Heilman

Dessins et textes : Alain VOSS

Dans l’avènement de la BD Rock en France, Métal Hurlant a été décisif. Sauf qu’il ne faut pas oublier que, mis à part l’esprit éminemment rock’n roll de la démarche de ses fondateurs, de sa gestion et de ses choix éditoriaux, le magazine créé par Jean Giraud, Philippe Druillet, Jean-Pierre Dionnet et Bernard Farkas faisait une part belle et prépondérante à la Science-Fiction. Rock, Science-Fiction et donc Bande Dessinée, trois sous-genres à l’époque, que Métal Hurlant s’est évertué à promouvoir.
S’il est un auteur qui incarnait parfaitement cet esprit frondeur, novateur et outrancier, c’est bien Alain Voss, dessinateur d’origine brésilienne débarqué en France en 1972, dont les récits dans Métal Hurlant mariaient allègrement Rock et Science-fiction.
Alliant un graphisme classique, précis et percutant, ses intrigues déjantées donnaient vie à des personnages au look très influencé par le Glam, le Punk et les films de Science-Fiction de l’époque, mélange assez réussi d’élégance et de provocation.
Groupe de Rock voguant dans la galaxie, Gladiateurs affrontant sur la scène une plèbe déchaînée, clones de Rolling Stones se transformant en fauves rugissants… Voss parsemait ses histoires de sexe, de violence et de Rock déchainé.
Heilman, paru en 1978 est un condensé exacerbé de tous ces thèmes. Le seul récit Rock paru en album qu’ait produit Voss et sans conteste le plus délirant.
L’intrigue met en scène une Rock Star dont l’accoutrement inspiré du Glam-Rock et de la Science-Fiction se pare de symboles nazis (sans doute une influence du Punk alors en plein essor), ce qui donne à ce Guitare Héros androgyne une ambiguïté suggestive et provocatrice, tout à fait dans la veine de l’époque mais dont on peut se demander comment elle serait accueillie aujourd’hui.
Au fil d’aventures assez improbables, Heilman, sorte de demi-dieu électrique, affronte avec sa guitare une divinité maléfique, se bat en duel contre un Rocker à banane et meurt plusieurs fois pour se réincarner dans d’autres plans de réalités cosmiques.
Mysticisme, Mythologie, New-Age, Science-Fiction et Rock sont les ingrédients de Heilman, une sorte d’OVNI dans l’histoire de la Bande Dessinée, un récit inclassable dont on ne sait trop que penser. Œuvre géniale ou élucubrations fantasmatiques d’un dessinateur sous influence psychotrope, cela reste une œuvre culte de la BD-Rock qu’il faut avoir lu, comme témoignage de la grande époque de Métal Hurlant.
Alain Voss avait disparu de la circulation franco-belge depuis un certain temps pour émigrer au Portugal où il est hélas décédé le 13 mai 2011. On ne peut aujourd’hui que regretter qu’un tel talent n’ait pas rencontré un public plus large au sortir des années 1980.

The Autobiography of Me too

Dessins et textes : Guillaume BOUZARD

Après une relative accalmie durant les années 1990, la BD Rock qui avait vu le jour en France avec Métal Hurlant à la fin des années 1970 et au début de la décennie suivante, a connu une sacrée embellie avec le nouveau millénaire. Une vague de jeunes auteurs est apparue, officiant dans de « petites » maisons d’édition elles aussi fraichement débarquées dans l’océan peu pacifique de la BD.
Ces petits nouveaux ont eu envie d’une part de bousculer les codes graphiques et les thèmes classiques de la Bande bien dessinée, qui en créant des personnages décalés dans des récits déjantés (et vice-versa) qui en causant un peu de leur petite vie à peine plus fondamentale que l’avenir de la galaxie ou la longueur des poils de trolls, et d’autre part de s’éclater en essayant de vivre de leur art si mineur fut-il.
Une démarche rock’n roll s’il en est et donc rien d’étonnant à ce que ces jeunes iconoclastes soient complètement imprégnées d’une solide culture Rock.The Autobiography of Me too two ;  Bouzard © Les Requins Marteaux, 2005Parmi les tenants de cette « nouvelle BD », Guillaume Bouzard, auteur prolifique d’œuvres inénarrables comme Le Club des Quatre, Plageman, Les pauvres types de l’Espace, La nuit du Canard-Garou ou Football Football, fait un peu figure de parangon (surtout pas de vertu) de ces auteurs fins connaisseurs du Rock sous toutes ses formes, fidèles à la cause vinylique et que l’on retrouve dans les bons coups des remarquables collectifs Nous sommes Motörhead et Rock Strips. Bouzard y pond à chaque fois l’un des meilleurs récits (sur Nirvana dans Rock Strips) où l’on retrouve ce qui fait le sel et le poivre de The Autobiography of Me too dont c’est y qu’on va donc causer maintenant.
Le concept est entièrement résumé dans le titre. L’auteur se raconte sans se la raconter parce qu’après tout il le vaut bien et comme en plus c’est devenu à la mode… Bouzard évoque sur un mode décalé sa vie insignifiante de star de la BD reclus dans les Deux-Sèvres ponctuée par les facéties de Flopi un grand chien placide et bipède doué de la parole et qui n’a rien de domestique, les affres de la vie rurale, les sorties hautement philosophiques entre potes et donc le Rock qui est l’ingrédient de quelques récits.
Parmi ces perles d’humour du quotidien où l’anecdote personnelle sert de prétexte à la digression comique, on trouvera bien sûr, entre autres, Motörhead dont l’écoute du dernier album ou un concert s’avèrent plus compliqués que prévu, la recherche du vinyle collector âprement négocié dans un vide-grenier ou encore une tournée de courrier avec du Punk à fond les manettes dans la fourgonnette. L’auteur dévoile son penchant pour le Rock qui cogne avec un humour féroce et un sens de l’autodérision qui donnent à ces chroniques de vie ordinaire une justesse et une drôlerie incomparables, servi par un trait vif et efficace. The Autobiography of Me too apporte à l’autobiographie en Bande Dessinée une version moins intello et beaucoup plus débridée.
En prime, petite anecdote tirée de ma modeste autobiographie à moi aussi, qui me laisse à penser que le gaillard a peut-être un don de prémonition, sans doute acquis lors d’un pacte avec Satan : Dans le troisième opus, le héros a la mauvaise idée de se pointer en tongues à un concert de Motörhead, ce qui sera lourd de conséquences. Hellfest 2010, concert de Motörhead, pour de vrai cette fois et soudain pendant Going to Brazil, si ma mémoire est bonne, une paire de tongues s’est envolée au-dessus de la masse des métalleux extasiés. Et là, définitivement je dis : Jump Lapin !

L’interview de Guillaume BOUZARD,  c’est ici

Mort de Bunny Monro

Un roman de Nick CAVE

Nick Cave est un artiste à part dans le milieu du Rock. Une personnalité et une voix hors norme et une musique indéfinissable aux confins du Blues, du Folk, du Post-Rock, du Gospel, du Punk et du Je-Ne-Sais-Quoi-Wave… de toute façon, ça change à chaque album. Romantique, caverneux, peu accessible à la première écoute. Pas le genre à faire des tubes, il fait plutôt dans le chef-d’œuvre pour initiés. Quand on voit ses concerts, sous son nom et encore plus avec Grinderman, il est facile de se dire que le mec est complètement barré.
Ce brun ténébreux échappe en fait à toutes les classifications mais ne laisse pas indifférent. Alors quand on apprend que l’homme s’adonne aussi à l’écriture, ça donne envie d’y jeter un coup d’œil. Pas vraiment surprenant de retrouver dans ce roman (son deuxième) tout ce qui caractérise sa musique, cette désespérance, cette noirceur, ce souffle épique et aussi une certaine esthétique de la déglingue.
Alors voilà (comme dirait ce vieux Serge), Monro est, comme dans la pièce Mort d’un commis voyageur, un représentant de commerce. Mais contrairement au héros créé par Arthur Miller, c’est le genre VRP en goguette, dans une version bien plus rock’n roll que les aficionados du Ricard-Suze bien de chez nous.
Bunny Monro est un vendeur de produits cosmétiques, plutôt doué. Sauf que c’est un poivrot et, comme son prénom le suggère, un obsédé sexuel, téléguidé par sa queue. Un Dom-Juan de motel dont les galipettes éphémères ont conduit au suicide de sa femme, le laissant seul avec son fils de neuf ans, un brin autiste qui ne lâche jamais son encyclopédie. Il va s’engager avec ce dernier dans un road-movie autodestructeur dont le titre du roman et la première phrase ne laissent aucun doute sur le dénouement. L’intrigue est glauque et poisseuse comme des traces de bourbon laissées sur la table basse. Malgré la dimension pitoyable et pathétique de son personnage, Nick Cave parvient malgré tout à lui conserver un semblant d’humanité, par l’entremise de cet enfant non désiré auquel il voue un amour sincère et maladroit et qui lui offre une sorte de rédemption au bout de sa déchéance.
L’écriture est sans fioritures, tranchante comme un thème de guitare à la saturation crasse et noisy, complètement en accord avec l’intrigue de cet homme à la dérive, incapable de surmonter ses addictions.
Avec ce roman, Nick Cave ajoute à son talent de song-writer celui d’un véritable écrivain, fidèle à son univers à l’esthétique morbide et tourmentée.

Une vie sans Barjot

Dessins : Stéphane OIRY – Textes : APPOLLO

Dans la carrière du fan de Rock, l’adolescence est sans doute la période la plus déterminante. Celle des premiers émois amoureux et des premières révoltes contre toutes les figures imposées de l’âge adulte et tout ce qui empêche d’être ce que l’on voudrait être sans d’ailleurs en avoir une idée vraiment précise. Et pour ces deux apprentissages, le Rock fournit un mode d’emploi idéal, provocateur et transgressif.
Cette époque de tous les possibles est ponctuée de quelques moments décisifs, de ceux où il faut bien se confronter à des choix que l’on n’a pas forcément envie de faire. C’est cette part d’enfance qu’il faut se résoudre à tuer, quand on découvre qu’il sera définitivement impossible d’avoir tous les jouets dans la vitrine.
Au milieu de ça, le Rock dispense une part de certitude à laquelle on peut toujours se raccrocher quand le cœur bat la chamade et que l’abîme insondable de l’avenir donne le vertige. Un disque qui tourne en boucle sur la platine, un concert qui laisse les tympans en vrac et l’échine en sueur et l’angoisse du lendemain s’estompe pour un court instant.

Une vie sans Barjot parle un peu de tout ça. Le récit se déroule en une nuit, la dernière des vacances, les dernières vacances après la dernière année de lycée avant que Mathieu ne parte le lendemain pour suivre ses études à Paris, loin du confort de sa ville de Province (Nantes, en l’occurrence dont est originaire Stéphane Oiry).
La perspective de cette nouvelle vie angoisse Mathieu, d’autant qu’elle risque de lui faire perdre la trace de Noémie. Cette dernière est la bassiste des New Girls et joue ce soir-là au Bateau Ivre. C’est depuis ce lieu au nom évocateur, à l’issue d’un concert de Death Metal, que le héros va entamer un long périple à la recherche de sa Dulcinée qui lui a donné rendez-vous à la soirée chez une copine… dont il ignore l’adresse. Mathieu va se lancer dans cette quête au cours d’une errance nocturne, une Odyssée rimbaldienne émaillée de sexe, parfois un peu glauque, de drogue, juste ce qu’il faut, et bien sûr de rock’n roll. Son chemin va croiser toute une série de personnages sublimes ou dérisoires, de ceux que l’on a tous connus au lycée.
Et parmi eux Barjot, fil rouge de l’intrigue, le copain zarbi dont on n‘arrive pas à se défaire et qui derrière le masque de clown foireux, cache une personnalité qu’on ne soupçonnait pas. Barjot, c’est le Godot qu’on n’attend plus mais dont l’existence est un vrai repère dans l’existence de Mathieu.
Une vie sans Barjot est un récit romanesque passionnant, d’une justesse et d’une modernité irréprochables, la fresque d’une jeunesse urbaine tout aussi flamboyante que désabusée à la recherche d’un temps qu’elle sait perdu d’avance et qu’elle essaie de retenir tant qu’elle peut, avant qu’il ne lui file entre les doigts.
Avec le recul, ma BD préférée de l’année 2011.

L’interview de Stéphane Oiry, c’est ici.

MetaL ManiaX

Dessins : SLO – Textes : FEF

Sur les pochettes de leurs disques, ils ont l’air très méchants. A l’écoute, quand rugissent les guitares, que tonne la batterie et que s’élèvent les hurlements du chanteur, le doute n’est plus permis, ils sont très fâchés et ils veulent que ça se sache. Quand ils sont contents, ils replient l’annulaire et le majeur, pour former les cornes de Satan.
Vous ne les connaissez pas et nombre d’entre vous ne soupçonnent même pas que de telles créatures et qu’une telle… « musique » puissent exister. Et pourtant, ils sont bien là, ils vivent parmi vous et ils célèbrent leurs rites sataniques en toute impunité, suivis par des millions d’adeptes dévots à travers le monde. Eux, ce sont les Métalleux.
Pénétrer dans l’univers du Métal a tout d’une expérience ésotérique tant ce style musical recèle de codes et de chapelles, Heavy, Trash, Black, Death, Hard Core, Stoner… avec des variantes Old School ou Néo. Pour les voisins ou votre Mamie, tout ça c’est de la musique de singes sauvages mais pour les puristes, n’allez surtout pas mettre dans le même panier Metallica et Satyricon, Megadeth et Cannibal Corpse ou les flammes de l’enfer risquent bien de vous réduire en cendres en moins de temps qu’il ne faut à un de ces disciples de Belzébuth pour écluser une pinte de bière.
Metal ManiaxHeureusement on peut rire de tout et le mieux c’est de le faire en bonne compagnie avec de fins connaisseurs. Slo et Fef font partie de ces passionnés qui composent le public Métal. Avec Metal Maniax, ils mettent en scène une bande de Métalleux bien typés, incarnant chacun un style de Métal, Vince le fan de Death, inconditionnel de binouze en version Happy Hour, Marco, le Blackeux sombre et satanique tombeur de gonzesses, Spike, le Hardcoreux, bardé de tatouages et rompu aux pogos les plus sauvages et enfin Sam, l’amateur de Heavy et de Glam, moins looké mais non moins allumé. Ce quatuor passe le plus clair de son temps libre dans leur troquet fétiche, le Dark Knight, managé de main de maître par Tony son patron irascible mais comme un père pour ces grands gamins qui se gavent de décibels et de houblon bien frais.
Au travers de gags bien sentis, à l’humour potache et efficace comme un bon gros riff d’AC/DC, les auteurs livrent quelques clés de lecture au béotien pour mieux comprendre cette culture à part et à part entière que constitue le Métal tout en parsemant leurs histoires de clins d’œil qu’apprécieront les fans du genre.
Au programme, entre autres, initiation d’un d’jeune novice au culte métallique, querelles d’esthètes sur les divers genres du Métal avec l’inénarrable Defenestrator comme groupe fil rouge, grivoiseries autour de Nina la barmaid qui n’a froid nulle part, recherche compliquée d’un job stable pour Spike et d’un co-loc compatible pour Sam, incantations maléfiques de Marco… les tribulations bruyantes et alcoolisées de cette bande de mélomanes rappellent opportunément que nonobstant le folklore, tatouages, maquillages et quincaillerie, le Métal, c’est avant tout du Rock’n Roll et que ses aficionados, au-delà de cette caricature avisée, méritent le respect et la sympathie dus aux vrais fans de musique.

Rock First – Nouveau magazine Rock

Aux premiers âges de Rock & Folk, l’une des rubriques du vénérable magazine s’intitulait EruditRock. En réponse aux questions des lecteurs, on y relatait la carrière d’un groupe ou l’on disséquait sa discographie. C’était parfois un peu aride, un brin professoral mais jamais rébarbatif et parfois franchement passionnant.
Plus tard, à la fin des années 1980, la première mouture des Inrockuptibles, dans un format mensuel, faisait la part belle à des interviews au long cours permettant aux intéressés d’ouvrir la boîte aux souvenirs et parfois de régler leurs comptes avec leurs anciens comparses.
Après, j’avoue que j’ai un peu lâché l’affaire mais je gardais toujours un œil sur les petits nouveaux dont beaucoup ont fait long feu. Puis le nouveau millénaire a vu l’éclosion des magazines musicaux spécialisés par genre.
Et Rock & Folk, toujours là, se contentant de gérer le truc, d’entretenir la flamme mais devenu une institution. Un petit CD de temps en temps, des interviews syndicales et cette propension énervante à s’extasier avec la même jubilation béate pour les groupes de stade et le dernier combo franchouillard sans personnalité et sans avenir. Deux heures de TGV et on peut laisser l’objet sur son siège avant de sortir de la rame.
Enfin bon, qu’un magazine comme Rock & Folk existe encore après plus de 45 années d’existence est en soi un petit miracle. Qu’il y ait encore, à l’époque de l’Internet, du Streaming, du MP3 et autres prouesses technologiques ouvertes à tous, des magazines de Rock, est un miracle encore plus grand.
Et qu’un magazine de Rock arrive à renouveler le concept, là, c’est carrément Lazare qui multiplie les pains en marchant sur l’eau.
Car en vérité, je vous le dis, Rock First a trouvé la formule qui manquait terriblement à la presse Rock, depuis… ben, depuis qu’elle existe en fait. Rock First, est un condensé d’encyclopédie, une plongée dans les archives de la grande histoire du Rock. Retour sur la carrière de grands noms au travers de rétrospectives complètes ou de périodes décisives, de genèses d’un album culte (ma rubrique préférée), de discographies sélectives, biographies de grands instrumentistes. C’est richement documenté, ça fourmille d’anecdotes (genèse d’une pochette, origine d’un nom de groupe…), le bonheur.
Mais pas que car on y trouve aussi des interviews de plus de cinq questions, des chroniques d’albums, judicieusement classées par style et plein de petites rubriques réjouissantes, comme les 20 ou les 30 meilleurs xxx, le tout servi par une maquette particulièrement bien conçue et qui donne envie de se plonger dans la lecture du moindre petit encart.
On sent une envie de partager cette passion pour le Rock et de s’adresser aux vrais fans avec qui s’installe comme une forme de connivence. Et pour ça, rien de mieux que de replonger aux racines. Ca remet les choses en perspective en relativisant les buzz un peu trop vite montés en épingle que d’autres dégainent à longueur de manchette et ça crédibilise les avis donnés sur les petits nouveaux.
Puisse Rock First garder longtemps cette fraicheur et cette richesse.
Juste un reproche, les gars mais ça restera entre nous : à chaque numéro, j’ai l’impression de rien n’y connaître en Rock et ça c’est vraiment humiliant.

Lien vers leur page Fessebouc

Backstage

Dessins : Boris MIRROIR – Textes : JAMES

Le gag est sûrement l’exercice le plus difficile de la Bande Dessinée. Je parle bien sûr du gag qui fait rire et quand on voit le niveau moyen de la production, ça n’a rien d’un pléonasme.
Pour un Franquin, combien de … (rayer la mention inutile). Ce dernier était un maître dans le domaine. Même si les premiers gags de Gaston en une demi-page ne sont pas mes préférés, moins virtuoses et moins inventifs, ils ont justement cette qualité tant au niveau du graphisme que du scénario d’aller à l’essentiel. Faire marrer en une demi-douzaine de cases et au pire garder les zygomatiques du lecteur en éveil, c’est du grand art. De nos jours, peu y arrivent. Diego Aranega avec son Victor Lalouz fait partie de ceux-là, avec une originalité : l’enchainement des gags raconte une histoire ou du moins marque une progression narrative.
Avec Backstage, Fluide Glacial, qui depuis peu s’est lancé dans la BD Rock, comme en témoignent l’arrivée de Lucien dans le catalogue ou les deux collectifs consacrés respectivement aux Beatles et aux Rolling Stones, reprend cette formule de la narration gaguesque (je dis c’que j’veux !) en 6 cases.

JAGGER - RICHARDS par Mirroir

Et en l’appliquant au Rock, Fluide inaugure même un nouveau genre, le biopic en gags. Et tant qu’à faire, on tape dans le gratin avec les Rolling Stones. Cette succession de strips retrace dans ce premier tome, les premières armes de Little Boy Blue and the Blue Boys, le patronyme originel des Pierres (on regrette pas qu’ils aient changé). James, déjà rompu, en tant que dessinateur, à l’exercice du gag en 6 cases avec l’excellent Amour, passion & CX diesel (toujours chez Fluide), prend ici les rênes du scénario, Boris Mirroir assurant le dessin.
Si la plupart des gags sont efficaces et pour beaucoup d’entre eux franchement bidonnants, ce n’est pas qu’un simple délire potache dans la plus pure tradition fluidesque mais bien une véritable biographie détournant les grandes étapes et les petites anecdotes réelles ou supposées comme telles, car entrées dans la légende, qui ponctuent la carrière des Stones. La rencontre de Jagger et Richards sur le quai de gare, les cendres du Hamster de Richards, le pudding de la mère de Jagger et le thé de celle de Richards, les balbutiements du jeu de scène de Jagger, l’hypocrisie envers les premiers partenaires, tout y est. De l’humour décalé et flegmatique, so british, et des personnages dont les auteurs exploitent à merveille les travers, tels le côté calculateur de Jagger ou les penchants addictifs de Richards, sans pour autant négliger de rendre hommage à leurs qualités de musiciens.
Les auteurs ont mis au point des dialogues et un style graphique astucieusement caricaturaux (Mirroir revisite savoureusement les coupes à la garçonne ou la lippe de Jagger) tout à fait en rapport avec leur sujet. C’est drôle mais c’est crédible, tant les modèles originaux, en multipliant les outrances tout au long de leur carrière, nous ont habitué au grand n’importe quoi.
On n’en est qu’au premier tome, les Stones n’ont pas encore choisi leur nom, Jones, Wyman et Watts manquent encore à l’appel mais on a hâte de voir comment les auteurs vont s’emparer des chapitres les plus célèbres de la saga stonienne.
En attendant, le flambeau de Franquin brûle toujours et en plus maintenant, il joue du Rock’n Roll.

Bonus Track : 3 questions à James

Debaser

Dessins et textes : RAF

Un titre pareil, forcément, ça excite la curiosité de l’amateur de Rock. On parle bien du morceau d’ouverture de Doolittle, l’album décisif des Pixies, cet hymne pré-grunge, puissant, mélodique et percutant qui vous agrippe les tympans dès la première note et ne vous les lâche plus pendant 2 minutes et 52 secondes ?
Debaser ; Raf © AnkamaQu’est-ce qu’un manga vient faire là-dedans ? Enfin, un manga, si on veut, vu qu’il se lit à l’occidentale, de gauche à droite. Et puis ce graphisme a un petit je ne sais quoi qui ne sonne pas tout à fait nippon. Vu que ça se passe en France, le doute n’est plus permis.
Un manga français dédié au Rock donc, ça c’est du neuf et c’est du lourd car le moins que l’on puisse dire c’est que ces brûlots graphiques de 180 pages vous pètent à la tronche comme un concert de punk rock.
Nous sommes en 2020, en France dans une société réactionnaire où seuls les hommes font des études supérieures et où les filles sont reléguées au rang de potiches bimbos vouées à une carrière de femme au foyer. Seule la musique officielle promue par le gouvernement est autorisée. Une pop acidulée, prédigérée, décérébrée, formatée pour museler une jeunesse qu’il faut préserver de toute velléité de révolte et de pensée autonome et qu’il faut conditionner à la consommation et au conformisme. Cette soupe sans saveur est produite par la société Mundial (toute ressemblance avec une grosse maison de disques actuelle est tout sauf fortuite) et relayée dans des émissions de télé crochet dans la grande tradition des Daube Academy qui ont sévi ces derniers temps dans la vraie vie.
Face à cet ordre établi, Joshua et Anna, deux jeunes rebelles comme le Rock les aime vont fonder un groupe de Rock, Debaser (nous y voilà !) et organiser la résistance. Debaser ; Raf © Raf, 2012
Raf dessine pied au plancher et se donne à fond sur les planches même si les siennes sont à dessin. Un découpage et un trait tranchants comme des riffs de guitare bien saturée, des personnages forts et expressifs. Cela donne des pages explosives où la violence cathartique du Rock s’exprime dans une intrigue aux nombreux rebondissements, comme il se doit dans un bon manga. Un tel enthousiasme, une telle soif de raconter et de transmettre sa passion pour le Rock (chaque chapitre reprend le titre d’un standard du Punk, du Métal et autres musiques énervées) forcent le respect. Raf a de la suite dans les idées et des idées, la demoiselle (eh oui, encore une dessinatrice rockeuse qui nous file un sacré coup de pied au cul) n’en manque pas, sur la société contemporaine, la politique, la jeunesse… Il n’est pas sûr que le Rock soit capable de changer la face du monde mais avec des récits engagés et débridés comme Debaser, on a vraiment envie d’y croire.

L’interview de RAF, c’est ici

Godspeed, une vie de Kurt Cobain

Dessins : Mc CARTHY et FLAMEBOY – Textes : LEGG

Beaucoup de choses ont été écrites sur la carrière météorique de Nirvana et sur la mort de son leader. En BD, Petit à Petit a sorti une biographie passionnante qui fait tout le tour de la question.
Alors quoi de plus ? Le parti pris de Godspeed est de mettre de côté le groupe et de se placer du point de vue unique et subjectif de Kurt Cobain.
Ce dernier y est présenté comme un ange qui glisse vers la déchéance. Un destin tracé entre les deux écueils insurmontables du divorce de ses parents et d’effroyables douleurs gastriques. Deux épreuves insoutenables qui le pousseront vers la drogue et l’autodestruction même si elles l’amèneront à trouver refuge dans la musique.
Les souffrances, les angoisses, le mal de vivre mais aussi la quête vaine d’un amour pur et sincère sont les thèmes que cette biographie développe dans l’optique d’expliquer que le suicide de Cobain était inéluctable.

Il n’est pas évident d’adhérer à cette thèse visant à faire de Cobain le seul responsable de son suicide mais cette approche a le mérite d’être cohérente et de donner une explication plausible à l’issue finale.
J’adhère franchement moins au graphisme dont l’académisme Comics et une mise en couleurs informatique flashy et sans relief ne paraissent guère appropriés au sujet. La ressemblance avec les personnages réels est peu évidente et surtout fluctuante, avec un Novoselic et un Grohl vraiment méconnaissables. Seule Courtney Love est assez réussie (un paradoxe, vu qu’elle n’a franchement pas le beau rôle). Dommage, car le petit cahier graphique, à la fin du livre montre que sur ce plan, les auteurs auraient pu livrer une bien meilleure version.
Toutefois, Godspeed dresse un portrait sincère de Cobain, restituant la personnalité fragile et sensible de l’un des meilleurs song-writers de l’histoire du Rock.

Batteurs fous

Depuis que mon deuxième schtroumpf fait de la batterie, je m’y intéresse de près, forcément. Plutôt que les gros monstres techniques, toujours lassants à la longue, je préfère les joyeux allumés de la baguette. Et donc, sur le podium :

Numéro 3 : Les Suédois, c’est pas des gens comme nous…

Numéro 2 : Culte et incontournable :The Animal, en chair et en poils

Numéro 1 : Médaille d’or toutes catégories. Ce type est une star !