Glam Glitters

Quand on croise Cyril Trichet, dessinateur, entre autres, de l’excellente série fantastique Les Arcanes du Midi-Minuit, on n’imagine pas que l’auteur sagement assis à sa table de dédicaces, derrière un visage juvénile, les yeux cerclés de lunettes rondes, est dans l’intimité un serial rocker. Car entre deux planches de BD, le jeune homme placide et bien élevé, après avoir enfilé les santiags, le slim léopard, la chemise à jabot, et ceint son front d’un bandana écarlate, branche sa guitare et pousse à fond les potards de son ampli.
On a tous son jardin secret… sauf que le jardin est ici un parc ouvert au public, au travers de l’album Back To The Future sorti en juin 2013. Le sieur n’en est d’ailleurs pas à son premier essai puisqu’en 2011, il avait déjà sorti un album dans la même veine, intitulé Coming From 1984.
Glam GlittersDès les premières notes de ce second opus, on comprend de quoi il va retourner, gros riff, chorus dès l’intro, saturation scintillante, pas de doute, c’est bien du Glam Rock, mâtiné de Hard Rock, le tout formant un cocktail efficace et carré.
Sur ce torrent d’électricité, se greffent des textes en anglais, assénés d’une voix péchue, parfaitement en phase avec le style.
C’est déjà une agréable surprise de voir ce qu’un « amateur » éclairé peut tirer d’une passion qui va bien au-delà d’un simple passe-temps. Cyril Trichet appartient à cette confrérie de dessinateurs BD, tels Swolfs, Sternis, Cromwell, Gibrat ou Meynet, qui maîtrisent avec la même aisance dessin et musique qu’ils pratiquent dans leurs groupes respectifs..
A un tout petit détail près : Derrière les Glam Glitters se cache… eh ben, Cyril Trichet lui seul, qui grâce à son talent, allié à une bonne maîtrise de la technologie, compose, chante et joue tous les instruments, ayant seulement délégué l’écriture des textes, Même si l’informatique lui permet de donner corps à ses créations, il a tout de même pris soin d’enregistrer en studio pour étoffer le son. Et bien sûr, il s’est chargé de l’artwok de Back To The Future, qui en rendant hommage à la trilogie cinématographique, donne vie sur le papier aux quatre membres de ce groupe virtuel, avec un accoutrement et un look dignes des meilleurs combos de Glam Rock.
Néanmoins, loin d’être la seule expression d’un effort (plaisir !) solitaire, les Glam Glitters se produisent parfois en chair et en os, leur géniteur s’entourant d’autres musiciens pour jouer en live.
Un projet de BD est également en gestation, ce qui donnerait à ce groupe virtuel une autre dimension spatio-temporelle. Une vraie BD de fiction Rock jouée par un groupe existant pour de vrai, du jamais vu depuis les Closh et on attend ça avec impatience !

Le site officiel des Glam Glitters, c’est par ici !

La fille

Dessins et Textes : Christophe BLAIN – Musique : Barbara CARLOTTI

Par un dimanche après-midi pluvieux, énième avatar du mois de mai le plus pourri de mémoire de moi, je glisse le CD dans la platine et j’ouvre le bouquin, en route pour une expérience dont je ne sais trop quoi penser.
La FilleJ’ai adoré Le Réducteur de vitesse, bien aimé Isaac le Pirate et apprécié Gus. Et j’ai retrouvé dans La Fille ce ton et cette vision qui font de Christophe Blain un auteur unique dans la BD, avec cet art consommé de renouveler à sa manière des thèmes ultra défrichés. Sa Fille n’échappe pas à la règle, belle et rebelle, indépendante et fragile, sensuelle et romantique. L’intrigue revisite mythes et héros hollywoodiens, western, pin-ups et grosses cylindrées, entre violence, érotisme, musique et love-story. Tout cela est de fort bon gout et l’on retrouve les personnages de Blain, aussi décalés qu’archétypiques. En gros, c’est l’histoire d’une motarde qui rencontre un cow-boy modèle réduit.
Contrairement à ce qu’annonce le sticker sur la couverture, à savoir une BD musicale, il s’agit plutôt d’une nouvelle, retranscrite dans le livre et lue dans le CD, illustrée par les chansons de Barbara Carlotti, dont les paroles figurent également dans le livre, ainsi que par les planches de BD de Christophe Blain. Cette multiplicité des supports, si elle provoque chez le lecteur-auditeur toute une gamme de sensations et l’immerge dans les méandres d’un récit dense et original, s’avère néanmoins plutôt déroutante. Pour ma part, j’avais choisi la totale : lire la nouvelle en l’écoutant simultanément. Un exercice qui s’avère assez fastidieux au bout d’un temps car il ralentit la lecture. Le fait que certaines planches de BD soient décalées par rapport au texte lu est aussi gênant car, même si l’on n’est jamais paumé, cela nuit à la fluidité du récit.
J’aurais peut-être dû soit zapper la lecture des textes et écouter le CD en regardant les illustrations BD et à la limite en lisant les paroles des chansons ou alors juste lire le livre et n’écouter dans le CD que les chansons… sauf que la chanson française, en ce qui me concerne… je suis définitivement « Luzien ». Et si je reconnais les qualités intrinsèques de Barbara Carlotti, ses musiques, sa voix sonnent beaucoup trop hexagonales pour moi, trop littéraire et trop linéaire, privilégiant le texte au détriment de la mélodie et de la musique, bref du bien de chez nous.
Cet exercice de style aurait pu, à mon humble avis, être génial en se limitant à deux médiums au lieu de ce triptyque qui s’égare en empruntant trop de chemins, BD, nouvelle et livre audio. Pourquoi pas juste un récit audio illustré en musique et en BD avec le double, voire le triple de planches ? Là oui, on aurait pu parler de BD musicale, la musique des chansons et celle de la voix lisant le texte.
Au bout du compte, La Fille me laisse perplexe, peut-être parce que je n’ai pas su comment la prendre (oui, bon, désolé). Le multimédia, c’est génial, à condition d’avoir assez de mémoire vive… je dois pas être équipé de la bonne version. N’empêche que l’expérience méritait d’être faite et que je ne regrette pas le voyage, même sur le siège passager d’une moto anglaise tape-cul.

Britishs inconnus

Ils étaient bons, parfois géniaux et ils n’ont pas eu le succès qu’ils méritaient. Trop purs, trop bons zicos ? La faute à pas de chance ? Il leur manquait en fait l’essentiel : un tube, ce sésame auquel se résume parfois toute une carrière mais qui rend dérisoire celle qui en est dépourvue
On pourra aussi arguer que leur style, trop original (ou pas assez diront les rabat-joies) ne pouvait être catalogué de manière évidente dans un mouvement, une mode ou une chapelle, ce qui offre à ceux qui en font partie la gloire éternelle dans le sillage des grands prêtres du culte.
Ces Britons se sont contentés de composer d’excellentes chansons. Pas grave au fond, les connaitre permet d’avoir le sentiment d’appartenir à une élite.
Voici donc mon petit hommage perso aux Tommies inconnus au champ d’honneur du Rock.

– Woodentops : Leur musique s’inscrivait dans le courant New-Wave mais ce cocktail de Folk-Rock mâtiné de Punk était en fait inclassable. Qui prétend aimer le Rock anglais se doit de posséder Giant dans sa discothèque. Cet album est somptueux, tout simplement. Rolo Mc Geee était un frontman classieux à la voix chaude et sensuelle. Lors d’une émission des Enfants du Rock, ils avaient mis le feu sur le plateau avec Stop This Car sous le regard éberlué de Phil Manoeuvre. La grande époque. Ci-dessous, une de leurs chansons les plus emblématiques… mais elles le sont toutes.

– Gomez : Sur certains de leurs morceaux, ils ont tutoyé la grâce et ce dès le début de leur carrière avec Rythm and Blues Alibi. Mais après avoir produit de superbes albums, hors du temps, leur Folk-Blues s’est un peu essoufflé et ils ont, comme tant d’autres, mal négocié le virage vers une Pop plus accessible mais encore trop riche musicalement pour que le grand public les suive. Un beau gâchis. Mon album préféré est How We Operate avec son splendide titre éponyme.

– Reef : Découvert par hasard par l’entremise de la série télé anglaise Red Caps, sorte de NCIS britannique, dont un de leurs morceaux Set the Record Straight a été utilisé pour le générique. Un p’tit coup de streaming sur le Net et je découvre trois albums dignes d’éloges. Certes ils ont pas révolutionné le truc mais ils le jouent bougrement bien. Et quelle voix ! Premier morceau du premier album… tout est dit.

– Toy Dolls : Oubliez les Clash, les Sex Pistols, les Dead Kennedys, etc. Le plus grand groupe de Punk, ce sont eux. Pas de message mais du Rock’n Roll à l’état pur dans un esprit festif, clownesque et déjanté, à l’image de leur look et de leurs pochettes de disques. Et quelle énergie sur scène, deux hurluberlus montés sur ressort, un batteur carré et précis, le trio enchaînant à fond les manettes les hymnes de leur Punk épileptique et mine de rien très technique : Olga, le leader, est un guitariste prodigieux alignant avec aisance riffs supersoniques et solis furieux (mais jamais bavards) tout en assurant un improbable chant, aigu et infantile. Ci-dessous une longue vidéo avec tous les titres de leur troisième album. Enjoy…

Sallie Ford

Avec une voix hors d’âge, profonde et gouailleuse, cette binoclarde amerloque, au look de standardiste stagiaire version 50’s, possède une sacrée personnalité. Un subtil mélange de Country, de Blues et de Folk qui sonne pourtant très moderne. Elle et son groupe ne ressemblent à rien mais Lady Gaga n’a qu’à rentrer faire cuire ses quartiers de viande, la vraie excentricité, elle est là. A écouter sur une botte de foin après avoir repeint la clôture.