Retour à Liverpool

Dessins : Julien SOLÉ– Textes : Hervé BOURHIS

1980 a été une année noire pour le Rock. Elle débutait très mal en février, avec le décès de Bon Scott (est-il besoin de rappeler qui était le monsieur ?) et s’acheva par l’assassinat de John Lennon en décembre. Après ça, on savait tous que les espoirs de reformation des Big Fab s’étaient évanouis dans la brume new-yorkaise. Malgré quelques coups de semonce en forme de pétards mouillés, c’était fichu, du moins tant que John Lennon serait mort, pour paraphraser George Harrison. Restait une flopée de chef-d’œuvres à écouter en boucle en se disant que rien de mieux en Pop et en Rock ne serait créé et franchement on n’a pas été vraiment détrompés depuis.
En attendant, on peut toujours rêver et se risquer à prononcer le début de cette phrase magique : « Et si… ? » C’est ce qu’ont fait Hervé Bourhis et Julien Solé en donnant vie à cette uchronie qu’on aurait tant voulu voir se réaliser. Et si en 1980, les Beatles étaient de nouveau réunis pour composer des chansons ? Postulat alléchant mais qui une fois posé représentait un sacré challenge. Avec la culture Rock du sieur Bourhis, on n’était pas vraiment inquiet, encore fallait-il aborder le sujet sous le bon angle. Avec Julien Solé au dessin, il y avait fort à parier qu’on n’allait pas tomber dans l’hommage tiède mais plutôt verser dans une parodie joyeusement iconoclaste.
Et force est de constater que l’on n’est pas déçu et que les deux compères sont même allés au-delà de nos espérances car le quatuor mythique s’en prend des bordées à longueur de pages. L’intrigue est astucieuse et repose sur des évènements réels et, malgré la caricature (chapeau à Julien Solé qui s’est parfaitement sorti de ce difficile exercice graphique en créant une fois de plus de superbes planches) et la succession de rebondissements improbables, on se dit malgré tout que ce récit dense constitue une alternative assez crédible à la triste réalité officielle.
Car au delà de l’humour irrévérencieux, Retour à Liverpool met en lumière un fait incontournable : En 1980, chaque membre des Beatles était arrivé au bout de sa verve créatrice. D’abord ce brave Ringo, avec quelques albums alimentaires et dont les qualités intrinsèques de batteur sont égratignées au passage (ce qui est un peu injuste, tant d’illustres pairs ont depuis reconnu son talent et son importance dans les Beatles). Lennon pondait avec Yoko un double album qui vaut surtout par son nom sur la pochette, avec quelques compos sympas mais qui auraient paru bien faibles sur un disque des Beatles. McCartney avait fait le tour des Wings. Quant à Harrison, s’il avait pondu son chef-d’œuvre, All Things Must Pass, juste après la séparation du groupe, aucun de ses albums suivants dans les 70’s, ne s’était approché de ce magistral premier opus.
Cela aurait donc été le bon moment pour reformer le groupe et repartir vers les sommets de la gloire… et de la fortune. Le cahier d’Hervé Bourhis à la fin du livre vient à point nommé expliquer toute la pertinence de l’hypothèse d’une telle reformation.

Évidemment, le point de départ et surtout le déroulement des évènements n’auraient pas été aussi délirants dans la réalité. N’empêche, le récit fourmille de références et de clins d’œil à des faits et anecdotes historiques que les amateurs s’amuseront à reconnaître et sauront apprécier, à commencer par les rivalités et rancœurs qui régnaient entre les Beatles, prétextes aux détournements les plus drôlatiques. Après un tel hommage, les Beatles trembleront un peu sur leur piédestal, mais après tout ils l’ont bien cherché.

Rock et BD au festival Angers BD

En décembre 2016, les décibulles ont envahi le festival Bande Dessinée d’Angers.
Ce fut un sacré bon moment de BD Rock avec au programme :
– Le concert du Boy’s Bande Dessinée (groupe de Janry, Batem, Gihef and Co) au Joker’s Pub ;
– Une exposition Rock et BD, avec des oeuvres de Hervé Bourhis, Julien Solé, Christopher et Frank Margerin ainsi que des croquis de concerts d’Olivier Martin ;
– Une Conférence débat en présence des auteurs précités ;
– Un Concours de photos sur Facebook pour devenir un instant la Rock-Star de ses rêves ;
– Et le bœuf du samedi soir, bien sûr !
Ci-dessous un petit aperçu en images de ces réjouissances…

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…ainsi que l’intégralité de la conférence-débat Rock et BD en présence des auteurs de l’exposition :

Un grand merci aux auteurs, organisateurs, bénévoles… sans oublier le public, qui ont contribué au succès de cet évènement.

The Zumbies – Heavy Rock Contest

Dessins : JULIEN – Textes : Yan LINDINGRE

On avait quitté les Zumbies dans la moiteur marécageuse d’une campagne française aux relents de Bayou, réglant leurs comptes à une horde de cul-terreux cathos intégristes. On les retrouve en compétition avec la fine fleur du Rock sataniste, horrifique et déviant au Heavy Rock Contest de Woodtonguestock, dont le vainqueur gagnera l’insigne honneur d’enregistrer un 45 tours aux studios 666 de Fire Island.
Et déjà un sentiment familier anime le lecteur, celui de retrouver de vieilles connaissances, doublé de l’intuition que ces monstres électriques sont partis pour faire de vieux os.
Ce qui faisait le charme sanglant du premier album se confirme ici. The Zumbies, c’est comme un morceau des Cramps ou des Ramones, brut, cradingue, agressif et sans concessions. Pas d’intrigues alambiquées et de multiples niveaux de lecture. Sur fond de Rock lourd et râpeux, ça finit toujours par tronçonner, éventrer et gicler à grands jets, avec toutes sortes d’instruments contondants (même une basse rutilante peut s’avérer une sulfateuse dévastatrice !). Au menu : décibels, boyaux sanguinolents et cervelles savoureusement dégustées par ces gourmets décharnés.
Cette éruption de violence grandguignolesque n’a qu’un seul but : servir la cause du Rock’n Roll dont les clichés revisités hantent les pages de l’album. A noter que Julien/Cdm s’est vraiment déchainé et nous livre de superbes planches, denses, touffues, un régal pour la rétine.
De l’humour potache, transgressif et défoulatoir, à s’envoyer à fond les potards. De la pure BD Rock quoi !

Pour les non-initiés : la chronique du premier album

Bonus Track : 3 questions à Julien/Cdm

The Zumbies

Dessins : JULIEN – Textes : Yan LINDINGRE

Parmi les embûches innombrables mises sur la route du Rock, les accusations de musique violente, dépravée, satanique, assénées par des ligues de vertu, les autorités religieuses ou les politiciens réactionnaires se sont avérées au final parmi celles qui ont le plus contribué à pousser la jeunesse à y regarder de plus près.
Ce doux parfum de danger et d’interdit, on le retrouve dans les films d’épouvante qui ont eux aussi connu le même ostracisme avant d’acquérir le statut de genre culturel à part entière.
Quand on met dans la même phrase Rock et film d’épouvante, un groupe vient forcément à l’esprit, les Cramps, combo amerloque complètement déjanté, promoteur du genre Psychobilly. Voix d’outre-tombe, guitares caverneuses, rythmiques hypnotiques, des concerts grand guignolesques et un look inspiré de cette imagerie de série B, vampires, loup-garous et autres zombies.
Les zombies, justement, sont redevenus très à la mode ces derniers temps, notamment avec une flopée de films et côté Bande Dessinée l’excellent Walking Dead, l’un des meilleurs comics de ces dernières années.
Sur l’instigation de Julien Solé (dit tantôt Julien, tantôt Ju/Cdm, on ne sait plus), Yan Lindingre a bouffé de ces films de série Z à la louche et s’en est inspiré pour concocter l’intrigue de ces Zumbies, d’anciens variéteux morts et ressuscités en rockers par Jesse Garon (oui, les plus cultivés auront reconnu l’hommage au frère mort-né d’Elvis Presley, à moins qu’il ne s’agisse d’une allusion perfide au défunt néo-rockabilleux franchouillard du début des 80’s qui cachetonnait le dimanche après-midi chez feu Jacques Martin). Mais là où les zombies traditionnels affichent un Q.I. de poisson rouge et se trainent comme des somnambules à la recherche de leur ration de barbaque humaine, les Zumbies sont des cannibales doués d’intelligence et de réflexion, entièrement mis au service de leur art.
En 2023, dans un monde qui évoque France rurale profonde et Bayou profond (ou le contraire), ces trois zicos et leur chanteuse bravent les communautés religieuses intégristes qui tentent d’imposer leur loi. Leur tournée sanglante les amène à découper en rondelles les calotins ou à déguster quelques teenagers égarés.
Avec un humour potache qui ne fait pas dans la dentelle, les auteurs s’amusent à détourner les clichés des films d’horreur et à glisser quelques clins-d‘œil au gros Rock qui tâche comme une bonne giclée d’hémoglobine. Du côté cinoche, on pense notamment à Une nuit en enfer et s’agissant du Rock, aux Cramps, bien sûr.
Pour servir le propos, Julien utilise une mise en couleurs bien glauque (au sens propre du terme) éclairée par le rouge du sang versé par litres.
Afin d’entretenir le mystère, la première version de l’album est parue avec sur la couverture un Z énigmatique et sans la mention des auteurs.
Depuis, les coupables ont été identifiés mais toujours pas appréhendés et ils ont même osé récidiver. Mais que fait donc le Vatican ?

Bonus Track : 3 questions à Julien/Cdm

Cosmik Roger

Dessins : JULIEN – Textes : MO/CDM

Vous connaissez Valérian, le héros spatio-temporel créé par Pierre Christin et Jean-Claude Mézières ? Donc, vous prenez un Valérian, pas trop frais, vous ajoutez une barbe de trois jours, un penchant indéfectible pour la picole et une prédilection pour les aliens femelles qui n’ont pas froid aux yeux (qu’elles en aient un seul ou plus de deux), vous enduisez d’une bonne couche de fainéantise et assaisonnez avec une grosse pincée de stupidité. Vous obtenez un Cosmik Roger prêt à consommer.
Cosmik Roger a une mission : sauver l’humanité. Facile. Et pour ce faire, trouver une autre planète habitable, la terre étant devenue une gigantesque décharge. Un job peinard, bien payé mais forcément limité dans le temps. Vu qu’il est censé être le plus qualifié pour s’acquitter de cette tâche, ça laisse perplexe quant aux chances de survie de l’espèce humaine. Car en bon fonctionnaute, Roger fait durer le plaisir et passe le plus clair de son temps à glandouiller aux quatre coins de la galaxie et à se pochetronner au Rendez-vous des Anneaux, un troquet de quartier paumé sur un minuscule astéroïde. Une parodie tout à fait dans l’esprit potache de Fluide Glacial,
Et le Rock dans tout ça ? D’abord, Cosmik Roger a une hérédité chargée car l’un de ses géniteurs n’est autre que Mo/Cdm le scénariste des Blattes, le groupe de Métal le plus foireux de l’histoire. Et Julien, son dessinateur, a quant à lui donné vie aux Zumbies, scénarisé par le sieur Yan Lindingre, et il est accessoirement le rejeton de Jean Solé, auteur du foutraque Pop & Rock & Colégram et de Mélodimages.
Déjà, le second tome des aventures de ce foireux interstellaire mettait en scène, dans un gag fracassant, les « Bourrins », un groupe d’aliens déchainés où les auteurs s’amusaient à revisiter les clichés des textes de Métal.
Dans Tragical Cosmik Tour, le 6è tome, Roger passe la vitesse lumière et entame la carrière de rocker auquel son comportement addictif et marginal le prédestinait. Mais attention, Roger n’est pas un rocker lambda. Il est Elvis himself, ou du moins sa descendance génétique, dans une version SF débridée où, affublé du costume de clown blanc d’Elvis à Las Vegas, il écume les quatre coins de l’univers avec son gang d’extraterrestres. Tout cela n’est bien sûr que le prétexte à de délirantes et burlesques variations autour de ce thème improvisé. On citera pour exemple le casting de batteurs auquel échoue un alien sans bras ni jambes. Tout le reste est du même tonneau. Mo/Cdm et Julien qui prennent à l’évidence un plaisir sadique au fil des aventures de leur anti-héros à le coller dans les pires des mouises, glissent ici toute une série de clins d’œil irrévérencieux à l’imagerie rock’n rollienne.
Elvis et le Rock méritaient-ils ça ? Vu comme ça nous fait marrer… Affirmatif, Monsieur Spock !