années 1980 et promis, j’éteins…
Hervé Bourhis parvient à illustrer grâce à un choix subtil et équilibré de grands évènements et des petites anecdotes, le foisonnement de cinq décennies de Rock. Pochettes d’albums, images de concert, portraits, scènettes lycéennes, agrémentées de textes manuscrits ou informatiques, courts, précis, parfois ironiques ou percutants comme des gros titres de journaux se juxtaposent avec bonheur, et forment un tout cohérent et équilibré.
Pour autant, bien qu’il soit très dense et au bout du compte assez didactique « Le Petit Livre Rock » n’est ni une anthologie, ni une encyclopédie. Plutôt une autobiographie ludique et interactive (tant elle évoque en nous de souvenirs), le journal intime d’un véritable passionné de Rock. Ca commence en 1951 et ça s’arrête en 2007 et même 2008 dans la deuxième édition mais ça se peut être lu ou butiné dans n’importe quel ordre, complètement ou par bribes et surtout ça déclenche immanquablement l’envie de réécouter toute sa discothèque.

L’interview d’Hervé Bourhis, c’est ici

Rock Strips

Dessins : COLLECTIF – Textes : Vincent BRUNNER

Rock Strips © Flammarion, 2009On peut penser ce qu’on veut de Rock Cartoon, paru en 1990 et réunissant pour la première fois, sous la houlette de Philippe Koechlin, pilier de Rock & Folk, un assortiment pas toujours très bien choisi des meilleurs albums du gratin du Rock, chacun illustré par un auteur de BD différent, parfois issu de la bande de Métal Hurlant (Margerin, Sire et consorts) mais pas que. L’objet était beau, le résultat était graphiquement plutôt réussi mais le propos était un peu court, tant du point de vue du Rock (une chronique sommaire de l’album sélectionné) que de l’approche BD : quelques cases, certes parfois superbes, telles celles de Solé ou Sire, mais tout ça laissait un peu sur sa faim. N’empêche qu’un genre était né en BD, que l’on pourrait désigner, pour faire simple, sous le vocable de Collectif musical.
Restait à affiner le concept. Vingt ans plus tard, sort Rock Strips. Avec la même formule que son aîné, à savoir d’une part un rédactionnel, assuré par un journaliste de Rock confirmé, Vincent Brunner, rejeton de Rolling Stone, et d’autre part une suite de chroniques illustrées mais cette fois allant un peu plus loin qu’un simple exercice de style.
Pour commencer par le début, Rock Strips reprend le procédé de Rock Cartoon d’une couverture clin d’œil à une pochette d’un album mythique. Fred Beltran avait revisité « Sgt Peppers », Rock Strips quant à lui détourne le « Cheap Thrills » de Janis Joplin illustré par Crumb, un kaléidoscope composé de visuels issus du bouquin qui annonce la couleur : On va causer de Rock, les gars mais on va aussi vous donner de la BD.
Autre point commun du petit nouveau avec son glorieux aîné, la dénomination facile et un peu trompeuse d’histoire du Rock en Bande Dessinée. De démarche historienne, il n’est pas vraiment question hormis le classement chronologique, mais pas de thématique ni de vrai fil conducteur. Et au fond tout ça n’est pas très important, car hormis ce détail, Rock Strips reprend le flambeau là où Rock Cartoon l’avait laissé mais offre cette fois aux amateurs de Rock comme de BD plus de grain à moudre.
Déjà, un vrai rédactionnel. En deux pages, Brunner fait le tour de la question, envoie une playlist, une discographie sélective bien (res)sentie et laisse la place à l’image.
Ensuite et donc, de la vraie Bande Dessinée, une trentaine de récits de six planches. Evidemment, on y trouvera un peu de tout, selon la sensibilité du dessinateur (parfois épaulé par un scénariste), de l’évocation conceptuelle (absconse ?) à l’hommage un peu béat mais avec de vrais morceaux de bravoure, dramatiques (le Johnny Thunders crépusculaire de Oiry) ou humoristiques (Nirvana par Bouzard, AC/DC par Brüno). Globalement, le contrat est donc rempli : une anthologie plutôt qu’une histoire où la BD investit le Rock et lui dresse quelques portraits graphiques qui démontrent que les deux peuvent décidément faire bon ménage.Rock Strips © Flammarion, 2011
Evidemment, Rock Strips présente les inconvénients inhérents à tout ouvrage collectif : en premier lieu une qualité inégale, certains chapitres étant moins réussis que d’autres et même si cela dépend des goûts, il manquera justement l’unité de ton et d’approche qu’offrirait la vision d’un seul dessinateur, même si les textes de Brunner apporte quand même une cohérence à l’ensemble. En contrepartie, tout le monde pourra y trouver son compte et en l’occurrence, le niveau moyen reste de bonne facture tant par la qualité graphique que par l’implication et le plaisir que tous ces dessinateurs ont visiblement pris à se livrer à l’exercice.
On pouvait aussi faire le reproche au premier tome de Rock Strips d’avoir délaissé quelques grands noms du Rock mais le second opus est venu en grande partie réparer les oubliés du premier et laisse (peut-être) augurer une série au long cours que l’on aurait plaisir à voir s’éterniser.

Bonus Track : 3 questions à Vincent BRUNNER

Le Rock dans la Bande Dessinée

AlorRock dans la BDs donc, si ce site existe, c’est en grande partie à cause du livre que j’ai écrit, paru aux éditions L’àpart et dont ce site constitue en quelque sorte le complément et le prolongement, notamment en continuant à recenser les récits de BD Rock sortis depuis sa parution. Le livre constitue un panorama complet des incursions du Rock dans la BD, que ce soit la BD européenne, les Comics ou les Mangas.

On y trouvera entre autres chroniques, interviews d’auteurs emblématiques (comme Frank Margerin) des différentes approches du Rock dans la BD  et bien sûr une flopée d’images (plus de 220 visuels) extraites du meilleur de la Bande Dessinée Rock.

Si vous le procurer pour la modique somme de 15 euros, frais de port et dédicace inclus, vous souhaitez, un simple message m’envoyer il vous suffira, en cliquant ici

Ci-dessous, la chronique parue dans Rock & Folk. Merci à Géant Vert. Tout est vrai sauf que je n’ai pas de radiateurs électriques et que je n’irai jamais me fourvoyer dans un pogo de Judas Priest.
Extrait Rock & Folk août 2011

Frank MARGERIN – Interview

On ne présente plus Frank Margerin. Pionnier de la BD Rock, à la grande époque de Métal Hurlant, le papa de la banane la plus profilée de l’histoire du Rock’n Roll, a fait de Lucien l’un des héros les plus célèbres de la Bande Dessinée. Musicien, motard, collectionneur de collections d’objet vintage dont il remplit inlassablement son atelier, le Rock lui colle à la peau et au crayon.

Q- Quels points communs vois-tu entre rock et BD ?
Ce sont des médias jeunes. La bande dessinée est un peu plus vieille que le Rock mais a beaucoup évolué dans les années 1970. Moi, quand j’étais gamin, j’avais vingt ans le Rock et j’aimais la BD et nous étions, je pense, nombreux dans ce cas.
Maintenant, il n’y a pas de points communs directs puisqu’il s’agit de deux disciplines très différentes, d’un côté le dessin, de l’autre la musique, le rythme. Mais malgré ces différences, elles touchent les mêmes gens.

GUITARISTE A LA BANANE par Margerin

 

Q- Le rock est souvent traité de manière caricaturale ou parodique dans la BD, que ce soit dans les scénarios ou dans le graphisme. C’est un bon filon pour un auteur de BD humoristique ?
Le Rock pour moi, c’est une mine de gags. Tous les gens qui ont fait du rock ont des anecdotes à raconter. Ce sont souvent des galères, parce que c’est un métier, si on peut appeler ça un métier, dans lequel on a du mal à vivre confortablement avec beaucoup d’appelés mais peu d’élus. Il y a des groupes effectivement qui sont de grosses locomotives, les Rolling Stones, les Beatles, etc. et puis derrière il y a des milliers de petits groupes qui rêvent de connaître le même destin et qui galèrent, qui jouent dans des salles pourries avec du matériel pourri et à qui il arrive des tas d’anecdotes. Pour moi qui fais de l’humour, c’était une source inépuisable. En plus, c’est quelque chose que j’ai approché, donc j’ai tout de suite vu qu’en effet c’était un bon filon.

Q- Existent-ils des groupes ou des artistes de rock qui ont pu avoir un impact sur ton travail ?
Les groupes de rock ne m’ont pas vraiment influencé dans mon travail. Je les appréciais, je pouvais ressentir plein de choses en écoutant leur musique mais dans la BD, ce sont plutôt des graphistes qui m’ont inspiré.

Q- Justement, en BD, quels sont les dessinateurs qui t’ont influencé ?
Quand j’étais gamin, je lisais des bandes dessinées qui n’étaient pas du tout Rock, comme Astérix, Tintin, Spirou, Gaston Lagaffe, Lucky Luke… des choses très classiques, très franco-belges. Et puis la bande dessinée est devenue adulte en même temps que moi. Mes « aînés », des gens comme Gotlib, Moebius, Druillet… ont fait tomber des tabous. La BD a en quelque sorte explosé. J’ai aussi découvert à cette époque la bande dessinée underground américaine où là les mecs se lâchaient vraiment avec du sexe, de la drogue, des trucs qu’on ne pouvait pas imaginer voir en BD autrefois. C’est comme cela que j’ai découvert Crumb et Shelton qui m’ont marqué.
Désormais, on n’avait plus l’obligation de faire des aventures « grand public ». J’ai réalisé que la BD a ceci de génial, qu’elle ne demande pas des gros moyens techniques ou financiers pour débuter. Il suffit juste d’avoir le goût du dessin et de l’imagination et on peut raconter ce qu’on veut.
Sur le plan graphique, Franquin m’a beaucoup apporté avec sa richesse dans le dessin et dans le mouvement des personnages.
Et puis il y a Dubout qui était un illustrateur prodigieux. Enfant, j’adorais son travail, je voyais les affiches des films de Pagnol, il y avait du délire là-dedans. Et c’est peut-être grâce à lui que j’ai inséré tous ces petits détails dans mes dessins.

Q- Lucien, Ricky, Gillou et Riton apparaissent au début des années 1980. On est en pleine New Wave et à l’apogée du Punk. Or tes héros sont des fans de rock’n roll des années 1950. Pourquoi ce décalage temporel ?
En fait, quand Philippe Manoeuvre est arrivé à « Métal Hurlant », il a amené cette petite touche de rock qui a commencé à pointer dans ce magazine, au départ essentiellement orienté vers la science-fiction. Mais on était déjà dans la mouvance, ça commençait un peu à se profiler. Manœuvre a suggéré que l’on fasse un numéro spécial Rock (NDR : Métal Hurlant, Hors Série n° 39 bis, mars 1979) et c’est pour ce numéro que j’ai créé une bande de copains qui jouent du Rock. A l’époque, à la fin des années 1970, quand je pensais Rock, ça aurait pu m’évoquer Led Zep, Jimmy Page, le genre cheveux super longs… mais non, je voyais vraiment le début du Rock, les mecs avec la banane gominée, les rouflaquettes et tout ça et je me suis dit que j’allais faire une bande dessinée là-dessus. En plus, quelques années auparavant, on avait monté un groupe de Rock, avec des copains où l’on ne faisait que des reprises de vieux tubes Yé-Yé, des trucs du genre « Eddy, sois bon », « Dactylo Rock », les tubes des Chats Sauvages, Chaussettes Noires et compagnie.
J’ai donc créé cette histoire (NDR :« Les rois du Rock ») mais dans mon esprit, ce n’était qu’un One-Shot sur le thème du Rock, les personnages n’étaient pas censés revenir. Donc, j’ai fait ça très rétro, les personnages roulaient sur des cyclos-sports, genre Flandria et fréquentaient des troquets où il y avait des juke-box…
En fait, j’ai pris beaucoup de plaisir à créer ce récit, d’autant que c’était la première fois que je ne racontais pas une histoire qui n’était pas totalement inventée (auparavant, je faisais des parodies de science-fiction). Là, j’avais puisé dans mes souvenirs de répètes, avec les mecs qui montent le volume, etc. et j’ai eu un petit déclic. Je me suis aperçu que c’était vachement plus rigolo de raconter des trucs vécus que d’inventer des histoires improbables de Martiens. J’ai également eu un bon retour des potes qui avaient lu ma BD et que ça avait bien fait marrer. Tout ça m’a encouragé à continuer et petit à petit, Lucien s’est imposé.
Par la suite, je n’ai pas voulu rester coincé dans les années1960 et j’ai progressivement commencé à retirer du décor les vieilles voitures et les Teppaz et à faire des personnages un peu plus intemporels.

Q- Une des clés du succès de Lucien, hormis l’efficacité du graphisme et des gags, réside dans le fait que les personnages, malgré leur aspect caricatural, sonnent parfaitement juste. Quelles sont tes sources d’inspiration ?

BATTEUR ÉNERVÉ par Margerin

On ne peut parler bien que de ce que l’on connaît. Ce qui a fait le succès de Lucien, c’est que les héros se retrouvaient dans des situations tout à fait crédibles. Si je n’avais pas eu cette expérience avec « Los Crados », le groupe dans lequel je jouais aux Arts Appliqués, j’aurais peut-être eu une vue plus extérieure du Rock. Or ce qui est important pour moi, c’est de connaître vraiment les choses de l’intérieur. La plupart des histoires que j’ai racontées ont été plus ou moins vécues, soit personnellement, soit par des copains.

Q- Lucien s’est progressivement affirmé comme le personnage principal de ta bande de rockers. Qu’est-ce qu’il avait de plus que les autres ?
Tout simplement : la Banane ! (rires). Quand j’ai créé mes personnages, je les ai tous faits un peu typés, comme on fait souvent en BD. Lucien au départ, c’était un peu le petit gros de la bande, un personnage de second plan, le héros étant Ricky Banlieue. Je ne sais pas pourquoi je l’ai affublé de cette banane mais je me suis dit que cette coiffure était plus marrante que les autres. Lucien s’est donc tout simplement imposé par cette coiffure qui le rendait à la fois plus rigolo et plus rock’n roll que les autres personnages sans que je m’en rende compte tout de suite. Au bout de deux, trois histoires, je me suis aperçu qu’il avait pris la vedette, un peu à mon insu.

Q- Tu es aussi musicien. Tu aurais préféré être une rock-star qu’une star de la BD ?
Je suis devenu musicien par la suite. Je ne l’étais pas quand j’avais 20 ans et que j’ai commencé à réfléchir à ce que j’allais faire. Depuis que je suis tout petit, je n’arrête pas de dessiner, c’est une vraie passion, d’ailleurs dans ma famille, on est tous dans le dessin, la Fée du Dessin s’est penchée sur notre berceau. J’ai découvert la musique sur le tard. J’étais fasciné par les rock-stars mais je n’ai jamais pensé pouvoir en devenir une, j’étais trop timide. Alors que le dessin, c’est un truc d’intraverti, je restais chez moi, je n’arrêtais pas de dessiner et ça me convenait bien.
Après, la BD m’a amené à me retrouver sur une scène. Un jour, Philippe Manoeuvre a dit que ce serait bien de reformer le groupe des Arts Appliqués, « Los Crados »… ça a donné le « Denis Sire Quartet », puis on a monté un nouveau groupe, « Dennis’ Twist ». Mais ce sont des concours de circonstances qui ont fait que je me suis retrouvé à faire des disques, ce dont je ne m’imaginais pas capable.

Q- Si tu pouvais te réincarner en rocker, illustre ou inconnu, qui choisirais-tu ?
Roger Pougnard, un vrai rocker inconnu ! (rires). Non, quitte à se réincarner dans la peau d’une rock-star, autant prendre le top, comme Eddie Cochran, un de ces purs et durs restés mythiques car mort jeune et en pleine gloire. Sinon, dans un autre genre, David Bowie, qui était une véritable icône dans les années 1970. J’aurais aimé être un mec comme ça, quelqu’un qui sorte un peu du lot. Tout compte fait, un des quatre Beatles me conviendrait très bien. Ce que j’appréciais chez eux, c’étaient quatre stars, individuellement talentueux mais en plus drôles et sympathiques.

Q- Travailles-tu en musique ?
Oui, principalement. J’écoute pas mal la radio et puis j’ai des CD qui tournent sur ma chaîne toute la journée ou sur mon ordinateur. Par contre je ne suis pas fixé sur un style particulier. J’écoute de tout, souvent en lecture aléatoire, du Rock bien sûr, de la chanson française, du Blues, de la Soul, des musiques du Monde… J’aime bien la diversité.

Q- Existe-t-il, selon toi un graphisme ou un style de dessin « rock » ?
Un style de dessin, je ne pense pas. Des auteurs comme Serge Clerc, Tramber et Jano, Dodo et Ben Radis ont raconté des histoires de Rock mais chacun avec leur style, leur graphisme. Un esprit Rock, oui, même si ça reste difficile à définir. Il y a des jours où l’on peut se sentir Rock et d’autres non… Ca doit être dur d’assumer d’être Rock tout le temps. Certains peuvent donner cette impression mais si l’on débarque chez eux, on les surprend en charentaises… (rires).
Non, c’est juste un état d’esprit que l’on peut éventuellement exprimer à travers un look si on le ressent comme ça…

Q- Avec Dodo, Ben Radis, Tramber et Jano ou bien sûr Serge Clerc, tu es l’un des précurseurs de l’apparition du Rock dans la BD, à la grande époque de Métal Hurlant. Est-ce pour toi l’âge d’or de la BD Rock  et à titre personnel, tu en a gardé quoi ?

SAXOPHONISTE par Margerin

L’âge d’or ce serait prétentieux mais c’est vrai que nous étions un peu les précurseurs et on a touché les gens parce que c’était nouveau. A l’époque, on a marqué les esprits. On ne savait pas bien dessiner… souvent quand un truc est approximatif, on dit « c’est rock’n roll » et là, ça l’était un peu au niveau du graphisme.On s’est bonifiés par la suite, peut-être en perdant un peu ce côté rock’n roll mais en gagnant en qualité dans le dessin et en étant plus proche de ce qu’on aurait voulu faire à l’époque. Ce n’était pas très important car on ne m’a jamais fait de reproches à ce niveau-là… En revoyant mes premières BD, je me dis que les éditeurs étaient bien sympas de me publier car graphiquement, c’était plein de maladresses. Les jeunes dessinateurs maintenant sont beaucoup plus « techniques » et très performants graphiquement mais on essaie de les formater, ils travaillent à l’ordinateur, ils ont des styles qui ont tendance à se ressembler et puis on leur fait faire ce que les gens ont envie de lire et c’est un peu dommage.

Q- Justement, quel œil portes-tu sur le traitement du rock dans la BD aujourd’hui ?
J’adore ce que fait MO/CDM avec Gaël (« Les Blattes ») ou avec Julien/CDM (« Cosmik Roger »). On trouve cet esprit Rock chez pas mal d’auteurs mais des séries de BD purement Rock qui traitent des groupes, de leurs galères…il n’y en pas tant que ça. Je suis toujours heureux de lire des œuvres actuelles. Je trouve que la BD évolue bien. Le seul vrai problème, c’est qu’il y en a peut-être un peu trop et que le marché est saturé. Les lecteurs de BD ont parfois un rejet parce qu’on leur propose trop de choses et souvent les mêmes.

Q- Reverra-t-on encore Lucien dans d’autres aventures autour du Rock ?
Je continue Lucien mais je n’ai pas envie de refaire l’histoire du groupe. Je ne veux pas lasser en racontant la reformation du groupe de Lucien, les tournées, l’enregistrement de disques, etc… On peut imaginer que ça va bien marcher pour eux. Peut-être que par la suite, je reviendrai vers le rock’n roll mais pas pour l’instant.

Q- En paraphrasant Flaubert, peut-on dire « Lucien, c’est toi ? »
Il y a de plus en plus de moi dans Lucien. Ca ne l’était pas au début et puis petit à petit, je me suis projeté dans Lucien, plus dans certaines histoires, comme « Lulu s’maque » par exemple et moins dans d’autres. Par contre dans les deux derniers albums, Lucien a 50 ans, il a des enfants, là c’est quasiment du copier-coller dans certaines situations comme le conflit entre la Play Station et les devoirs à faire du gamin, la femme scotchée sur My Space ou Facebook, la fille qui écoute la musique à fond et qui t’envoie péter à la moindre réflexion…
Mais sinon, Lucien redevient Lucien avec ses copains, sa musique. Je crois que l’on est nombreux, à l’approche de la retraite, à avoir envie de revenir à nos premières émotions de jeunesse. Je pense qu’il y a beaucoup de lecteurs de « Lucien » qui ont passé la cinquantaine et se retrouvent de nouveau dans ce personnage avec peut-être la même envie de remonter un groupe. « Rock’n roll never die » comme on dit !

© Editions L’àpart 2011

Le Local

Dessins et scénario : Gipi

Avec le titre, tout est dit d’emblée et c’est aussi le cas dès la première planche lorsque Giuliano fait découvrir à Stefano la masure que son père met à leur disposition pour répéter. Ceux qui savent comprendront, un groupe de Rock sans local c’est comme… à chacun de compléter avec la métaphore qui lui semblera la plus appropriée.
Le récit de Gipi est fondé sur ce postulat indépassable. L’intrigue est simple et limpide et fait la part belle aux personnages, des jeunes ordinaires qui se cherchent et trouvent dans le Rock un exutoire à leurs doutes, leurs angoisses et leurs blessures secrètes. Pas de plan de carrière, malgré le vague espoir du succès, entretenu par le contact avec un producteur écœurant de cynisme. L’important c’est le défouloir, grâce aux décibels et à des textes cathartiques.
Le Local ; Gipi © Gallimard, 2005Les parents et la famille en général y jouent le rôle fondamental qui leur revient, parce qu’ils sont presque toujours la première cible de la révolte de l’apprenti rocker. Bien qu’ici les rockers ne soient pas vraiment des rebelles mais plutôt des jeunes gens polis et respectueux de l’autorité parentale même si elle leur pèse inévitablement.
Ce local et ces répètes vont amener chaque membre du groupe à se révéler aux autres et bien sûr avant tout à lui-même. Tout particulièrement quand l’ampli du guitariste va tomber en rade et obliger à trouver une combine pour le remplacer. Pourtant, le père de Giuliano avait bien précisé que le local était un « cadeau temporaire », subordonné à la seule condition de ne pas faire de conneries…
L’auteur sait de quoi il parle. Il a joué du Punk dans plusieurs groupes amateurs. C’est sans doute pour cette raison que son récit, servi par des dialogues d’une rare authenticité, nous immerge complètement dans l’intimité de ces quatre adolescents. Le trait acéré et la mise en couleurs magistrale restituent parfaitement l’incandescence de ces répètes dont on pourrait presque entendre la clameur et où chacun joue comme si sa propre vie et accessoirement le destin du Rock en dépendaient.
Le groupe de Giuliano, Stefano, Alberto et Alex n’a pas de nom, ne connaîtra aucun lendemain professionnel et on ne le verra pas se produire en concert. Tout juste aura-t-il enregistré quelques morceaux sur une cassette au moyen d’un petit magnétophone de fortune. Mais Gipi rappelle que l’essentiel est ailleurs, dans le fait d’avoir un endroit vraiment à soi, de jouer ensemble, de former un groupe et d’y frotter son ego avec celui des autres pour se fondre dans un élan commun.
« Le Local » est sans conteste à ce jour le plus bel hommage que l’on ait fait à ces lieux obscurs et secrets où la magie du Rock se perpétue et se régénère sans cesse.

© Editions L’àpart 2011

Christopher – Interview

L’auteur de la magistrale tétralogie « Love Song » est, atavisme oblige, un brit-pop addict qui ne conçoit pas la BD sans musique. Pour lui le Rock et la BD vivent une relation parfaitement légitime et tout aussi excitante qu’un adultère en bonne et due forme.

 

L’adultère est le thème central de « Love Song ». Pourquoi avoir choisi ce sujet ? Etait-ce celui qui te semblait le mieux s’accorder avec une « bande-son » Rock » ?
En fait, l’idée de départ était cette affirmation : la solitude de l’homme dans l’adultère. J’avais vraiment envie de délirer un peu sur ce sujet-là. Et d’un délire au début, c’est devenu quelque chose de beaucoup plus grave. Parler de quatre amis qui voulaient monter un groupe me permettait de jouer vraiment de cette amitié de groupe. Ayant grandi dans l’univers du Rock et de la musique, l’idée m’est alors venue de décliner ça sous une forme Rock, avec une bande-son qui agrémenterait la bande dessinée avec les titres d’un groupe dans chacun des épisodes. Dans le premier par exemple, on trouve dix ou onze chansons des Beatles. Ce qui permet d’avoir la parfaite bande originale pour accompagner la lecture.

Quels points communs vois-tu entre rock et BD ?
Je crois que le principal point commun entre les deux, c’est le côté populaire. La bande dessinée reste encore un art vraiment populaire, comme le Rock. C’est peut-être la chose qui les rapproche le plus. Après, je ne vois pas d’autres similitudes car ce sont deux univers totalement différents, si ce n’est ce côté immédiat et généreux dans l’effort, dans lequel je me retrouve.

Duquel des quatre personnages de « Love Song » te sens-tu le plus proche ?
J’aurais tendance à dire tous et aucun, mon capitaine ! Chacun des personnages correspond à un trait de mon caractère. Je n’ai pas plus de sentiments ou de préférence pour l’un ou pour l’autre.

Le Rock, notamment au travers du groupe qu’ils ont fondé, constitue le trait d’union entre les quatre héros de « Love Song ». Le Rock apporte-t-il une dimension particulière à cette amitié et aurait-elle pu survivre sans lui ?
Je crois que la musique qui unit ces quatre potes au travers de leur groupe fait qu’ils ne se sont jamais quittés. Et ça, c’est vraiment quelque chose que je vis avec mes amis que je connais depuis le collège et le lycée à traLove Song ; Christopher © Le Lombard, 2006vers ce groupe qu’on avait formé à l’époque et qui fait qu’on est toujours là les uns pour les autres. Le groupe constitue une entité à part entière. Il y a la cellule familiale, la cellule professionnelle et il y a elle qui se crée autour du Rock puisqu’il y a une aspiration et un but communs avec ce groupe où l’on va chacun partager les mêmes émotions, les mêmes envies d’aller de l’avant.

Le Rock est un sujet qui dans la BD n’a commencé à faire l’objet d’un traitement plus dramatique (et plus seulement parodique, caricatural ou biographique) que très récemment. A quoi attribues-tu une évolution aussi tardive ?
Ce n’est pas forcément de la part des auteurs. Je me souviens par exemple de planches de Kent ou de Cornillon fin des années 70. Ce sont plutôt les éditeurs. Il fallait attendre que les jeunes amateurs prennent la direction de différentes maisons d’édition pour que l’on voit arriver des projets rock enfin signés. Ce qui fait que cette évolution s’est produite de façon un peu plus tardive. Le Rock est devenu plus grave à partir de 1968 et on en a vraiment pris conscience à la fin des années 70. Le temps que de nouveaux directeurs de collection prennent le pouvoir chez les éditeurs, cela fait à peu près vingt ans d’écart, ce qui est assez logique.

Quels sont, selon toi, le ou les auteurs(s) de Bande dessinée qui ont le mieux retranscrit l’esprit et la culture Rock ?
S’agissant de l’esprit Rock, Gilbert Shelton ou Peter Bagge sont bien dedans. Du côté franco-belge, je ne peux pas écarter Serge Clerc. Il y a également Kent. L’esprit Rock ne va pas forcément se retrouver dans le sujet qui va être développé par l’auteur mais plutôt dans la force de la narration. Un esprit un peu militant qu’on pourrait retrouver chez un Davodeau ou un Kris. Un Rock assez sensuel, assez fin chez Frederik Peeters, ou un peu fou, voire complètement barré avec des auteurs comme Gotlib ou Franquin et son Gaston.

Existe-t-il, selon toi un graphisme ou un style de dessin « rock » ?
Oui, il y aurait peut-être un style, avec au premier abord quelque chose d’assez noir, je pense à un Charles Burns ou un Munoz Sampayo. Maintenant, on peut trouver autant de folie Rock chez un Franquin ou un Peeters que dans un Jean-Claude Menu, un Killofer ou un Matt Konture.

Travailles-tu en musique ?
Je ne travaille jamais sans musique, elle est omniprésente. On en parlait une fois avec Clarke (NDR : auteur de « Mélusine » et « Mister President ») qui me disait que le matin, il démarrait plutôt avec une musique calme et en fin de journée, il était plutôt avec du Punk Rock pour finir sa planche. Il y a un peu de vrai là-dedans mais pour moi c’est vraiment en fonction de ce que j’ai envie d’écouter, entre musique d’ambiance, Punk ou Rock sixties ou seventies et pas en fonction de ce que je dessine.

Si tu pouvais te réincarner en rocker, illustre ou inconnu, qui choisirais-tu ?
Je n’ai pas vraiment d’idée bien arrêtée, je suis tellement éclectique dans mes goûts musicaux… Je pourrais être un Paul Mc Cartney en 1966 qui fait les vernissages d’expos, puis passer par Ian Curtis et revenir sur la scène Pop française. Il n’y a pas forcément un artiste précis. Ce seraient plutôt tout un univers ou des mouvements passionnants à explorer. Les sixties en Angleterre, la scène Punk dans les années 70 à Londres ou encore l’explosion musicale à Manchester dans les années 80 ou 90.

Le Rock et la Pop anglaise semblent occuper une place prépondérante dans tes références musicales. Qu’est-ce que les Anglais ont de plus que les Américains ?
Chez les Anglais, il y a cette culture où la musique Pop est vraiment ancrée dans la vie. On vit, on transpire Pop. Qu’on soit dans un supermarché, dans un ascenseur, les gens chantent, écoutent des musiques et ça c’est toujours quelque chose qui m’a plu. Je me souviens d’être allé en boîte de nuit à Manchester. On n’y est pas pour draguer comme en France mais pour danser sur de la musique, c’est un état d’esprit complètement différent qui fait que l’on se retrouve à chanter plus fort que le DJ sur certaines chansons. J’ai moins de références américaines parce que je connais moins les Etats-Unis où la musique est parfois plus dans une forme de militantisme, je pense à Dylan ou Springsteen, mais franchement je préfère le Rock anglais avec ce côté British qui résonne plus en moi, étant moi-même anglais.

Question rituelle à un fan de Rock anglais, tu es plutôt Beatles ou Rolling Stones ?
Je suis obligé de dire que je suis plutôt Beatles. J’ai grandi avec eux, c’est comme ça. Pour moi ce sont des albums somptueux, quasiment pas de déchets, cette musique-là me fait tripper, me fait sourire, me fait pleurer… Bon, les Rolling Stones, il y a des chefs-d’œuvre… mais ce ne sont pas les Beatles !

La chronique de Love Song, c’est par là

Rock’n Roll Comics

Todd LOREN – Jay Allen SANFORD – Various Artists

La vie de Todd Loren pourrait utilement figurer en bonne place dans le palmarès des destins les plus emblématiques de la grande foire rock’n roll.
Todd Loren (de son vrai nom, Stuart Shapiro) n’était pas une rock star mais il en avait le potentiel. En 1989, il fonde à San Diego, avec Jay Allen Sanford, les éditions Revolutionnary Comics grâce auxquelles il va faire paraître à un rythme frénétique, pendant environ trois ans, un nombre impressionnant de biographies, les « Rock’n roll Comics » dont il écrira plus d’une vingtaine de scénarios, dont les onze premiers ainsi que les 8 tomes de la biographie consacrée aux Beatles. L’ensemble de ces biographies dont Todd Loren a signé une bonne part des éditoriaux et dont une cinquantaine a été écrite par Jay Allen Sanford constitue aujourd’hui une véritable encyclopédie (la prétention universitaire en moins) de l’histoire du Rock en bandes dessinées.
Rares sont les grands noms du Rock de l’époque qui n’ont pas eu les honneurs de cette collection. Les Gun’s and Roses ont ouvert le bal, suivi par une foultitude d’autres. Les Beatles, les Rolling Stones, les Who, les Doors, Pink Floyd, Bob Dylan, les Sex Pistols, Cure, Metallica, Van Halen, AC/DC, Prince, Frank Zappa, David Bowie… Environ 125 biographies et des chiffres de vente que l’on peut estimer à environ 2 millions d’exemplaires. A noter que Revolutionnary Comics a édité au total 300 numéros, le reste de la production étant consacrée à des sportifs, des hommes politiques, des stars de la télévision, plus quelques fictions.

Ces biographies se voulaient ouvertement subjectives comme l’indique leur sous-titre : Unauthorized and proud of it (non autorisé et fier de l’être). Ce qui a valu à Todd Loren quelques déboires judiciaires. Certains des intéressés n’ont en effet pas vraiment apprécié la façon dont leur parcours était présenté et ont tenté d’empêcher la parution des biographies les concernant. Axl Rose, Bon Jovi, Grateful Dead ou Skid Row étaient au nombre de ces mauvais coucheurs. Ceux qui sont allés le plus loin sont les New Kids on the Block avec un procès devant la Cour suprême de Californie. Cette dernière a accordé à l’auteur-éditeur le bénéfice du premier amendement de la constitution des Etats-Unis d’Amérique qui garantit le droit d’expression. Loren, qui à la faveur de ce succès judiciaire est devenu le Larry Flint du Comics, a donc pu continuer à sévir, encouragé de surcroît par cette excellente publicité.
Même si ces biographies paraissent assez documentées et reprennent les événements ou les anecdotes les plus connus, Rock’n Roll Comics n’hésitait pas à mettre en exergue les travers de ces héros et à reconstituer des scènes et des dialogues dont l’authenticité reste sujette à caution même si elle permettait de mettre en évidence certaines étapes importantes de la carrière du groupe ou de l’artiste.
Ces biographies totalement libres sont parfois le prétexte à des digressions assez fantasques. Comme la phobie pour les vols en avion de Robert Smith où la grande faucheuse le leader de Cure lui fait revoir l’intégralité de sa carrière avant de l’emporter. Dans le huitième tome de la biographie consacrée aux Beatles, Loren propose sa propre version de la célèbre rumeur de la mort de Paul Mc Cartney dans un accident de voiture en 1966. Le conducteur du camion à l’origine de l’accident contacte Brian Epstein le manager des Beatles qui décide de remplacer Paul par un sosie de Paul McCartney. John Lennon se rendant compte de la supercherie n’aura alors de cesse de semer des indices dans les disques des Beatles.
Pour le dessin, Rock’n roll Comics faisait appel à des auteurs au trait réaliste, plus ou moins aguerris. Autant dire que la qualité du graphisme n’était pas toujours au rendez-vous et parfois même à la limite de la caricature, quoique involontaire. Mais il faut saluer le fait que de jeunes graphistes ont ainsi pu faire leurs premières armes. Certains numéros de la collection font plutôt penser à des fanzines, impression accentuée par le maquettage sommaire (petit format d’une quarantaine de pages agrafées et imprimées sur papier mat, dans la grande tradition des magazines de super héros). D’où un prix très abordable et la possibilité de réimprimer facilement certains titres, telles les biographies de Gun’s and Roses ou Metallica, dont le retirage a atteint les 300 000 exemplaires.
En outre, beaucoup de ces Rock’n roll Comics comportaient en plus de la biographie, des évocations parodiques ou burlesques, voire franchement délirantes, où les scénaristes se lâchaient complètement, souvent mis en images par des dessinateurs plus ou moins talentueux. Mais ces approximations s’inscrivent tout à fait dans la démarche délibérément rock’n roll de Todd Loren et ne gâchent en rien le plaisir du lecteur, surtout s’il est amateur de Rock.
Loren ne comptait pas que des détracteurs dans la scène Rock. ZZ Top ou Frank Zappa ont apprécié son travail et d’autres comme Gene Simmons (le bassiste de Kiss, grand fan de Comics) ou Alice Cooper sont de véritables admirateurs de son œuvre. Ces derniers figurent d’ailleurs dans le documentaire télévisuel sorti en 2005 et consacré à la vie de Todd Loren, « Unauthorized and proud of it – Todd Loren’s Rock’n roll Comics ».
Au fond, le défaut principal des Rock’n Roll Comics est qu’ils ne couvrent souvent qu’une partie de la carrière de toutes ces rockstars dont la plupart ont survécu à Todd Loren. Car ce dernier a disparu prématurément en connaissant toutefois une fin digne des idoles qu’il a dépeintes dans ses scénarios puisqu’il a été retrouvé poignardé dans son appartement en juin 1992. Il n’avait que 32 ans. Mais ce n’est pas tout ! Ce meurtre n’a jamais été élucidé. Bien que le FBI n’ait pas officiellement validé cette thèse, la rumeur court que Loren aurait été assassiné par Andrew Cunanan, tueur en série qui compte à son actif le meurtre du célèbre couturier italien Gianni Versace. Certains pensent que Loren et Cunanan auraient même été amants.
Après cette mort mystérieuse, « Rock’n Roll Comics » survivra pendant deux ans, grâce à Jay Allen Sanford et au père de Todd Loren qui faisait déjà partie du staff, avant que la maison d’édition ne s’oriente vers la BD érotique. Si ça, c’est pas rock’n roll…

Pour en savoir plus sur Todd Loren, une visite sur le blog de Jay Allen Sanford s’impose. En anglais dans le texte, ça vous fera le plus grand bien !

Les Allumeuses

Dessins : CHA – Textes : François MAINGOVAL

Charlene et Olivia, glandeuses et parasites (parce que « ça leur plait » comme aurait dit le groupe OTH au temps de sa splendeur), deviennent des stars du jour au lendemain. Satire réjouissante de « l’Industrie-Bizness-Musique » (toujours pour citer OTH, décidément) où tout l’idéal punk est résumé au travers du destin de ces deux filles, déjantées comme le Rock les aime, qui débarquent comme des cheveux (ou plutôt des crêtes) dans la soupe d’un casting pour émission de télé musicale à élimination directe.
Les Allumeuses ; Cha - Maingoval © Casterman, 2007Contre toute attente, les provocations et le caractère imprévisible de ces deux chipies destroy qui jouent leur musique à fond et refusent toute concession vont conquérir le grand public, avide de sensations nouvelles, et prendre de court les producteurs de l’émission. Ces derniers ne vont cependant pas tarder à comprendre tout le parti qu’il y aurait à tirer de ce succès inattendu, en tirant sur les bonnes ficelles pour reprendre le contrôle de la situation.
Le portrait à peine caricatural de ces deux rockeuses, tout aussi iconoclastes (pauvre Michel Sardou…) et bordéliques que sincères et naïves, tape en plein dans le mille et réalise le rêve que bien des fans de Rock caressent en secret : voir des rockers mettre le binz total sur un plateau de télé.
Le propos essentiel de ce conte moderne, concocté par Maingoval et parfaitement servi par le dessin débridé de Cha, est en effet de confronter la philosophie du « No Future » à la cruelle réalité du star-bizness, avec en toile de fond une belle histoire d’amitié.
Il n’est jamais évident de passer du registre humoristique à celui du drame. Ici la transition se fait progressivement, vers un dénouement qui confère à ce récit encore plus de relief, en point d’orgue de ce qui n’aurait pu être qu’une simple fable rock’n roll (ce qui eut été déjà fort respectable).
C’est bien tout le paradoxe de cette musique, dont le message provocateur et contestataire n’est jamais aussi fort que lorsqu’il est relayé par la grosse machine capitaliste. En serait-il en définitive un sous-produit ? Le débat n’est pas nouveau et reste ouvert mais en attendant Les Allumeuses mettent le feu aux poudres de la BD Rock en lui offrant un récit haut en couleurs, percutant comme un titre des Wampas (évidemment cités dans l’album), original et attachant à l’image de ses deux héroïnes.

Eddy l’Angoisse

Dessins et textes : Richard DI MARTINO

A la vaste question, « c’est quoi un groupe de Rock ? », il est bien sûr impossible de répondre de manière simple et définitive. Pourtant, avec Eddy l’Angoisse, nous ne sommes pas loin d’avoir désormais un aperçu complet des divers éléments qui pourraient contribuer à le faire. 
La genèse de ce groupe amateur qui se forge petit à petit un destin est une peinture réaliste et crédible de la condition du Rock en France. Les petits boulots, les concerts aux quatre coins du pays, les soirées pétards, binouzes… et les filles.
Malgré les galères, à force de volonté et de foi en leur musique, les membres de « Grunt » vont réussir à sortir de l’anonymat, enregistrer leur premier disque et entamer ce qu’il est convenu d’appeler une carrière. Car le challenge est bien là : sortir et exister en dehors du local de répète.
Le portrait de ces rockers est juste, parfois drôle mais sans complaisance. Il est principalement axé sur Edouard, le leader du groupe, une personnalité complexe, un peu torturée ; loin d’être parfait donc mais qui en dépit de ses défauts et du désordre de sa vie amoureuse (l’éternelle quête de la fille parfaite) ou professionnelle (un job alimentaire de graphiste), garde la flamme, celle qui permet d’aller plus loin que les soirées picole et les tournées de pétard, pour jouer du Rock et pas seulement en faire.
Eddy l’Angoisse, c’est aussi le récit d’une histoire d’amitié entre ces trois potes aux personnalités très différentes que la musique a réunis. Franky le bassiste est lui un séducteur invétéré, collectionneur de filles, tout le contraire de Pof le batteur, très mal à l’aise avec la gente féminine.
Avec un dessin dans la tradition de la BD d’humour franco-belge, Di Martino brouille les cartes en mettant son trait sobre et expressif au service d’un récit résolument moderne tant dans le sujet que le mode de narration.
Et puis il y a cet épilogue cinglant qui résume à lui seul avec un humour noir et en une seule page, toute la triste réalité du Rock en France.

Bonus Track : 3 questions à Richard Di Martino

Sallie Ford

Avec une voix hors d’âge, profonde et gouailleuse, cette binoclarde amerloque, au look de standardiste stagiaire version 50’s, possède une sacrée personnalité. Un subtil mélange de Country, de Blues et de Folk qui sonne pourtant très moderne. Elle et son groupe ne ressemblent à rien mais Lady Gaga n’a qu’à rentrer faire cuire ses quartiers de viande, la vraie excentricité, elle est là. A écouter sur une botte de foin après avoir repeint la clôture.

Rock et BD, Hey Ho, Let’s Go !

Mis en avant

Bienvenue sur le site qui recense toutes les liaisons légitimes, dangereuses ou secrètes qui unissent le Rock et la Bande Dessinée. Vous y trouverez une bibliographie mise à jour régulièrement, des critiques d’albums, de beaux dessins, des interviews… et des coups de cœur. Un immense merci aux auteurs qui ont créé toutes ces œuvres autour du Rock. Sans eux, la vie serait un peu plus moche et accessoirement ce site n’existerait pas. C’est tout naturellement qu’il leur est dédié, avec une pensée spéciale pour ceux qui contribuent à l’enrichir par leurs mots ou leurs dessins.

Club 27 – La plus noire des légendes du Rock

Mis en avant

Kurt Cobain, Jimi Hendrix, Jim Morrison, Robert Johnson, Alan Wilson, Brian Jones… Ils ont marqué l’histoire du Rock… et sont morts à 27 ans.
CLUB 27 est une collection unique d’art-books sur la malédiction du « Club des 27 », regroupant 14 biographies
écrites par Bruno Rival et illustrées par Will Argunas pour faire (re)découvrir la vie des 14 membres les plus connus du « Club des 27 », dont la fin souvent tragique (suicide, overdose, assassinat, disparition mystérieuse…) les a fait entrer dans la légende du Rock.

Déjà parus :

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Viennent de paraître : Jim Morrison et Mia Zapata

La vie de ces artistes est présentée de manière tout à fait inédite avec :
– Une pochette de disque totalement fictif, que l’artiste aurait pu créer s’il avait passé ce cap fatidique des 27 ans
– Une autobiographie imaginaire où l’intéressé fait le bilan de sa vie juste avant sa mort
– Quelques repères chronologiques et la discographie de l’artiste

Format 20 X 20 – Édition limitée – Prix : 8 € (+ frais de port)

Pour les commander, c’est ICI

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