A propos des Identités Remarquables, 3 questions à Benoît BARALE
Le récit nous replonge dans la France des années 1980, époque musicale mitigée entre la variété la plus daubesque et le Rock alternatif. Pourquoi avoir choisi cette période ?
Je suis né en 1971, j’ai donc passé toute mon adolescence dans les années 80. J’ai beaucoup de souvenirs de cette époque, c’est forcément dans ces années que s’est forgé l’essentiel de mes goûts musicaux, et ça faisait très longtemps que je voulais aborder tous ces thèmes autrement que sous un angle autobiographique. J’ai volontairement situé l’action en 1989. C’est une année charnière, je pense, outre le changement de décennie qui s’annonçait. La Mano avait signé chez Virgin, les Béru raccrochaient après leur baroud d’honneur à l’Olympia, on assistait à la fin de l’utopie du Rock alternatif. Tous les grands mouvements des 80’s, la Noisy Pop, la Cold Wave, le Heavy Metal se délitaient. A côté de ça, il y avait plein de nouveaux sons qui déferlaient avec l’émergence de la House et de la Newbeat. C’étaient véritablement la fin d’une époque et le début d’une autre. Tout cela était finalement assez excitant même si personnellement, je ne m’en suis rendu compte que quelques années plus tard. Je manquais alors cruellement de recul, mais c’est, je crois,dans l’ordre des choses. J’ai pris également plaisir à dessiner quelques scènes dans des boutiques de disques. Leurs rayons étaient encore, cette année là, majoritairement occupés par des vinyles. Deux ans après, ces mêmes disquaires bradaient leurs stocks, et moins de 10 ans plus tard, ils mettaient pratiquement tous la clé sous la porte. Le type que l’on aperçoit à la case 6 de la page 31 a réellement existé (et son magasin, Poly-Sons également). Il s’appelait Tristan et je lui dois un bon quart de ma discothèque. J’ai commencé le livre à la fin de l’été 2010. Ce même été, Arte avait diffusé une série de reportages sur les années 80. Outre un immense spleen, ces émissions ont généré le besoin impérieux de me replonger dans cette époque. Finalement, avec ce livre, je me suis offert un petit voyage dans le temps.
Quelle est la part d’autobiographie dans les remarquables identités de ce récit ?
Elle est énorme et nombre de situations sont empruntées à la réalité. J’ai convoqué pas mal de souvenirs et d’anecdotes vécues par moi ou mes amis d’alors mais j’ai pris soin de les distordre et de jouer avec pour en sortir quelque chose de neuf. Comme mes deux héroïnes, j’ai fait pas mal de musique et d’ailleurs, les chansons qu’interprète Virginie (« November » et ‘La lumière de Lolita’) existent vraiment sur maquettes. Finalement, même si, au fil des pages, je me suis largement identifié au personnage de Virginie jusqu’à lui donner pratiquement le look que j’avais à l’époque (les cheveux longs en moins), Les identités remarquables demeure avant tout une œuvre de fiction.
Qu’est-ce qui t’as motivé à choisir deux héroïnes à une époque où les filles n’avaient pas beaucoup voix au chapitre dans le Rock français ?
J’ai toujours eu un faible pour les Calamités, et pour Muriel de Niagara aussi. Plus sérieusement, je pense que si j’avais traité le sujet d’un point de vue masculin, je me serai retrouvé à faire de l’autobiographie pure et dure. C’est un genre que j’ai suffisamment exploité dans pas mal de mes précédents ouvrages et j’avais l’envie et le besoin d’explorer d’autres pistes d’écriture. Me servir de personnages féminins ôtait d’emblée toute ambiguïté et me donnait en outre une certaine liberté de ton. Mais pour dire la vérité, je n’ai réfléchi à tout ça qu’en cours de route et les personnages se sont imposées d’elles même quand j’ai posé les premières bases du récit.