Bonus Track : François AMORETTI

A propos de Burlesque Girrrl, 3 questions à François AMORETTI

Pourquoi avoir choisi cette ambiance et ces thèmes résolument Vintage, qu’il s’agisse de la musique, de l’érotisme, des voitures, ou même du graphisme ?
J’écoutais beaucoup de Rockabilly lorsque j’étais lycéen, c’est une musique que j’écoute depuis cette époque de manière régulière. Il m’arrive de faire des pauses mais j’y reviens toujours. Et l’univers qui va avec m’a toujours plu. De plus ces dernières années, différents mouvements Indé se sont ralliés sous la bannière Kustom Culture: Rockabilly, Burlesque, Hotrod, tatouages, vintage, etc. Adhérant à plusieurs d’entre eux, il m’a semblé logique de les inclure au récit.

Comment se sont passées les rencontres avec ces égéries modernes du Rock’n Roll et New Burlesque que sont respectivement Collen Duffy et Mimi Le Meaux ?
Burlesque 3Pour Colleen, j’étais grand fan de sa musique mais surtout de sa démarche. On ne se connaissait pas et j’y suis allé au culot : je lui ai écrit un email pour prendre contact, lui présenter mon projet. Elle m’a répondu dans les 5 minutes, j’ai été très surpris! Ce fut le début d’une longue correspondante. Je ne lui demandais que d’être la marraine du groupe et de Violette dans le livre donc elle n’avait rien de spécial à faire sinon me laisser la dessiner et utiliser son image et son nom. Puis elle m’a demandé si elle pouvait faire quelque chose de plus, je lui ai donc proposé la préface. Pour Mimi, c’était un peu pareil… je l’ai déjà croisée mais sans se présenter. Nous avons un ami proche en commun, Charlie Lecach par qui j’ai fait passer ma demande. Mimi a beaucoup aimé l’idée et Violette surtout. Après quelques échanges amicaux, elle s’est lancée et à écrit sa préface. Deux rencontres vraiment formidables! Je ne les remercierai jamais assez de leurs soutiens et de leurs participations.

Violette est un personnage fascinant et attachant, physiquement et spirituellement. Est-ce une sorte de synthèse de la femme idéale ou bien a-t-elle été modelée pour les besoins du récit ?
J’ai pensé Violette pour qu’elle puisse servir le récit. Elle est tellement originale et sur-féminisée qu’on ne peut que se retourner sur son passage qu’on la trouve belle, fascinante, sexy ou même repoussante. Violette se devait de marquer le lecteur. Beaucoup m’ont demandé si elle représentait mon fantasme, ce n’est pas le cas. Je la trouve magnifique mais ce que je préfère chez elle c’est son courage et son expression de la féminité (entres autres).

Burlesque Girrrl

Dessins et scénario : François AMORETTI

Lors de road-trips béarnais, au cours de mes dernières vacances, la seule station correctement audible de la bande FM était France Culture. Du coup, j’en ai profité pour me mettre à niveau. Entre une émission sur la théorie des cordes et une autre sur la rivalité Voltaire-Rousseau, je suis tombé sur un cycle consacré aux rapports entre Sexe et Rock. Une suite d’entretiens, avec des musiciens, écrivains ou journalistes, illustrée par des extraits sonores judicieusement choisis. J’en ai retenu pour l’essentiel qu’à la base, le Rock c’est du sexe en musique, les déhanchements d’Elvis, la bouche de Jagger, le mascara de Bowie, le torse de Morrison, le micro de Prince, les paroles de Lou Reed… tout tourne autour de ça.Burlesque 1
Reste que dans le Rock, les sex-symbols sont presque exclusivement des mecs, comme si les filles devaient mettre de côté leurs charmes et se muer en garçon manqués, gouailleuses et rebelles pour prétendre à la crédibilité Rock. Burlesque Girrrl propose à cet axiome une alternative bien plus aguichante. « Grrrl » est un groupe de Rockabilly qui s’efforce de percer dans le Rock Bizness en essayant de décrocher un contrat lui permettant de sortir son premier disque. Un thème abondamment traité dans la BD Rock. Le récit d’une veine très classique, en dépit de quelques événements dramatiques, ne laisse d’ailleurs guère de doute sur la fin de l’histoire.
Ce qui s’avère en revanche bien plus original, c’est le personnage de Violette, affriolante contrebassiste de « Grrrl », aux formes furieusement féminines, d’une sensualité exacerbée mais tout en nuances et exempte de la moindre vulgarité. D’autant que la belle rousse aux courbes généreuses pratique l’effeuillage burlesque, une forme de strip-tease rétro, faisant la part belle à la lingerie froufroutante et à l’esprit du cabaret. De l’érotisme chic dans lequel elle excelle et où sa carrière dans les magazines ou sur les planches s’avère bien plus prometteuse que celle de son groupe. C’est pourtant à ce dernier qu’elle est dévouée corps et âme, comme elle l’est à Peter, chanteur et guitariste dont le hobby consiste à retaper des bagnoles de collection des années 1950.
Burlesque, Roadsters et Rockabilly, le livre est entièrement placé sous le signe du Vintage, y compris dans l’approche graphique et la mise en couleurs, vraiment superbes. L’auteur a poussé très loin l’interaction entre la réalité Rock et la fiction BD en intégrant dans son récit Collen Duffy la pulpeuse chanteuse de « Devil Doll », combo américain de Rock’n Roll qui joue un rôle central dans l’histoire. Amoretti s’est inspiré de ces deux univers rétro, musical du Rockabilly et esthétique du Burlesque avec ses effeuilleuses aux rondeurs ornementées de somptueux tatouages, pour réaliser au travers de Violette un portrait de femme indépendante et fragile, courageuse et sensible, subtil mélange de candeur romantique et de culot rock’n roll que le destin pousse à sortir et montrer le meilleur d’elle-même pour s’affirmer dans le groupe et devenir une musicienne à part entière. Burlesque 2Car entre se déshabiller et chanter sur scène, l’exercice où l’on se met le plus à nu n’est pas forcément celui qu’on croit. Un personnage fort de la BD Rock qui a permis à Burlesque Girrrl de remporter le prix du festival Bulles Zik en 2013.
Chaque tome est agrémenté d’une préface, de Colleen Duffy, déjà citée, pour le premier et Mimi Le Meaux, icône du Burlesque pour le second. et se clôt par un petit art-book où quelques autres dessinateurs donnent leur propre version de Violette. Du bien bel ouvrage qui donnerait presque envie d’emmener sa chérie chez le tatoueur et de passer son CAP de mécanicien auto.

Bonus Track : 3 questions à François AMORETTI

Johnny Cash – Une vie – 1932-2003

Dessins et scénario : Reinhard Kleist

Certes, Johnny Cash n’est pas à proprement parler un rocker mais une des (LA, diront beaucoup) figures emblématiques de la Country, qui a jusqu’au bout mené sa vie en rebelle.
Pourtant, à quelques détails près dans les progressions d’accords, sa musique s’apparente complètement au Rock’n Roll dont elle reste l’une des grandes sources. En outre, Cash fut, au même titre qu’Elvis Presley qu’il précéda de peu sur le devant de la scène, un chantre du Rockabilly, mâtiné de Gospel et de Country certes mais suffisamment sauvage et provocateur pour devenir lui aussi une idole faisant se pâmer les teenagers.
Le Rock, c’est dans son mode de vie que Cash l’a pratiqué. Une soif de liberté, la quête de l’absolu et le refus des concessions ont fait de cet artiste ténébreux, sans cuir et sans électricité, une icône de la musique populaire américaine. Et puis un type qui choisit « Hurt » de Nine Inch Nails comme chanson testament, dont il livre une version bouleversante (il suffit de voir la vidéo sur InJohnny Cash – Une vie 1932-2003 ; Reinhard Kleist © Dargaud, 2007ternet pour comprendre) mérite largement autant l’étiquette de rocker que n’importe lequel de ces petits punks ou néo-métalleux d’opérette tatoués et piercés à la sauce MTV.
Après un Walk The Line, le biopic sorti sur les écrans en 2005, plutôt réussi, avec un Joaquin Phoenix habité par son personnage, il fallait oser s’attaquer à la biographie du Man in Black. Reinhard Kleist a relevé ce défi au point de rendre le film presque fade comparé au portrait magistral qu’il a brossé de Johnny Cash dont les multiples visages vous traversent encore l’esprit bien après avoir refermé son livre. Avec un trait dépouillé de tout artifice, sobre et sec, orné de noirs profonds parfaitement en accord avec le sujet, il campe un Cash plus vrai que nature et restitue avec une justesse surprenante toute la gravité et la force du visage de cet homme à la maturité précoce.
Les heures sombres de l’artiste, la noirceur de cette âme torturée mais aussi sa profonde humanité sont retracées au travers des épisodes marquants de cette existence hors du commun, tels la mort du frère, évènement fondateur et traumatisme indélébile dans la vie de Cash, l’addiction pour les amphétamines, sa relation avec la chanteuse June Carter, la femme de sa vie, sans oublier le concert légendaire au pénitencier de Folson ou les derniers jours, cloîtré comme un fantôme dans un studio d’enregistrement où il revisite magistralement des chansons écrites par des jeunes rockers qui pourraient être ses fils et le sont d’ailleurs un peu, sur le plan de l’héritage musical.
Kleist a capté la quintessence de cette vie et de cette œuvre en se donnant pour cela suffisamment d’espace (plus de 200 planches !) pour en exprimer la grandeur et la noblesse sans en omettre les errances et les impasses.