Bonus Track : Fabcaro

A propos de Like A Steak Machine : 3 questions à FABCARO

L’auto-dérision est ta marque de fabrique. Mais franchement, toutes les anecdotes que tu racontes sont-elles authentiques ?
Oui, elles sont 100 % authentiques. J’essaie juste de trouver une forme qui les rendent un peu attrayantes, mais tout est vrai. Hélas…

Tu pratiques toujours la guitare pour de vrai ou bien t’es-tu reconverti dans l’Air Guitare ?
Oui, je joue toujours. Plus trop en groupe parce que c’est de plus en plus difficile de trouver des créneaux communs pour répéter, mais je gratouille tous les jours entre deux dessins. Plutôt acoustique du coup.

Quelles seraient selon toi les deux chansons de Rock idéales pour illustrer respectivement le pire moment de solitude et le plus grand moment d’allégresse ?
Rholala, c’est compliqué, y’en a tellement… Les deux premières qui me passent par la tête : Pour l’allégresse, Still Take You Home des Arctic Monkeys et pour le moment de solitude, Glory Box de Portishead.

Ketchup Boy

Dessins : Guillaume BERTELOOT – Textes : Gilles POUSSIN

L’une des figures de proue dans la galerie de portraits des héros Rock, c’est bien sûr l’adolescent rebelle, en révolte contre ce qu’il croit être le système, les parents, les profs… en gros les adultes. Un anarchiste en herbe qui cache derrière son attitude provocatrice, une soif inextinguible de reconnaissance.
Servi par un graphisme réaliste et assez classique, peu utilisé dans la BD Rock jusqu’alors, Ketchup Boy raconte le destin d’un de ces personnages emblématiques du Rock avec une empathie qui pourrait laisser croire qu’il s’agit d’une biographie.
Le livre recrée l’atmosphère de la fin des années 1970 dans la France profonde même si l’on pourrait regretter de ne pas y voir évoqués le phénomène Disco et aussi le Hard Rock en pleine émergence (Hard-Rock et Punk/New Wave divisaient âprement les critiques Rock dans les colonnes de Best et Rock & Folk ).
A cette époque, dans un lycée de province (fusse dans une grande ville de province comme Nantes), être un fan de Punk n’avait rien d’évident. Le genre était récent et n’avait que peu de représentants dans la scène française (« Starshooter » et « Bijou » entre autres). Son imagerie déjantée, iconoclaste (qui venait de fait réveiller l’esprit rock’n roll) et, du moins au début, très approximative sur le plan musical, se heurtait aux vielles valeurs bien installées d’un Rock devenu emphatique et mercantile.
Le Punk, Lucien (tiens, tiens…) Bastardi (un vrai patronyme rock’n roll !) veut le jouer, quoi qu’il en coûte et il est prêt pour cela à tous efforts (des innombrables heures d’apprentissage et de pratique de sa basse) les sacrifices et aussi toutes les trahisons. Son rêve, il va le réaliser mais devra en payer le prix.
Même si l’enthousiasme et l’optimisme animent le parcours de Ketchup Boy, le récit n’est pas idéaliste pour autant et met en avant les aspects négatifs de l’existence d’un musicien de Rock. Lucien est un jouisseur qui réserve sa fidélité à la musique et surtout pas aux filles, même celle pour laquelle il éprouve de vrais sentiments. C’est un aussi un sacré chercheur d’embrouilles et peu importe si ce n’est pas un as de la baston. Évidemment, il ne rate pas non plus une occasion de se bourrer la gueule et n’est pas le dernier pour les pétards même s’il est clairement opposé aux drogues dures, ce qui n’est pas le cas de tous les membres de Kamikaz Zone, son deuxième groupe. Ketchup Boy ; Berteloot - Poussin © Librairie L’Atalante, 2008Malgré ses défauts et les erreurs de parcours, Ketchup Boy
s’accroche à son rêve et ne dérive pas de son objectif de devenir un vrai musicien de Rock.
Avec le groupe suivant, Plexiglass, Lucien décrochera un disque d’or mais sa personnalité trop intransigeante se retournera une fois de plus contre lui.
Le destin de Ketchup Boy évoque avec justesse ces musiciens et ces groupes qui ont affronté tous les écueils sur la voie du Rock, surtout en France et encore plus à cette époque, et ont réussi malgré tout à faire tant bien que mal, ce qu’il convient d’appeler une carrière, si éphémère fut elle.

Bonus Track : 3 questions à Gilles Poussin

Bonus Track : Romain Dutreix

A propos de Allegretto Deprimoso, 3 questions à Romain DUTREIX

Les satires d’Allegretto Déprimoso sont aussi drôles que féroces et tapent sur tous les genres musicaux : Un besoin de régler des comptes avec la musique ?
Peut-être, puisque, comme la majeure partie de mes collègues, je suis un musicien raté (ou frustré, si on voulait le dire plus gentiment). C’était donc peut-être une façon de me venger de mon absence de talent dans ce domaine. Plus concrètement, et au risque de tuer un peu le mythe de l’artiste visité par l’inspiration divine, cet album répond à une commande du rédac’chef de Fluide de l’époque, Thierry Tinlot (que je remercie au passage, car c’est grâce à sa persévérance – à me harceler pour que je produise quelque chose – que j’ai fini par travailler pour Fluide). Il m’a dit qu’il voulait quelque chose sur la musique pour Fluide et m’a demandé si j’étais partant. Et comme je suis un musicien raté, ça m’a évidemment intéressé. Le fait que je tape sur tous les genres musicaux faisait partie de mon principe de départ : je voulais faire une série d’histoires courtes (4 pages), en abordant à chaque fois un genre différent et avec à chaque fois une couleur de bichro différente.

Le livre regorge de clins-d’œil et de références à certains grands clichés, « allègrement » tournés en dérision. Le reflet de la grande culture musicale de l’auteur ?
Aha, c’est la question piège ! Si je réponds non, ça me décrédibilise, et si je réponds oui, je passe pour un gros prétentieux !! Disons que je suis très mélomane. J’écoute beaucoup de musique, et le phénomène musical m’intéresse dans sa globalité, et même si tous les genres musicaux ne m’intéressent pas autant les uns que les autres (et de loin), je pense avoir MARIE-LINE MANCHON par Dutreixune relativement bonne connaissance générale dans le domaine… Mais ça n’est pas essentiel pour faire un bouquin comme celui-ci : ce qui est essentiel c’est que quand on fait de l’humour on est forcément particulièrement attentif à tout ce qui relève du cliché, du code social, des comportements grégaires, et de toutes ces choses qui sont très répandues dans la musique aujourd’hui. Il n’y a qu’à ouvrir les yeux et regarder comme chaque « tribu » finit par s’auto-caricaturer. Ça n’est pas spécifique à la musique, mais comme en musique c’est particulièrement flagrant, un humoriste peut en faire son miel assez facilement. Une connaissance, même sommaire, de chaque genre musical (et de chaque « tribu » qui compose son public) permet de repérer assez vite les clichés et d’en rire à l’infini. Le simple fait que les goûts musicaux déterminent le style vestimentaire d’une personne est déjà un gag en soi.

Y’a-t-il d’autres artistes ou styles que tu aurais aimé caricaturer et à l’inverse éprouves-tu un tant soit peu de remords à l’égard de certaines de tes victimes ?
Jamais de remords, non ! Des remords quant à la qualité de telle ou telle histoire, oui : telle histoire aurait pu être plus drôle, telle histoire mieux construite. Mais chaque victime n’a que ce qu’elle mérite. En revanche, c’est vrai que certains grands genres musicaux ne sont pas abordés ou alors peut-être pas de façon assez approfondie : le Jazz évidemment, le Hard-Rock, le Goth, l’Indus, le Reggae, la Techno… Il y aurait de quoi faire un deuxième bouquin entier !

Bonus Track : James

A propos de Backstage, 3 questions à JAMES

Question rituelle, pourquoi les Stones ? Parce que ce sont les plus grands ou bien parce qu’ils se prêtent plus que d’autres groupes à la caricature et au détournement comique ?
Le choix s’est porté sur les Stones pour deux raisons : ce sont des icônes et les deux protagonistes principaux sont déjà des personnages à part entière. Ils n’ont rien à voir entre eux, tout les oppose, et pourtant ils ont produit des pépites et continuent malgré tout à travailler ensemble. L’idée était aussi que cette histoire dépasse la simple histoire des Stones, parce qu’elle est assez universelle. Ca reste avant tout l’histoire de deux ados que tout oppose et qui vont s’associer pour faire de la musique. On voulait que ce soit lisible et drôle aussi pour quelqu’un qui n’y connait rien aux Stones. D’ailleurs les personnages ne sont jamais nommés que par leur prénom. Ensuite, pour les fans, on est resté sur une trame véridique pour donner un peu de sel à l’ensemble. Ca faisait aussi partie du défi en ce qui me concerne sur l’écriture, à savoir faire du gag en demi-page à partir de situations réelles et d’actions qui s’enchainent.Backstage Mirroir Fluide Glacial

On devine un gros travail de documentation pour retracer toutes ces anecdotes. Quelle est la part de vérité, au-delà de la parodie ?
Ce qui est raconté, au niveau des anecdotes, est vrai à 90%. Seul les passages sur le hamster et les filles sur la plage sont inventés. Ensuite, on s’est amusés avec les personnages, donc il ne faut pas prendre ce qu’ils disent pour parole d’évangile. J’ai lu beaucoup de choses sur le groupe, notamment les livres de Bill Wyman et de François Bon. Je n’ai lu « Life » de Richards qu’après, pour la simple et bonne raison que l’album a été bouclé 15 jours avant la sortie de ce livre.

Quelles ont été les réactions de Jagger et Richards à la lecture de Backstage ?
Je crois savoir qu’ils ont tellement adoré que ça les a motivés à préparer un nouvel album.

Bonus Track : Benoît Barale

A propos des Identités Remarquables, 3 questions à Benoît BARALE

Le récit nous replonge dans la France des années 1980, époque musicale mitigée entre la variété la plus daubesque et le Rock alternatif. Pourquoi avoir choisi cette période ?
Je suis né en 1971, j’ai donc passé toute mon adolescence dans les années 80. J’ai beaucoup de souvenirs de cette époque, c’est forcément dans ces années que s’est forgé l’essentiel de mes goûts musicaux, et ça faisait très longtemps que je voulais aborder tous ces thèmes autrement que sous un angle autobiographique. J’ai volontairement situé l’action en 1989. C’est une année charnière, je pense, outre le changement de décennie qui s’annonçait. La Mano avait signé chez Virgin, les Béru raccrochaient après leur baroud d’honneur à l’Olympia, on assistait à la fin de l’utopie du Rock alternatif. Tous les grands mouvements des 80’s, la Noisy Pop, la Cold Wave, le Heavy Metal se délitaient. A côté de ça, il y avait plein de nouveaux sons qui déferlaient avec l’émergence de la House et de la Newbeat. C’étaient véritablement la fin d’une époque et le début d’une autre. Tout cela était finalement assez excitant même si personnellement, je ne m’en suis rendu compte que quelques années plus tard. Je manquais alors cruellement de recul, mais c’est, je crois,dans l’ordre des choses. J’ai pris également plaisir à dessiner quelques scènes dans des boutiques de disques. Leurs rayons étaient encore, cette année là, majoritairement occupés par des vinyles. Deux ans après, ces mêmes disquaires bradaient leurs stocks, et moins de 10 ans plus tard, ils mettaient pratiquement tous la clé sous la porte. Le type que l’on aperçoit à la case 6 de la page 31 a réellement existé (et son magasin, Poly-Sons également). Il s’appelait Tristan et je lui dois un bon quart de ma discothèque. J’ai commencé le livre à la fin de l’été 2010. Ce même été, Arte avait diffusé une série de reportages sur les années 80. Outre un immense spleen, ces émissions ont généré le besoin impérieux de me replonger dans cette époque. Finalement, avec ce livre, je me suis offert un petit voyage dans le temps.

Quelle est la part d’autobiographie dans les remarquables identités de ce récit ?
Elle est énorme et nombre de situations sont empruntées à la réalité. J’ai convoqué pas mal de souvenirs et d’anecdotes vécues par moi ou mes amis d’alors mais j’ai pris soin de les distordre et de jouer avec pour en sortir quelque chose de neuf. Comme mes deux héroïnes, j’ai fait pas mal de musique et d’ailleurs, les chansons qu’interprète Virginie (« November » et ‘La lumière de Lolita’) existent vraiment sur maquettes. Finalement, même si, au fil des pages, je me suis largement identifié au personnage de Virginie jusqu’à lui donner pratiquement le look que j’avais à l’époque (les cheveux longs en moins), Les identités remarquables demeure avant tout une œuvre de fiction.

Qu’est-ce qui t’as motivé à choisir deux héroïnes à une époque où les filles n’avaient pas beaucoup voix au chapitre dans le Rock français ?
J’ai toujours eu un faible pour les Calamités, et pour Muriel de Niagara aussi. Plus sérieusement, je pense que si j’avais traité le sujet d’un point de vue masculin, je me serai retrouvé à faire de l’autobiographie pure et dure. C’est un genre que j’ai suffisamment exploité dans pas mal de mes précédents ouvrages et j’avais l’envie et le besoin d’explorer d’autres pistes d’écriture. Me servir de personnages féminins ôtait d’emblée toute ambiguïté et me donnait en outre une certaine liberté de ton. Mais pour dire la vérité, je n’ai réfléchi à tout ça qu’en cours de route et les personnages se sont imposées d’elles même quand j’ai posé les premières bases du récit.

Le Stéréo Club

Dessins : Rudy SPIESSERT – Textes : Hervé BOURHIS

C’était un temps où gagner sa vie en vendant des disques ne se résumait pas à être employé à la FNAC ou au rayon « Culture et Bricolage » d’une grande surface. Dans chaque mégapole française (disons à partir de 10 000 habitants, à l’échelle hexagonale), on trouvait au minimum un « petit » commerçant spécialisé dans la vente de disques, de vrais disques s’entend, des vinyles biens noirs avec de jolies pochettes.
Cette race aujourd’hui en voie d’extinction dont ne restent plus que quelques spécimens très menacés, uniquement dans les très grandes villes, a contribué à faire l’éducation musicale de nombre d’adolescents et à prolonger celle des adultes restés branchés. On y trouvait de tout et pour tous les goûts, une diversité et une richesse au milieu de laquelle les professionnels qui bossaient la boutique étaient capables de vous guider.
Le Stéréo Club évoque cette relation particulière qui unissait le vendeur et ses clients et dépassait la simple dimension commerciale, au travers de trois récits dont l’intrigue gravite autour d’un magasin de disques, le Stéréo Club donc, propriété de Jacky, qui l’a ouvert en 1946. Secondé par Machin, un rondouillard très branché Métal, Jacky résiste encore et toujours à l’envahisseur, un promoteur immobilier qui rêve de lui racheter son commerce, idéalement placé en centre-ville. Mais jusqu’à quand Jacky tiendra-t-il ?
Chacune des parties de cette trilogie illustre un thème central : conflit de générations père-fille, parcours du combattant pour faire une carrière de chanteur, fête de la musique… avec en prime d’autres intrigues parallèles et complémentaires et en toile de fond la situation précaire du Stéréo Club.
Hervé Bourhis, encyclopédiste du Rock en BD (le Petit Livre Rock, le Petit Livre Beatles, 45 Tours Rock) a tissé un récit dense, émaillé de nombreuses références musicales, impeccablement mise en images par le trait moderne et expressif de Rudy Spiessert. Chaque partie aborde également un style musical fil rouge, le Jazz d’abord (avec Britney Spears en contrepoint !), la chanson française ensuite et enfin le Rock. Ces histoires et ces destins mêlés convoquent toute une série de personnages, parfaits archétypes de leurs époques et de leurs addictions musicales, bien campés et plutôt attachants, entre le quadra mélomane  spécialiste du jazz, le variéteux sans talent (pléonasme ?)  qui s’accroche à son rêve, le producteur rapace (re-pléonasme ?), le groupe amateur qui répète dans la cave du Stéréo Club à l’insu de son propriétaire…pour ne citer que ceux-là, sans oublier bien sûr Jacky et Machin, Mohicans perpétuant la tradition des disquaires de quartier et au-delà des petits commerces de centre-ville.
Cette chronique sociale n’est pas sans évoquer dans son approche le travail de Dupuy-Berbérian ou Jean-Claude Denis mais sans toutefois se réduire à une simple comparaison avec ces illustres prédécesseurs même s’il y a en commun une juste restitution de l’air du temps en milieu urbain. Le Stéréo Club rend un bel hommage aux disquaires, sans nostalgie larmoyante et au contraire avec une bonne dose d’humour (et aussi d’amour tant qu’on y est) en démontrant une fois de plus que la musique est l’un des meilleurs vecteurs pour parler des mœurs de nos contemporains.

Bonus Track : 3 questions à Hervé Bourhis

Allegretto Deprimoso

Dessins et scénario : Romain DUTREIX

Voilà typiquement le genre de livre qui aurait justifié qu’on y colle sur la couverture quelques stickers aussi préventifs que racoleurs dont l’industrie du disque a depuis longtemps compris tout le potentiel commercial. Le « Parental Advisory Explicit Lyrics » ne déparerait pas : Comme toute production Fluide Glacial digne de ce nom, les doux bambins de moins de douze ans ne sont pas vraiment les cœurs de cible. Pourtant, la quatrième de couverture appâte perfidement le lecteur en lui promettant divertissement et culture à lire en famille au coin du feu.
On est ici face à un cas exemplaire de tromperie sur la marchandise car prévenons sans ambages les amateurs de musique : on aura du mal à trouver meilleure illustration de l’adjectif « iconoclaste » que cette petite parodie outrancière des principaux courants musicaux.
Tous y passent, Classique, Blues, Punk, Rap, Métal…dans une moulinette qui hache menu les clichés de ces différents genres… ainsi qu’un panel de ses idoles. Elvis Presley, Kiss, Jimi Hendrix, Marylin Manson et même le grand Herbert von Karajan.
L’humour est noir et féroce et le ton neutre et didactique employé par l’auteur en accentue le décalage. Dutreix s’amuse à placer ses personnages dans des situations improbables ou en jouant sur le contre-pied : Rappeurs grabataires qui dealent en maison de retraite, parents Punks désespérés par leur garçon « normal », sosies de rockstars à l’origine de cultes fétichistes dans la jungle amazonienne… du Grand-Guignol au Xème degré, d’autant plus efficace qu’il tape là où ça fait mal dans les travers les plus saillants de l’imagerie musicale. Hormis les artistes, les producteurs et managers avides ou incompétents en prennent aussi pour leur grade, ce qui est un juste retour sur investissement.
Tout cela dénote une bonne connaissance de ses sujets (ou alors l’auteur cache bien son jeu) tant les clins d’œil et les références abondent, au grand plaisir des esthètes que nous sommes.
Le graphisme taillé au scalpel ainsi que des textes bidonnants servent parfaitement cette suite de caricatures imparables et sadiques dont les victimes connaissent un destin funeste qui s’achève très souvent en pièces détachées.
En fait, le sticker le plus approprié serait « A ne pas lire la bouche pleine, risque de projections non contrôlées » ou un truc dans le genre pour résumer cet humour gore et raffiné qui mettra à rude épreuve les zygomatiques des mélomanes. Sans conteste l’une des BD les plus hilarantes de la maison Fluide Glacial.

Bonus Track : 3 questions à Romain Dutreix

Friskoz Invaderz

Dessins : NIRO – Textes : LEDOUBLE

Il y a des lectures qui ne vous laissent pas indifférents, d’autres qui vous branchent à donf et d’autres dont vous ne savez trop quoi penser. Après avoir refermé Friskoz Invaders, les mains encore tremblantes, ces trois impressions se sont d’abord bousculées dans mon petit cerveau. En causant avec les géniteurs de l’opus lors du dernier Angoulême (une rencontre très sympa, au passage), nous avions évoqué le rapport avec le Rock, un peu ténu dans le premier tome, mais qui devrait se révéler bien plus marqué dans le second. Du coup, j’avais envisagé d’attendre la sortie de celui-ci pour y aller de ma petite chronique (ou pas, si l’opus s’était révélé daubesque).
Et puis merde, me suis-je dit (il m’arrive d’être très discourtois à mon propre endroit), tu pourras toujours en remettre une couche après et un truc comme ça mérite qu’on en cause là tout de suite maintenant et aussi vu, qu’à la réflexion, le lien avec le Rock est évident.
Car Friskoz Invaders est une petite bombe, ou une mine en l’occurrence, comme celles qui barrent l’accès à cette cité, seule rescapée d’une catastrophe pas vraiment naturelle et qui refoule tous les réfugiés climatiques qui tentent d’y pénétrer. Et quelle est la raison sociale d’une bombe quand on y touche de trop près ? Hein ? De te péter à la gueule, évidemment ! Et cette BD, pour sûr qu’elle explose à toutes les pages avec un graphisme détonnant, mélange de comics, de mangas, de films de série B ou de jeux vidéo, accompagné de dialogues percutants. Alors, c’est vrai que parfois, c’est un peu too much. Beaucoup d’intensité, d’enthousiasme et même une pointe de rage, au travers de cette évocation trépidante de thèmes pas très folichons, pollution, racisme, ségrégation sociale, cupidité… principales tares de la nature humaine. Mais l’effort est louable, sans conteste. L’univers, les personnages (forts en gueule dans tous les sens du terme), l’intrigue… tout cela envoie très fort d’emblée.
Ce qui nous ramène au Rock. Au Métal, plus exactement, et au Hardcore plus particulièrement, le style du groupe de Ted, à la recherche d’une voix stratosphérique pour hurler dans son groupe. Et qui gagne le casting ? Loomis, un ancien flic défraichi, qui déambule en béquilles. Mais avant d’atteindre les sommets du Rock lourd, va falloir échapper aux Patrol Boys, milices urbaines stipendiées par un maire véreux. Ça va, vous suivez ? Difficile d’en dire plus, pour comprendre, faut rentrer dans le pogo de Friskoz Invaderz.
Juste les gars, si je puis me permettre, il en est aussi qui apprécient le Métal sans forcément slammer comme des oufs. Pour eux (et donc oui, un peu pour moi), entre deux riffs furieux, ce serait possible pour le prochain de ménager des passages un peu plus cools, par exemple pour découvrir un peu plus la ville et ses origines ? Et dans la narration, parfois laisser monter le larsen avant de plaquer les accords ? Mais sinon, changez rien et continuez à envoyer les décibels. Si ça dépote trop, on mettra des bouchons !

Liverfool

Dessin : VANDERS – Scénario : GIHEF

La couverture donne le ton et annonce la couleur. Sur un jaune pétant, la typographie met en valeur avec élégance le jeu de mot contenu dans le titre. Le visuel est à lui seul parfaitement évocateur et prend le contrepied de toute l’imagerie associée à Abbey Road, tant de fois parodiée et lieu de pèlerinage pour les quarterons de touristes qui viennent y fabriquer leur propre souvenir de carte postale. Au milieu du mythique passage piétons, sous une pluie battante, un gus s’escrime sur un parapluie rebelle.
Avec une accroche comme ça, difficile de résister. D’autant que le sujet du livre est prometteur, évoquer l’histoire vraie d’un loser de première, peut-être le plus poissard de tous ceux qui ont côtoyé les Beatles. Allan Williams est parfois cité dans les biographies mais sans que son nom soit passé à la postérité. Son problème, c’est qu’il est arrivé avant la célébrité et la consécration, même si son rôle a sans doute été décisif, vu qu’il a été le premier manager des Fab Four. Un peu comme l’obscur entraîneur qui a enseigné les bases du jeu à une future star du foot.
Gihef et Vanders ont entrepris de narrer la destinée de ce petit tenancier de bar qui a mis le pied à l’étrier au plus grand groupe de Rock de l’histoire (non, c’est pas les Stones, que ce soit bien clair, une bonne fois pour toutes ! Je vous expliquerai pourquoi une autre fois mais là j’ai pas le temps).
Les deux compères, après une recherche documentaire approfondie, agrémentée d’un repérage à Liverpool (où ils ont à l’évidence surtout complété leur culture houblonnesque), ont décidé de créer leur propre version des prémisses de la légende. Des clubs minables de Liverpool aux bars interlopes de Hambourg, les auteurs font revivre à leur manière, notamment dans les dialogues et avec pas mal d’ironie, ces temps héroïques où les Beatles apprenaient le métier pour des cachets de misère et pieutaient dans un dortoir crasseux derrière l’écran d’un cinéma porno. Le dessin de Vanders, assorti d’un beau lavis noir et blanc, restitue parfaitement la grisaille de ces années farouches où, en attendant Ringo, John, Paul et George (avec Pete Best et Stuart Stutcliffe) vont devenir des musiciens accomplis, prêts à conquérir le monde, après avoir bouffé leur lot de vache enragée.
Mais le sujet central du récit reste bien Allan Williams, personnage pathétique et attachant qui, en échange de quelques pintes, raconte son histoire aux touristes. Un procédé narratif qui apporte plus d’authenticité et de consistance au personnage et qui laisse libre le lecteur de s’apitoyer ou non sur le sort de ce mec qui n’aura pas su percevoir l’énorme potentiel des Beatles, au-delà du fric qu’ils lui rapportaient. Ces derniers, eux, en étaient parfaitement conscients et n’hésiteront pas à le larguer, de façon un peu minable certes mais méritait-il vraiment mieux ? (petite scène d’anthologie avec Brian Epstein, au passage). En le congédiant, les Beatles ont un peu tué le père, mais un père indigne, un vrai anti-héros comme la saga du rock’n roll en compte tant et qui méritait bien qu’on lui rende cet hommage.

Faire danser les morts (Rock, Zombie !)

Dessins et textes : TANXXX

Les concerts de Rock, c’est dangereux. Tout le monde sait ça. C’est plein de jeunes gens sales et fortement alcoolisés, qui fument des substances illicites et qui s’abrutissent les tympans avec une bouillie sonore qu’ils appellent de la musique. Le pire, ce sont les concerts de Punk ou de Métal. Là, on touche le fond et on creuse dans la fange. Tous ces petits crétins hurlent comme des singes qu’on égorge, brandissent leurs poings en faisant le signe du Diable, se rentrent dedans et se marchent dessus avec un grand sourire idiot.
Il y a même des filles. Elles sont encore pires que les garçons. Et spécialement l’héroïne de Rock Zombie ! En se rendant au festival de Rock du même nom, elle réclamait sa dose de décibels, de bière et de violence et elle a été servie, au delà de ses espérances. A force de jouer avec les forces du mal, il fallait bien que celles-ci se manifestent pour de bon. Le Rock a transformé ces dégénérés en zombies, avides de sang et de chair fraiche. Du coup, la donzelle a dû exterminer tous ces monstres à coup de guitare électrique puis s’en est allé vers le soleil couchant, ses Doc’ piétinant avec indifférence les cadavres putrides.
C’était en 2005 et nous croyions être définitivement débarrassés de cette Virago. Mais Tanxxx a de la suite dans les idées et a décidé de la remettre dans le circuit avec un deuxième tome intitulé Faire danser les morts.
Encore plus de Rock et de zombies avec en prime, cette fois, de la couleur ! L’héroïne, de retour au bercail, s’aperçoit que toute la ville est infectée de zombies. Après avoir zoné quelques jours à la recherche de produits de première nécessité (bières, clopes et croque-monsieurs), elle va finir, pour tenter de venir à bout de ces créatures, de s’allier à une bande de mecs.
Ces derniers, en organisant des concerts Punk zombifiés, avec des groupes qu’ils ont réussi mettre de côté, ont découvert que l‘état de zombie n’est pas rédhibitoire et que la musique peut les ramener à la vie. Ça ouvre des perspectives. Le problème c’est que la musique écoutée majoritairement dans notre douce France, avant qu’elle ne soit infestée par les cadavres ambulants, cette soupe populaire servie à grandes louches par la caste dominante des flics et des banquiers n’a rien à voir avec le Rock bruitiste et libertaire prisé par la Punk et ses compagnons. Johnny Halliday (lui, avec la DHEA et la chirurgie esthétique, ça fait longtemps qu’il avait viré zombie) contre Unsane… la construction du nouveau monde idéal, c’est pas gagné.
On l’aura compris, ce deuxième opus bastonne encore plus que le premier. Un scénario plus étoffé, des dialogues pêchus et un dessin sous influence Comics trash, du vrai graphisme Rock. Le personnage de cette nana qui n’a froid nulle part et affectionne le Rock qui dépote est tout à fait de bon aloi par les temps qui courent. Et puis se payer la trogne du Belge défiscalisé, chais pas pour vous, mais moi, ça me met toujours en joie.
Avec Faire danser les morts, l’année 2013 démarre fort !

Just Gimme Indie Rock !

Dessins et textes : HALFBOB

L’avantage d’un blog, toujours en activité s’entend, c’est qu’on peut en causer n’importe quand sans donner l’impression aux branchés qui arpentent les voies les plus obscures du Web d’avoir découvert l’eau tiède. Alors que la relative jeunesse de mon bouquin et du site m’a conduit à chroniquer des œuvres qui avaient pas mal de bouteille (quoique toujours gouleyantes !), j’ai découvert récemment au dernier festival de Saint Malo (2012, Gimme Indie Rock ! © Half Bobje précise pour ceux qui liront cette chronique lors du prochain millénaire) l’opus de Mister Half Bob. De retour dans mon doux foyer, je suis allé voir de quoi il retournait sur la Toile. Le blog s’appelle Gimme Indie Rock ! dont les bonnes feuilles plus des inédits ont été édités en albums au titre éponyme (avec juste un Just devant pour le dernier paru en 2012)
Parlé-je ici de l’un ou de l’autre ? Des deux en fait et peu importe. Ce qui compte c’est la démarche de l’auteur qui dans sa finalité se rapproche pas mal de celle des sieurs Damprémy et Terreur Graphique dans La Musique Actuelle pour les sourds et malentendants, à savoir partager un gout immodéré pour le Rock branché et notamment underground, réservé aux initiés (ceux qui connaissent déjà et ceux qui vont connaître et donc rentrer dans le cercle).
Dans son blog, Half Bob illustre les affres de cette passion sans limite et livre en images ses coups de cœur, surtout et ses déceptions ou ses dégouts un peu. Autobiographie, autodérision et parodie sont régulièrement au gout du jour avec parfois une pointe didactique pour rappeler aux mécréants de quoi il retourne quand il s’agit de parler de groupes ou d’artistes dont la liste des aficionados tiendrait facilement sur un ticket de métro, cela même si les grands noms du Rock indépendant (Pixies, Nirvana, Dinosaur Jr, Smashing Pumpkins…) sont aussi évoqués. C’est dans la narration de grands moments de solitude du fan de Rock avec un dessin ultra caricatural qui en accentue l’effet comique, qu’Half Bob excelle tout particulièrement. On retrouve dans l’évocation de ces tranches de vie pas toujours glorieuses la même veine que Fabcaro avec son excellent Like a Steak Machine.
Au fil du temps, le blog, mine de rien, commence à constituer une petite encyclopédie du Rock indé dans laquelle on peut naviguer à loisir, grâce à un judicieux archivage alphabétique. De quoi découvrir plein d’artistes méconnus mais forcément géniaux si l’on en juge par l’enthousiasme avec laquelle l’auteur nous les présente. Rien que ça mérite bien qu’on aille y cliquer sans retenue, tout en feuilletant les pages du bouquin pour les plus dextres.

La chronique du premier tome, c’est par là et l’interview d’Half Bob, par ici

45 Tours Rock

Dessins et textes : Hervé BOURHIS

J’avoue qu’au début, je me suis dit : « Hervé Bourhis nous refait le coup du Petit livre Rock et du Petit Livre Beatles mais cette fois-ci il s’est pas foulé ». Avec ce nouvel opus qui reprend le format d’une BD classique, on est en effet loin de la densité des deux ouvrages précédemment cités. Cette sélection de 45 tours ayant compté dans l’histoire du Rock (au moins, on reste dans le même concept du calembour sobre pour ce qui est du titre) librement choisis par l’auteur ne risque-t-elle pas de souffrir la comparaison avec ses illustres prédécesseurs ?
Passé cette première réticence, je commence la lecture de la chose. L’approche est moins graphique que dans les Petits Livres… et beaucoup plus ordonnée. Contrairement au patchwork débridé dont l’auteur avait fait sa marque de fabrique, chaque page est ici bâtie sur la même charte graphique, strictement respectée : une reproduction de la pochette originale (un exercice de style que l’auteur apprécie particulièrement), sous-titrée par la genèse du disque, le tout encadré par deux strips, un vertical et un horizontal, qui offrent une mise en perspective de l’œuvre, émaillée de citations, d’anecdotes, de comparaisons avec d’autres groupes ou artistes ayant œuvré (ou plagié) dans la même veine et plein de petits clins d’œil humoristiques ou ludiques, autre pêché mignon de Bourhis.
Ça commence par Be-Bop-A-Lula et ça se termine par You Really Got Me. Un classement alphabétique donc mais qui n’interdit pas une lecture non linéaire que j’ai rapidement adoptée au fil des pages, en picorant au gré de mes humeurs. Et tout comme avec le Petit Livre Rock, j’ai retrouvé la même addiction. Il faut dire que la formule est sacrément efficace, imparable comme un bon vieux riff en trois accords. D’abord le choix de ces 45 perles est assez incontestable, car l’on y retrouve des classiques du Rock dans tous les styles du noble art. Ensuite, le ton, mélange équilibré d’érudition (sans pédanterie) et d’humour. Avec quand même une pointe de nouveauté apportée par une mise en couleurs qui sert parfaitement le graphisme sobre et dynamique de l’auteur, décidément l’un des plus à mon goût dans le petit monde de la BD Rock.
Avec ces 45 tours qui tournent à plein tubes, Hervé Bourhis ajoute une nouvelle pierre à son œuvre d’exégète graphique du Rock et l’on ne peut que souhaiter que ça dure.

Frank Zappa Comics Tribute

Dessins et scénario : Collectif

Pénétrer dans l’univers de Frank Zappa, c’est un peu comme de se lancer dans un marathon : si l’on n’est pas correctement préparé, on risque fort d’abandonner bien avant d’avoir trouvé son second souffle. Se confronter aux élucubrations sonores du génial compositeur nécessite d’avoir une culture musicale musclée à force de moult écoutes de rock progressif, de jazz, de blues, de musique contemporaine… entre autres ou à défaut de posséder une ouverture d’esprit large comme le Grand Canyon, sachant qu’être doté des deux peut au final s’avérer insuffisant.
Et pour évoquer en images l’œuvre protéiforme d’une des plus excentriques légendes du Rock, le point de vue de plusieurs auteurs est plutôt de bon aloi, d’autant que les collectifs en BD sont devenus monnaie courante, spécialement quand il s’agit illustrer l’oeuvre ou la vie de musiciens.
Sur le plan musical, Zappa était un explorateur et un aventurier infatigable. Sur le plan corporel, il attachait une importance particulière à sa moustache ainsi qu’à l’odeur de ses pieds. Sur le plan pathologique, il était un fumeur compulsif.
Ces caractéristiques essentielles de la vie de Zappa, auxquelles il faut ajouter un esprit libertaire sans concessions, ont inspiré les dessinateurs de cet effort collectif. Cet hommage à Zappa est ainsi fidèle à son œuvre et c’est sa plus grande réussite : foutraque, anarchique, irrévérencieux, original, inventif, parfois surréaliste au point de friser l’abscons (les mauvaises langues diront que c’est une contraction d’absolument con). Pas sûr néanmoins qu’il donne envie aux néophytes d’aller y voir de plus près. Pas grave, nous resterons de la sorte entre gens de bonne compagnie, n’est-il pas ?

Alfred Von Bierstüb

Dessins et textes : JANPI

A l’instar de ce qui se passe en musique, la BD Rock ne cesse d’enrichir sa palette de nouveaux thèmes et personnages illustrant ses différentes chapelles. C’est ainsi que l’on voit de plus en plus s’épanouir sur les planches à dessins ces jeunes gens fascinés par le Diable et l’Enfer, exhibant leurs tignasses, leurs attributs pileux, leurs clous et autres accessoires plus ou moins contondants. Cette bande de joyeux drilles compte désormais un nouveau membre en la personne d’Alfred Von Bierstüb, un Métalleux bon teint et, osons le dire, malgré l’incompréhension que pourrait susciter l’expression auprès des masses peu au fait des subtilités de cette culture, bon enfant.
Car Alfred est un brave type, un mec sympathique, généreux, enthousiaste, tout à fait fréquentable comme en témoigne la présence à ses côtés de sa compagne, la ravissante Gott, dont les qualités plastiques se doublent aux yeux de l’élu de son cœur du même penchant inconditionnel pour la distorsion, les éructations, les décibels gras et les cornes du diable… le Métal quoi, et sous toutes ses formes.
Ce premier album nous permet de faire connaissance avec le héros barbu, sa dulcinée, son groupe et bien sûr la musique douce et romantique qui fait sa joie. La BD de Janpi s’inscrit un peu dans la même mouvance que Les Musicos ou Rock’n’Vrac de Michel Janvier avec un humour tous publics ayant choisi le gag pour faire connaître cette forme de Rock extrême et outrancière qui suscite souvent le rejet, l’effroi et la moquerie des mécréants qui, à l’instar du grand penseur belge défiscalisé, assimilent cheveux longs et idées courtes. Death, Black, Heavy…les péripéties d’Alfred évoquent et détournent quelques clichés de cette culture qui fleure bon le vieux cuir et la bière fermentée. Surtout, il démystifie l’image du fan de Métal qui dans le privé se révèle un amateur de Rock comme un autre, débonnaire et bien élevé, juste doté d’un peu plus de poils et de cheveux.

Freddie et moi

Dessins et scénario : Mike Dawson

Il y a ceux qui collectionnent les enregistrements pirates, le moindre pin’s et même les sous-vêtements. Ceux qui hurlent comme des hystériques, font le siège des hôtels, s’infiltrent backstage. Les plus dévoué(e)s vont jusqu’à faire le don de leur corps, d’autres virent schizos et se transforment en pâles copies, sosies bouffonesques pour foires aux cochons, quinzaines commerciales ou discothèques rurales. Et puis il y a ceux pour qui la rockstar n’est pas une divinité mais juste une présence au quotidien, un compagnon, un confident, un ami qui fait partie de leur vie ans sans pour autant la résumer.
Mike Dawson a neuf ans quand son grand-frère lui file une cassette (vous savez, cette petite bande magnétique qui permettait de copier impunément des disques et que les grandes maisons de disques voyaient comme l’instrument maléfique de leur déclin). Cette pierre philosophale contient une compil de  Queen et c’est alors que la vie de Mike… eh bien non, son existence n’est pas transformée radicalement, comme après une révélation divine. L’intoxication royale se fait progressivement, inexorablement. L’auteur va devenir, comme tant d’autres, un fan du quatuor british. Un inconditionnel découvrant et aimant tout le répertoire du groupe, des titres les plus rock aux tubes grand public, apprenant les paroles par cœur, imitant les poses de Freddie Mercury.
Dans cette chronique autobiographique, Mike Dawson se livre sans détour. Il parle de choses simples et banales qui construisent une existence, entre une famille unie et sans histoire, les querelles avec sa sœur, les doutes de l’adolescence, les premières amours. A chaque étape de cet apprentissage de la vie, suite de rites initiatiques, Queen est présent, avec une chanson pour illustrer chacun de ces moments décisifs (dont le départ de sa Grande Bretagne natale vers les Etats-Unis n’est pas le moindre) et même parfois offrir une échappatoire ou un support à l’imagination. Au futur artiste que va devenir Dawson, Freddie Mercury offre une source d’inspiration au quotidien, un modèle fascinant, à l’instar des super-héros qu’il reproduit sur ses carnets de dessin.
La rockstar n’est pas décrite comme une entité abstraite et intouchable mais comme un guide, un autre grand-frère. On y comprend à quelle point cette passion, bien loin d’être aliénante et obsessionnelle (même si l’auteur emploie le terme) est fondatrice et constitue la clé de l’évolution de l’enfance vers l’âge adulte. Freddie et moi illustre bien ce va et vient permanent entre rêve et réalité, si particulier à la relation intime que le fan entretient avec son idole.
Le meilleur exemple en est la mort de Freddie Mercury qui touche le jeune Mike au plus profond, autant que le fera plus tard la mort de sa grand-mère. Dawson dépeint ainsi de façon lucide une passion fidèle et tenace qu’il assume à tous les âges de sa vie et qui se renforce avec le temps.
Un beau portrait de fan et un bel hommage à l’un des groupes les plus originaux mais aussi l’un des plus controversés de l’histoire du Rock.