Si vous êtes lecteurs de Rock & Folk, vous avez sûrement remarqué ses dessins drôlatiques et un poil irrévérencieux qui caricaturent les plus belles tronches du Rock. Jampur FRAIZE fait rimer Rock avec BD comme une évidence. Ce pilier de la Gazette du Rock où il associe à ses méfaits graphiques les plumes les plus aiguisées de la BD Rock est aussi animateur de radio (devinez dans quel style). Vu qu’il respire le Rock tel un Punk son tube de colle, il était temps qu’il nous en dise plus sur ces addictions parfaitement avouables.
Quels sont les événements tragiques de ton enfance qui t’ont fait dériver vers la bande dessinée ?
Vers l’âge de 6 ans, je suis tombé à plusieurs reprises sur la tête et ce, à peu de temps d’intervalle : chute d’un lit superposé, chute dans un escalier, et collision frontale contre un mur en crépi. Il ne s’agit pas vraiment ici d’événements tragiques mais cela a influencé mon comportement de manière considérable.
Je me suis pris, entre autres pour Gaston Lagaffe, Donald, Astérix et Luky Luke. Mon rêve était alors de faire comme Lebrac, qui était toujours en retard pour rendre ses planches de BD, à la rédaction de Spirou.
Et ce penchant indéfectible pour la musique de sauvages, d’où vient-il ?
Un peu de mes chutes, citées précédemment, mais aussi, ayant été élevé dans un endroit isolé de la garrigue gardoise, j’ai gardé cet instinct sauvage qui s’est traduit par une irrésistible envie de rythmes binaires. La visite de l’aven d’Orgnac a été décisive quant à mon attirance pour les sons de guitare caverneux. Puis, voyant mon grand frère gratter inlassablement sur sa guitare, j’ai eu envie de faire de même, tout en écoutant les vieux bluesmen des 40’s et jeunes anglais des 60’s qui nous servaient de modèles.
Le mélange de ces deux addictions t’a-t-il tout de suite amené vers la BD Rock ou bien as-tu exploré d’autres genres avant?
J’ai appris le piano classique et un peu de jazz de 7 à 14 ans, j’ai donc consommé pas mal de musique classique et j’en écoute encore beaucoup, principalement les impressionnistes (Debussy, Ravel…). Du jazz aussi. En même temps, j’entendais d’une oreille les disques de mes aînés, qui entraient en pleine adolescence et écoutaient Chuck Berry, Les Stones, Beatles, Who, Canned Heat, Otis Redding Deep Purple…
Tout ça nous mène vers la Gazette du Rock, dont tu es l’instigateur (ou l’un des instigateurs ?), et qui, sous ses dehors un peu foutraques et éclectiques, proches de l’esprit fanzine, a une vraie ligne directrice, axée sur le Rock pur et dur sous toutes ses formes, en retraçant en BD aussi bien des célébrités que des artistes underground. Il y a aussi des interviews de dessinateurs, des chroniques de concerts… Comment et pourquoi avoir créé ce magazine?
C’est parti de loin, remontons jusqu’en 2008, année où ma compagne, Stella Di Matteo, passionnée de Rock aussi, a créé une ASBL (équivalent belge des assos loi 1901), la «Maison du Rock», qui s’inspire du concept de la «Maison du Jazz» de Liège, lieu de conservation et de consultation du patrimoine Jazz, avec conférences, expos et organisations de concerts à la clé. Bref, elle s’est dit qu’il fallait la même chose pour le Rock. Une sorte de caverne d’Ali baba Rock’nRoll, avec tous ses trésors. Le hic, c’est que les subventions pour avoir un lieu digne de ce nom sont inexistantes pour le moment. Donc, depuis sa création, l’ASBL stocke dons, héritages et achats d’un patrimoine Rock, riche en vinyls, CD, K7, livres, DVD’s, documents et accessoires divers dans un local, en attendant de pouvoir avoir un lieu digne d’accueillir un public assoiffé de rock. En attendant, depuis 2008, donc, la Maison du Rock n’a pas chômé car elle a organisé des concerts (Satelliters, Len Price3, Les Producteurs de Porcs, The Prime Movers, The Montesas, etc.) des expos (Frank Margerin, Mezzo, Riff Reb’s & Edith,…), et des conférences. L’univers du Rock et celui du Fanzinat étant étroitement liés , nous nous devions de créer un fanzine: La Gazette du Rock, qui existe depuis mars 2011, au rythme de deux parutions par an. Grâce, entre autres, à l’impulsion de Jean Bourguignon, talentueux auteur de Bandes Dessinées et stakhanoviste du fanzine.
On y raconte, triture et maltraite parfois, l’Histoire du Rock, on y parle de nos coups de cœurs, il y a des chroniques, interview, BD, strips. On peut y trouver des grands classiques comme Chuck Berry ou des gens plus en marge, comme Billy Childish ou Reverend Beatman. Depuis quelques numéros on propose un thème : les origines du Rock, la naissance du Rock, Rock et Superhéros, le psychédélisme… Elle se présente emballée dans un sachet plastique avec un bordereau qui annonce une partie du contenu, dont le fameux cadeau/gadget, rappelant le Pif Gadget de notre enfance (ben oui, on est vieux!). Dans chaque numéro, il y a un noyau dur de dessinateurs qui participe: Fifi, Jean Bourguignon, Det, Sisca Locca. Nous proposons à nos potes dessinateurs et passionnés de Rock de participer. Mezzo, Riff Reb’s, Jeff Pourquié, J.C Chauzy, Besseron, Bouzard y ont collaboré. Bon, c’est pas évident car, comme dans tout fanzine qui se respecte, il n’y a pas de budget, c’est juste une question de passion et d’amitié. Nous avons failli arrêter d’ailleurs, la Gazette étant en couleur, on cassait la tirelire à chaque numéro. Heureusement, maintenant nous avons l’aide de la ville de Liège, ce qui permet de continuer. On l’emballe à la main et on la distribue nous mêmes principalement à Liège, Bruxelles, Paris et Lyon, ou par correspondance.
Et puis, c’est la reconnaissance ultime, la vie de Rock star, avec la parution de tes dessins dans Rock & Folk…
Même si ce n’est pas ultime (ni la vie de Rock star!), c’est quand même pour moi une reconnaissance appréciable. Rock&Folk est une revue que je connais depuis mon enfance, mon grand frère était déjà lecteur. J’ai longuement décroché dans les années 80 (Kahled ou Madonna en couverture de Rock&Folk, ça pardonne pas) mais je mis suis remis au début des années 2000. J’aimais bien la rubrique, « Que sont-ils devenus ? » qui enquêtait sur les groupes disparus ou musicos dont on entendait plus parler. Ça m’avait inspiré l’idée d’une série de dessins sur le thème, « que seraient-ils devenus, s’ils étaient encore parmi nous ? »,avec donc des illus mettant en situation Elvis, Jim Morrisson, Janis Joplin, etc. Tout ça, de manière décalée. J’avais envoyé par courrier postal ce dossier chez rock&Folk.Vincent Tannières, qui y bossait déjà vers 2002, avait apprécié le projet, mais créer une rubrique spéciale ne se fait pas du jour au lendemain et ils avaient leur quota d’illustrateurs à ce moment-là. Au fur et à mesure, pour ne pas me faire oublier, quand j’avais un projet, une idée ou une planche, je leur envoyais un dessin ou l’autre par mail. Philippe Manoeuvre semblait apprécier mon travail et m’a proposé à l’été 2011 de passer une planche dans le numéro d’été. Puis, plus rien…Et un beau jour de printemps 2014, il me propose de m’occuper tous les mois d’illustrer le courrier des lecteurs, et de temps à autres des articles. Je croise les doigts pour que ça dure le plus longtemps possible. Jusque là, tout va bien, mais la presse papier est assez fragile, ces temps-ci.
Est-ce qu’il y a des dessinateurs qui t’ont influencé?
Dans le désordre: Uderzo, Morris, Franquin, les anonymes des studios Hanna-Barbera/UPA/Walt Disney.
Qu’est-ce qui t’attire dans le fait de dessiner des rockers? Et à l’inverse, est-ce qu’il y a dans ce sujet des choses que tu apprécies moins, sur le plan graphique?
Je suis passionné de musique en général et de Rock en particulier, c’est donc un sujet qui m’inspire. Et je n’hésite pas à écorcher mes idoles. Graphiquement tout sujet peut être inspirant, donc pour le Rock, no problem.
Ton dessin est très personnel et caricatural. Se moquer des rockers tout en leur rendant hommage, c’est plutôt une démarche rock’n roll ?
Je trouve crétin les gens qui s’insurgent quand on critique ou se moque de leurs idoles. Dans le courrier des lecteurs de Rock&Folk, y en a toujours un qui se manifeste, réagissant à un article ou une chronique « assassine », et dans mes proches, j’en ai connus quelques-uns. Je suis un fan D’AC/DC (euh…quand même pas au point d’aller les voir avec Axl Rose), des Stones, Who, etc. Mais je n’hésite pas à me moquer d’eux, parce qu’ils peuvent parfois être ridicules ou faire de mauvais morceaux. Se moquer des choses qu’on vénère est une sorte d’auto dérision. Et qui aime bien châtie bien.
Justement, existe-t-il, selon toi un graphisme ou un style de dessin «rock»?
Non, il y a sans doute un esprit. Un dessin très léché peut-être plus rock qu’un dessin exécuté de façon plus «trash». C’est le propos et le trait mis là où il faut qui fait que ça peut-être ou ne pas être Rock.
Quels points communs vois-tu entre rock et BD ?
Les galères, les femmes, les succès, des egos surdimensionnés, l’alcool, la drogue, etc. Mais quand on y pense, ces points communs peuvent coller avec plein d’autres univers. Et des fonctionnaires de la BD et du Rock, y en a beaucoup aussi.
Donc, on va dire que les deux provoquent des émotions fortes, mais le rock est plus direct, plus instantané.
Travailles-tu en musique?
Oui, à 99,99%. Ça va de Debussy à Black Flag, en passant par Coltrane ou des B.O, selon l’humeur du moment.
Es-tu aussi l’un des instigateurs de l’émission de radio «Inspecteurs des Riffs»?
Oui, c’est via la Maison du Rock et la Maison du Jazz qu’elle est née, en février 2010.
C’est une émission mensuelle diffusée les 3è Mardi de 20h à 22h sur www.48fm.com. Elle est Podcastée et téléchargeable ensuite le début du mois suivant sur www.radiorectangle.be. On y passe du rock, du jazz de la musique de film, des musiques électroniques, etc.
Si tu pouvais te réincarner en rocker, illustre ou inconnu, qui choisirais-tu?
Ouille ouille ouille quel choix!..Euh…disons…Bon Scott. Il est peut-être mort jeune mais à 33 ans il avait déjà vécu plusieurs vies.
Quels sont tes projets, notamment à quand un nouveau numéro de la Gazette du Rock ?
Le prochain numéro sort cet été. Ce sera un spécial rock rigolo, avec interview de Frank Margerin, of course !
Je fais pas mal de boulots d’illustrations ces temps-ci. Des affiches, des pochettes de disques, 2 livres didactico-rigolos en collaboration avec des écrivains ornitologues et scientifiques. « Les bêtes qui volent, avec ou sans ailes » sorti en mars 2017 et à venir en septembre « les bêtes de la maison et de la chambre », aux éditions de la Salamandre. Comme quoi, y a pas que le Rock dans ma vie…
D’autre part, ça fait 2 ans que j’essaye de mettre en forme un projet d’albumBD/illus/cartoon, spécial Rock, pour présenter aux éditeurs…Je compte boucler ça avant ma mort !
Rock’nrolliens, pour découvrir l’univers de l’ami Jampur Fraize :
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