Beatles Collector – La fabuleuse collection Jacques Volcouve

Un livre de Ersin Leibowitch, Dominique Loriou… et Jacques Volcouve

Les collectionneurs ont quelque chose de fascinant. Cette quête incessante qui les transforme en doux dingues, amateurs éclairés… ou monomaniaques obsessionnels. Toujours à la recherche de la pièce manquante, la perle rare pour laquelle ils se lèveront aux aurores, sillonneront les routes, écumeront les conventions et les foires en tout genre (le vide-grenier du dimanche matin après avoir bringué la veille, ça me laisse pantois). Ce sont en quelque sorte des créateurs par procuration avec plus ou moins de talent. Mais à un certain niveau, la collection peut devenir une œuvre à part entière. A tout le moins, quelque chose qui distinguera son possesseur du commun des mortels.
Il y a des collections que l’on pourra juger moins nobles… comme les capsules de bière ou les couvercles de boîtes à fromage. Certains jettent leur dévolu sur les fly-tox, tels Frank Margerin qui, quant à lui « fait des collections de collections », d’autres sur les armes blanches des deux guerres mondiales (ce bon vieux Lemmy) … peu importe, la quête est plus importante que son objet et comme disait Camus, « La lutte vers les sommets suffit à remplir un cœur d’homme ».
N’empêche, il y a des montagnes plus abruptes que d’autres et des cimes encore inviolées. S’attaquer aux Beatles en fait partie. Et c’est pourtant ce qu’a entrepris de faire Jacques Volcouve, depuis qu’il est adolescent : constituer l’une des plus belles collections mondiales autour des Fab Four. Une œuvre insensée, tant les Beatles, au delà d’une discographie « officielle » (pour ne parler que de la britannique) d’une douzaine d’albums, ont généré et génèrent encore aujourd’hui une somme incommensurable de produits, dont certains franchement très dérivés. Pressages étrangers ou mieux…pirates, films, affiches, fringues, figurines, jouets, pins, badges et objets en tout genre, sans oublier les pépites ultra-collector que peuvent constituer une photo inédite, un article de presse ou un billet de concert.
Néanmoins, cette monomanie n’a rien d’une lubie. Volcouve est un vrai dingue des Beatles et sa collection, loin d’être une fin sans soi, est le médium par lequel il entretient sa passion sans limites. Son credo est parfaitement résumé dans l’introduction du livre « Pour moi, les Beatles donnaient du bonheur alors que les autres groupes donnaient seulement du plaisir ».
Ce bonheur, il n’a eu de cesse de le partager, bourlinguant autour du monde pour dénicher l’objet encore plus improbable, créant un magazine, donnant des conférences, écrivant des livres… avec quelques points d’orgue comme ces rencontres, épistolaires et même en chair et en os avec ces apôtres de la Pop dont il répand la bonne parole depuis plus de trente-cinq ans, celle des Beatles mais aussi celle de ses quatre membres prolongeant l’évangile après 1970 (quoique de manière souvent discutable selon les exégètes).
Le livre, richement illustré, offre un bel aperçu de la collection mais ne se limite pas à une plate iconographie. C’est une vraie hagiographie, retraçant avec rigueur et souci de la précision historique le parcours des Beatles, mais en évitant l’écueil fréquemment constaté dans les innombrables biographies déjà pondues sur le mythe, ce côté universitaire et encyclopédique, souvent bien barbant. Ici, l’approche est originale, raconter les Beatles par l’objet, et met en lumière le point de vue du fan, plus tangible et plus authentique.
Les Beatles sont immortels et la collection de Jacques Volvouve en est l’une des plus réjouissantes illustrations, grâce à laquelle il méritait bien lui aussi son petit fragment d’éternité.

Christopher – Interview

L’auteur de la magistrale tétralogie « Love Song » est, atavisme oblige, un brit-pop addict qui ne conçoit pas la BD sans musique. Pour lui le Rock et la BD vivent une relation parfaitement légitime et tout aussi excitante qu’un adultère en bonne et due forme.

 

L’adultère est le thème central de « Love Song ». Pourquoi avoir choisi ce sujet ? Etait-ce celui qui te semblait le mieux s’accorder avec une « bande-son » Rock » ?
En fait, l’idée de départ était cette affirmation : la solitude de l’homme dans l’adultère. J’avais vraiment envie de délirer un peu sur ce sujet-là. Et d’un délire au début, c’est devenu quelque chose de beaucoup plus grave. Parler de quatre amis qui voulaient monter un groupe me permettait de jouer vraiment de cette amitié de groupe. Ayant grandi dans l’univers du Rock et de la musique, l’idée m’est alors venue de décliner ça sous une forme Rock, avec une bande-son qui agrémenterait la bande dessinée avec les titres d’un groupe dans chacun des épisodes. Dans le premier par exemple, on trouve dix ou onze chansons des Beatles. Ce qui permet d’avoir la parfaite bande originale pour accompagner la lecture.

Quels points communs vois-tu entre rock et BD ?
Je crois que le principal point commun entre les deux, c’est le côté populaire. La bande dessinée reste encore un art vraiment populaire, comme le Rock. C’est peut-être la chose qui les rapproche le plus. Après, je ne vois pas d’autres similitudes car ce sont deux univers totalement différents, si ce n’est ce côté immédiat et généreux dans l’effort, dans lequel je me retrouve.

Duquel des quatre personnages de « Love Song » te sens-tu le plus proche ?
J’aurais tendance à dire tous et aucun, mon capitaine ! Chacun des personnages correspond à un trait de mon caractère. Je n’ai pas plus de sentiments ou de préférence pour l’un ou pour l’autre.

Le Rock, notamment au travers du groupe qu’ils ont fondé, constitue le trait d’union entre les quatre héros de « Love Song ». Le Rock apporte-t-il une dimension particulière à cette amitié et aurait-elle pu survivre sans lui ?
Je crois que la musique qui unit ces quatre potes au travers de leur groupe fait qu’ils ne se sont jamais quittés. Et ça, c’est vraiment quelque chose que je vis avec mes amis que je connais depuis le collège et le lycée à traLove Song ; Christopher © Le Lombard, 2006vers ce groupe qu’on avait formé à l’époque et qui fait qu’on est toujours là les uns pour les autres. Le groupe constitue une entité à part entière. Il y a la cellule familiale, la cellule professionnelle et il y a elle qui se crée autour du Rock puisqu’il y a une aspiration et un but communs avec ce groupe où l’on va chacun partager les mêmes émotions, les mêmes envies d’aller de l’avant.

Le Rock est un sujet qui dans la BD n’a commencé à faire l’objet d’un traitement plus dramatique (et plus seulement parodique, caricatural ou biographique) que très récemment. A quoi attribues-tu une évolution aussi tardive ?
Ce n’est pas forcément de la part des auteurs. Je me souviens par exemple de planches de Kent ou de Cornillon fin des années 70. Ce sont plutôt les éditeurs. Il fallait attendre que les jeunes amateurs prennent la direction de différentes maisons d’édition pour que l’on voit arriver des projets rock enfin signés. Ce qui fait que cette évolution s’est produite de façon un peu plus tardive. Le Rock est devenu plus grave à partir de 1968 et on en a vraiment pris conscience à la fin des années 70. Le temps que de nouveaux directeurs de collection prennent le pouvoir chez les éditeurs, cela fait à peu près vingt ans d’écart, ce qui est assez logique.

Quels sont, selon toi, le ou les auteurs(s) de Bande dessinée qui ont le mieux retranscrit l’esprit et la culture Rock ?
S’agissant de l’esprit Rock, Gilbert Shelton ou Peter Bagge sont bien dedans. Du côté franco-belge, je ne peux pas écarter Serge Clerc. Il y a également Kent. L’esprit Rock ne va pas forcément se retrouver dans le sujet qui va être développé par l’auteur mais plutôt dans la force de la narration. Un esprit un peu militant qu’on pourrait retrouver chez un Davodeau ou un Kris. Un Rock assez sensuel, assez fin chez Frederik Peeters, ou un peu fou, voire complètement barré avec des auteurs comme Gotlib ou Franquin et son Gaston.

Existe-t-il, selon toi un graphisme ou un style de dessin « rock » ?
Oui, il y aurait peut-être un style, avec au premier abord quelque chose d’assez noir, je pense à un Charles Burns ou un Munoz Sampayo. Maintenant, on peut trouver autant de folie Rock chez un Franquin ou un Peeters que dans un Jean-Claude Menu, un Killofer ou un Matt Konture.

Travailles-tu en musique ?
Je ne travaille jamais sans musique, elle est omniprésente. On en parlait une fois avec Clarke (NDR : auteur de « Mélusine » et « Mister President ») qui me disait que le matin, il démarrait plutôt avec une musique calme et en fin de journée, il était plutôt avec du Punk Rock pour finir sa planche. Il y a un peu de vrai là-dedans mais pour moi c’est vraiment en fonction de ce que j’ai envie d’écouter, entre musique d’ambiance, Punk ou Rock sixties ou seventies et pas en fonction de ce que je dessine.

Si tu pouvais te réincarner en rocker, illustre ou inconnu, qui choisirais-tu ?
Je n’ai pas vraiment d’idée bien arrêtée, je suis tellement éclectique dans mes goûts musicaux… Je pourrais être un Paul Mc Cartney en 1966 qui fait les vernissages d’expos, puis passer par Ian Curtis et revenir sur la scène Pop française. Il n’y a pas forcément un artiste précis. Ce seraient plutôt tout un univers ou des mouvements passionnants à explorer. Les sixties en Angleterre, la scène Punk dans les années 70 à Londres ou encore l’explosion musicale à Manchester dans les années 80 ou 90.

Le Rock et la Pop anglaise semblent occuper une place prépondérante dans tes références musicales. Qu’est-ce que les Anglais ont de plus que les Américains ?
Chez les Anglais, il y a cette culture où la musique Pop est vraiment ancrée dans la vie. On vit, on transpire Pop. Qu’on soit dans un supermarché, dans un ascenseur, les gens chantent, écoutent des musiques et ça c’est toujours quelque chose qui m’a plu. Je me souviens d’être allé en boîte de nuit à Manchester. On n’y est pas pour draguer comme en France mais pour danser sur de la musique, c’est un état d’esprit complètement différent qui fait que l’on se retrouve à chanter plus fort que le DJ sur certaines chansons. J’ai moins de références américaines parce que je connais moins les Etats-Unis où la musique est parfois plus dans une forme de militantisme, je pense à Dylan ou Springsteen, mais franchement je préfère le Rock anglais avec ce côté British qui résonne plus en moi, étant moi-même anglais.

Question rituelle à un fan de Rock anglais, tu es plutôt Beatles ou Rolling Stones ?
Je suis obligé de dire que je suis plutôt Beatles. J’ai grandi avec eux, c’est comme ça. Pour moi ce sont des albums somptueux, quasiment pas de déchets, cette musique-là me fait tripper, me fait sourire, me fait pleurer… Bon, les Rolling Stones, il y a des chefs-d’œuvre… mais ce ne sont pas les Beatles !

La chronique de Love Song, c’est par là