Auteur : Nicolas Ungemuth
Le titre peut surprendre et l’entreprise paraître prétentieuse. Comme s’il était possible de narrer en quelques 250 pages et une vingtaine de chapitres six décennies d’histoire musicale, de cet art populaire, commodément dénommé Rock mais qui recoupe tant de catégories, de formes et de héros obscurs ou légendaires. Il suffit pourtant de lire le sommaire pour se rendre compte que, pour l’essentiel, tout ce qui mérite d’être mis en avant dans la genèse du Rock semble bien être là, d’Elvis à la nouvelle vague du Rock indé anglais. Et tant qu’à faire des choix, autant se concentrer sur l’essentiel.
Reste le contenu, ce qui nous ramène au titre de l’ouvrage. Un roman ? Eh bien oui, définitivement. Quand Ungemuth retrace la carrière des plus grandes icones du Rock ou dépeint ses principaux courants, c’est bien une histoire qu’il nous conte. Une histoire qui sous sa plume prend la dimension dramatique propre à maintenir l’intérêt du lecteur. Celle de ces grands destins, de ces héros magnifiques, le plus souvent rimbaldiens (j’aime cet adjectif, ça fait super genre « je m’y connais à mort en littérature ») qui créent tous leurs chefs-d ’œuvres dans leurs jeunes années. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, de cette grâce, de ce feu sacré qui brûle dans les veines de ces géniaux compositeurs avant que les seringues de dope n’en tarissent la sève. Ce feu dont les survivants arrivent parfois à entretenir la braise mais qui pour beaucoup s’éteint définitivement, passé la trentaine. L’intrigue est quasi immuable mais toujours aussi passionnante.
Ce qui fait aussi le charme de l’opus réside à l’évidence dans l’approche résolument subjective et partiale de l’auteur. Il ne s’agit pas d’une suite de chroniques plates et neutres. Ungemuth prend parti. Il dresse des mausolées avec le même aplomb qu’il démolit les temples. Comme dirait Pascal Rabaté, il ne juge pas, il condamne. A l’instar d’un Lester Bangs, la critique est sans ambages. Chef-d’œuvre ou daube, voire grosse daube. Forcément, quand le lecteur est du même avis, et c’est mon cas à 90 % en l’espèce, c’est assez jubilatoire. Reste 10 % de désaccord, où l’on aurait bien envie de crier à l’erreur judiciaire face à un verdict aussi arbitraire.
Pour Ungemuth tout s’est joué avant 1970 et depuis le Rock n’est qu’une suite de redites parfois brillantes ou inspirées, tel l’épisode du Punk, mais qui n’atteindront jamais le niveau des pierres philosophales empilées tout au long de cet âge d’or.
En partant de cet axiome insurmontable, cela permet d’expédier en quelques pages le Rock progressif et le Heavy Métal sans vraiment se pencher sur la question. Mais j’ai trop de recul par rapport à ça pour m’offusquer de la chose et je ne concèderai tout au plus qu’une pointe d’agacement. D’autant que Ungemuth règle par ailleurs son compte au Rock français de manière assez magistrale et pour le coup plutôt bien argumentée, tout en réservant un petit éloge aux Thugs, ce dont mon chauvinisme angevin ne peut que se réjouir.
Sinon, il est indéniable que le Roman du Rock est le vade-mecum indispensable pour briller en société et y passer pour un puits de science en matière de Rock, tout en constituant un ouvrage initiatique pour les apprentis critiques quant à l’art exigeant de prononcer des sentences irrévocables.