Woodstock

Dessins et textes : Yukai ASADA

Ah ben y’avait longtemps. Un nouveau Manga Rock, avec un titre qui annonce d’emblée que l’on va faire dans le vintage et l’évocation révérencieuse (sont très forts pour ça les Nippons, le respect des traditions ancestrales, tout ça…) de la glorieuse époque des Sixties.
Même si le festival mythique de 1969 est évoqué au début, c’est avant tout de Punk et de ses icônes dont il est question ici. Gaku, le héros, est en effet un fan inconditionnel des Clash, Sex Pistols ou de Johnny Thunders, ce qui est déjà un poil plus original.
Jeune compositeur inspiré, excellent guitariste, Gaku fait le Buzz sur le Net avec son groupe, Charlie, dont il est le seul et unique membre (Tiens, ça me rappelle une de mes récentes chroniques, Cyril, si tu nous écoutes…). WoodstockEt bien sûr, le petit prodige, mignon tout plein, est un grand timide, surtout quand il est face à Shiina, belle batteuse de son état qui ne va pas tarder à percer le secret de ce jeune livreur qui ose à peine lui adresser la parole. Et dès lors, la demoiselle essaie de lui mettre le grappin dessus, musicalement du moins, dans un premier temps. Gaku fait aussi la connaissance de Machida, un nouveau collègue de boulot qui a lâché son groupe après avoir écouté un des morceaux de Charlie. Sauf que la timidité quasi maladive de Gaku ne simplifie pas les choses et qu’il est encore incapable de franchir le cap qui lui permettrait de fonder son groupe.
Refermé ce premier tome, une première remarque s’impose. Woodstock est bien parti pour faire une bonne histoire. Il possède tous les ingrédients qui font l’essence d’un bon Manga dont l’on ne se lassera pas, même après une vingtaine de tomes, avec des personnages attachants et bien typés, servi par un graphisme élégant, des rebondissements en pagaille, un peu de Pathos et en ce qui concerne le Rock, un petit côté didactique qui donnera aux jeunes mécréants un vernis de culture Rock de base et même un peu plus (le Woodstock japonais, vous connaissiez?) ainsi que peut-être l’envie d’en connaître plus sur le sujet et d’aller jeter un coup d’oeil dans la discothèque de leurs ancêtres.
Petit bémol cependant, qui pourrait en devenir un gros pour certains, c’est que Woodstock arrive un peu après la bataille, celle déjà menée par Beck, Fool on The Rock ou Bremen. Le jeune Zicos complexé qui rêve de venir une Rockstar, la love-story platonique, le line-up du groupe dont la finalisation va encore prendre des milliers de pages… Perso, j’ai déjà donné et j’ai envie de passer à autre chose. Cela dit, je ne peux déconseiller d’aller y faire un tour, avec le risque de tomber dans l’addiction que déclenche souvent ce genre de récit. En ce qui me concerne, j’attends le prochain Manga qui renouvellera vraiment le truc (paradoxalement, c’est justement dans Woodstock, l’une des principales qualités reconnues à Charlie par ses fans)… un nouveau Debaser ou Detroit Metal City, si vous voyez ce que je veux dire.

Johnny Cash – Une vie – 1932-2003

Dessins et scénario : Reinhard Kleist

Certes, Johnny Cash n’est pas à proprement parler un rocker mais une des (LA, diront beaucoup) figures emblématiques de la Country, qui a jusqu’au bout mené sa vie en rebelle.
Pourtant, à quelques détails près dans les progressions d’accords, sa musique s’apparente complètement au Rock’n Roll dont elle reste l’une des grandes sources. En outre, Cash fut, au même titre qu’Elvis Presley qu’il précéda de peu sur le devant de la scène, un chantre du Rockabilly, mâtiné de Gospel et de Country certes mais suffisamment sauvage et provocateur pour devenir lui aussi une idole faisant se pâmer les teenagers.
Le Rock, c’est dans son mode de vie que Cash l’a pratiqué. Une soif de liberté, la quête de l’absolu et le refus des concessions ont fait de cet artiste ténébreux, sans cuir et sans électricité, une icône de la musique populaire américaine. Et puis un type qui choisit « Hurt » de Nine Inch Nails comme chanson testament, dont il livre une version bouleversante (il suffit de voir la vidéo sur InJohnny Cash – Une vie 1932-2003 ; Reinhard Kleist © Dargaud, 2007ternet pour comprendre) mérite largement autant l’étiquette de rocker que n’importe lequel de ces petits punks ou néo-métalleux d’opérette tatoués et piercés à la sauce MTV.
Après un Walk The Line, le biopic sorti sur les écrans en 2005, plutôt réussi, avec un Joaquin Phoenix habité par son personnage, il fallait oser s’attaquer à la biographie du Man in Black. Reinhard Kleist a relevé ce défi au point de rendre le film presque fade comparé au portrait magistral qu’il a brossé de Johnny Cash dont les multiples visages vous traversent encore l’esprit bien après avoir refermé son livre. Avec un trait dépouillé de tout artifice, sobre et sec, orné de noirs profonds parfaitement en accord avec le sujet, il campe un Cash plus vrai que nature et restitue avec une justesse surprenante toute la gravité et la force du visage de cet homme à la maturité précoce.
Les heures sombres de l’artiste, la noirceur de cette âme torturée mais aussi sa profonde humanité sont retracées au travers des épisodes marquants de cette existence hors du commun, tels la mort du frère, évènement fondateur et traumatisme indélébile dans la vie de Cash, l’addiction pour les amphétamines, sa relation avec la chanteuse June Carter, la femme de sa vie, sans oublier le concert légendaire au pénitencier de Folson ou les derniers jours, cloîtré comme un fantôme dans un studio d’enregistrement où il revisite magistralement des chansons écrites par des jeunes rockers qui pourraient être ses fils et le sont d’ailleurs un peu, sur le plan de l’héritage musical.
Kleist a capté la quintessence de cette vie et de cette œuvre en se donnant pour cela suffisamment d’espace (plus de 200 planches !) pour en exprimer la grandeur et la noblesse sans en omettre les errances et les impasses.

Gimme more Indie Rock !

Dessins et textes : Half Bob

C’est avec le printemps que revient le nouvel opus d’Half Bob, consacré à la passion dévorante et sans limites qu’il voue au Rock indépendant (on va dire Indie Rock, parce qu’on est branchés et surtout parce que les Français, qui déjà ne sont guère présents dans le Main Stream, le sont encore moins ici).Gimme more Indie Rock 2
On retrouve la formule éprouvée sur le blog éponyme ainsi que dans le premier tome, toujours aussi réjouissante, à condition toutefois de partager un tant soit peu la susdite passion de l’auteur : un recueil de chroniques qui n’ont pour autre prétention, mais c’est déjà énorme, d’évangéliser nos âmes profanes à la religion de cette forme de Rock dont les icones ne rempliront jamais les stades. Certes, il existe dans le genre quelques stars, Neil Young, leur grand-père à tous ou encore les Pixies et dans une moindre mesure Beck ou Sonic Youth mais rien n’est plus exaltant que ces groupes obscurs dont la connaissance distingue du commun des mortels.
Difficile de définir précisément ce qu’est l’Indie Rock, tant il recouvre de styles différents, entre Folk, Blues, Punk ou Electro, entre autres. Ce qui le caractérise serait plutôt cette façon de détourner les codes de chacun de ces styles, avec une approche plus arty, intellectuelle, littéraire… ou pète-couilles élitiste diront les mauvaises langues (ou les ignares). Une approche souvent radicale et sans concessions sollicitant de l’auditeur une bonne capacité d’écoute et d’ouverture d’esprit, mais qui recèle aussi de vraies perles concoctées par des musiciens souvent méconnus bien qu’adulés par leurs (quelques) fans
Le propos du livre reste avant tout de parler encore et encore de musique. La subjectivité est assumée, pour faire découvrir en images, le plus souvent sous forme d’éloges vibrants les groupes et artistes qui comblent l’auteur et dont il présente une discographie détaillée et sélective. Gimme more Indie Rock 1
Anecdotes autobiographiques teintées d’auto-dérision et d’une pointe d’humour agrémentent cette petite encyclopédie de l’Indie Rock en évitant toutefois le côté rébarbatif. Preuve que Half Bob ne se prend pas au sérieux et reste lucide sur les petits inconvénients que peut présenter le fait de vivre sa passion au quotidien, ces petits moments de solitude qui laissent votre entourage perplexe face à tant d’enthousiasme et de béatitude aussi mono que mélo maniaques.
Chaque vrai fan de Rock, quelle que soit son obédience, se reconnaîtra un tant soit peu dans les chroniques d’Half Bob et, pour ceux qui marchent encore dans la pénombre, elles les mèneront droit à la lumière…tamisée de l’Indie Rock.

La chronique du premier tome, c’est par là et l’interview d’Half Bob, par ici

La grande escroquerie

Dessins : Christophe QUET – Textes : Fred DUVAL

L’histoire du Rock est émaillée d’instants décisifs, fondateurs, comme autant de repères qui balisent la voie. Une ribambelle de disques cultes que l’on s’accorde à qualifier de chefs-d’œuvre. Quelques concerts légendaires dans des salles mythiques. Et bien sûr une flopée de demi-dieux fauchés en plein jeunesse, camés ou alcoolisés jusqu’à la moelle et assurés du même coup d’une place de choix au Panthéon du binaire primaire.
Et puis, il y a toutes ces anecdotes dont beaucoup ont été consignées dans des rapports de police, souvent dérisoires, parfois ridicules qui, mis bout à bout, ont fait la petite histoire et ont créé l’imagerie du Rock et sans lesquels il faut avouer que celui-ci perdrait beaucoup de son charme.
Grande escroquerieDans le grand livre des faits-divers du Rock, il en est un qui remplit à lui seul l’intégralité du cahier des charges : la sortie du single God Save the Queen, des Sex Pistols,  en plein jubilé des 25 ans du règne d’Elisabeth II, offrant le prétexte à un concert privé sur une péniche, au beau milieu de la Tamise et devant le Parlement britannique. Le gig s’est soldé par une descente de police et les réactions d’une presse horrifiée dont les chroniques le lendemain ont définitivement gravé dans le marbre la réputation de ces punks dégénérés et antisociaux (qui n’en ont pas pour autant perdu leur sang-froid sur ce coup-là).
Après ça, tout était dit et les Sex Pistols ayant mis la barre sacrément haut, niveau esprit rebelle et provocateur, l’idéal punk avait désormais sa charte de déontologie et il faut bien avouer que l’on n’a guère eu depuis de répliques très marquantes de ce tremblement de terre londonien de juin 1977.
Il y avait déjà là matière à un récit assez palpitant, rien que pour narrer ce morceau de bravoure rock’n rollesque mais Fred Duval, éminent scénariste d’excellentes séries de science-fiction (Carmen Mc Callum, Travis…) s’est amusé à en faire le décor et le postulat d’un ambitieux récit de polar. Pour la faire courte, c’est à l’occasion de ce concert des Sex Pistols que va avoir lieu le plus gros deal de l’histoire des Stups, avec rien moins que le stock de dope de la fameuse French Connection.Une histoire qui sent la poudre autant que la colle et qui met en scène son lot de caïds de la pègre, malfrats cyniques et sans morale, de junkies et de flics dépassés par les évènements et toute une cohorte de punks dont pour certains, la violence n’est pas seulement simulée lors de festifs pogos.
L’atmosphère de ce Spitting London de la fin des années 1970 est bien restituée ; quartiers populaires cradingues, tronches de prolos mal dégrossis et looks iconoclastes des Punks, grâce au dessin réaliste et sobre de Christophe Quet, rehaussé d’une mise en couleur ce qu’il faut de trashy pour évoquer le No Future de cette Angleterre en plein marasme économique, rongée par le chômage, les affrontements sociaux, le Rock rageur et désabusé des Sex Pistols en constituant la bande-son idéale.
Grande escroquerie 2S’agissant du Rock, les auteurs ont bossé le sujet. Biographies et documentaires tels ceux de Julian Temple, The Filth and  the Fury et  The Great Rock’n Roll Swindle (soit La grande escroquerie du Rock’n Roll... y’a pas de hasard) qui permettent de retracer fidèlement le concert fluvial des Sex Pistols, péniche, tenue de scène et coups de pieds dans les bollocks (pas si « never mind » que ça, en l’occurrence!). La révolution culturelle apportée par les poulains de Malcom Mc Larren est évoquée avec beaucoup de crédibilité, tant sur le plan musical (le tee-shirt « I Hate Pink Floyd », arboré dès les premières pages par un Punk* illustre sommairement le débat) que générationnel (le conflit entre le père flic et son rejeton punk qui est l’un des ressorts de l’histoire). Le doigt d’honneur de Rotten résume à lui seul toute la problématique de l’époque.
Reste l’intrigue policière. Là, j’avoue que j’ai moins accroché. Non qu’elle ne soit plausible et bien ficelée (dans le registre, on a bien vu bien plus délirant) et l’idée de croiser Rock et Polar était aussi astucieuse qu’originale. Mais cela aurait sans doute mérité un peu plus de développements pour l’exploiter pleinement, faire monter la tension et éviter un épilogue un poil lapidaire. En même temps, on ne pourra pas reprocher aux auteurs d’avoir traîné en longueur. On parle de Punk, là, pas de Rock progressif !

* En réalité, c’est Johnny Rotten qui s’était confectionné ce tee-shirt.

Mélo Pop

Dessins et Textes : Lucie DURBIANO

Les bonnes chansons de pop ont quelque chose d’agaçant. Leur côté imparable et évident, face auquel le mélomane averti et branché, rompu à la dissonance, la saturation grasse et les hurlements sauvages, est bien forcé de s’incliner. Des bluettes faussement simples qu’un Paul Mac Cartney au temps de sa splendeur enfilait comme des perles (ce qui gonflait prodigieusement Lennon) et que l’on écoute toujours en s’extasiant sur l’efficacité des textes (un vocabulaire d’une centaine de mots pour ressasser le thème universel qui nous amène à 7 129 240 420 individus sur la planète, le jour où cette chronique est publiée) et la qualité de la mélodie.Mélo Pop
Dans mélodie justement, il y a mélo, ça veut tout dire. Pareil que dans Mélo Pop dont le titre résume justement le contenu de cet ouvrage, surprenant à plus d’un titre.
Mon libraire m’avait décrit le sujet comme un croisement entre « La croisière s’amuse » et je ne sais plus quel groupe de pop. Pas mal vu, sauf que la sirupeuse série télé amerloque est bien moins iconoclaste que le récit brodé par Lucie Durbiano.
Les Funny Pills (hé hé) sont un groupe de pop qui végète dans des arrières salles de troquets minables jusqu’au jour où le destin va leur permettre de gagner enfin un peu de fric avec leur musique en jouant sur un paquebot de croisière. Tout au long de la traversée, des intrigues sentimentales vont se nouer, dans la pure tradition vaudevillesque, jusqu’au dénouement où chacun des protagonistes trouvera la perspective d’un avenir radieux. Du grand classique qui au premier abord n’a rien de très exaltant.
Partez pas, le meilleur reste à venir. A commencer par les personnages. Un casting très assorti qui comprend entre autres : un chanteur éphèbe et queutard, un claviériste homo avec un cheveu sur la langue, un batteur bègue qui en pince pour une groupie niaiseuse à souhait (du moins de prime abord) et amoureuse du chanteur, un manager foireux, un producteur cupide et irascible (Aujourd’hui, grande promo sur les pléonasmes) marié à une ex-junkie maman d’une petite fille… Une fois tout ce petit monde embarqué sur le même bateau… eh bien, on décroche pas et l’on s’enfile la centaine de planches d’un trait.
L’auteure joue avec les situations, les faux-semblants et les clichés qu’elle détourne de manière assez jubilatoire. LeMélo Pop 2 récit, sous un aspect faussement naïf, aborde des thèmes résolument actuels et réservés aux adultes. Mais cela reste traité avec finesse et humour, grâce à des dialogues efficaces et un graphisme animalier qui accentue la sensation de décalage. Les paroles des chansons des Funy Pills sont empruntées à de grands noms du répertoire (T. Rex, Neil Young ou Elliot Smith, entre autres), ce qui renforce un peu plus la validité du propos.
Mélo Pop est une comédie romantique qui parle de sex, drug and pop-music avec des fleurs autour et se lit comme on écoute ces « silly love songs » de Sir Paul et consorts, avec l’agréable sensation de s’être fait mener en bateau… et en plus d’aimer ça.

Rock’n’Vrac

Dessins : Michel JANVIER – Textes : MAGIK TEAM

Le Rock, c’est à la fois une chose extrêmement sérieuse et l’une des plus grosses fumisteries du monde civilisé (et sa dernière aventure, selon OTH). Si les différents genres musicaux ont tous leurs héros, leurs légendes, leurs splendeurs, leurs excès et véhiculent leur lot de codes et de clichés, le Rock en est certainement le pourvoyeur le plus généreux. C’est sans doute lié à son caractère protéiforme et aussi à sa dimension populaire. En tout cas, il est une source inépuisable pour tout auteur en mal d’inspiration, quel que soit le registre. Et si c’est un humoriste, il lui suffit de piocher dans le catalogue pour y trouver matière à caricatures, gags et autres parodies.
Rockn Vrac 1Reste à avoir du talent, et sur ce plan, avec Michel Janvier, pas d’inquiétude. Car nous avons là l’un des héritiers de cette veine graphique de la BD d’humour franco-belge, alliant maîtrise, précision et expressivité. Un dessin classique, au sens noble du terme qui peut servir tout propos et avec lequel l’intéressé a pu ainsi passer sans sourciller de Rantanplan et Lucky Luke à Rob, Wed & C°, une bande de hardos en culottes courtes, aussi connus sous le nom de Musicos.
Car Michel Janvier, s’il est devenu un spécialiste de « Hound Dog », tant il est vrai, comme le clamait Elvis, que Rantanplan n’a jamais attrapé de lapin, est aussi et surtout un vrai connaisseur de de la cause électrique, de ses racines blues à ses rejetons les plus saturés et les plus radicaux. Ce n’est pas pour rien qu’il est devenu un habitué du Hellfest (vous savez, ce rassemblement annuel de chevelus décérébrés qui, selon certaine politicarde récemment lacrymogénisée, rêvent tous de sataniser la jeunesse afin de l’inciter à brûler des églises, tout en buvant de la bière au litre). Il y vient chaque année faire écho avec ses dessins aux riffs furieux des groupes de Métal (et vice-versa).
Rien de plus normal de le voir ainsi, dans Rock’n’Vrac, nous gratifier d’un petit tour d’horizon de quelques grands thèmes du binaire parfois franchement primaire dont il s’est amusé à détourner les clichés et moquer les figures de prout (désolé, ça m’a échappé). Blues, Rock’n Roll, Hard Rock, Punk, Reggae et l’éternelle aporie (redésolé, ça m’a encore échappé) du Rock français… avec en prime la réRockn Vrac 2ponse à quelques question métaphysiques, du genre : Le Rock est-il animal ou permet-il de conserver la jeunesse ? Pour ce faire, il a convoqué sur les planches toute une flopée de compères sévissant déjà pour la plupart dans le registre de la BD d’humour afin de lui concocter tous ces scénars iconoclastes. Le tout sur un ton potache, et une mise en images où s’exprime pleinement l’efficacité de son trait.
Un florilège qui s’adresse autant aux amateurs qu’aux béotiens et une petite anthologie d’humour Rock où l’on retrouve la tradition franco-belge citée plus haut mais à la sauce rock’n roll, ce qui crée un décalage plutôt savoureux… un peu comme si Lucky Luke avait troqué son colt et Jolly Jumper contre une Les Paul et un Marshall.

Ketchup Boy

Dessins : Guillaume BERTELOOT – Textes : Gilles POUSSIN

L’une des figures de proue dans la galerie de portraits des héros Rock, c’est bien sûr l’adolescent rebelle, en révolte contre ce qu’il croit être le système, les parents, les profs… en gros les adultes. Un anarchiste en herbe qui cache derrière son attitude provocatrice, une soif inextinguible de reconnaissance.
Servi par un graphisme réaliste et assez classique, peu utilisé dans la BD Rock jusqu’alors, Ketchup Boy raconte le destin d’un de ces personnages emblématiques du Rock avec une empathie qui pourrait laisser croire qu’il s’agit d’une biographie.
Le livre recrée l’atmosphère de la fin des années 1970 dans la France profonde même si l’on pourrait regretter de ne pas y voir évoqués le phénomène Disco et aussi le Hard Rock en pleine émergence (Hard-Rock et Punk/New Wave divisaient âprement les critiques Rock dans les colonnes de Best et Rock & Folk ).
A cette époque, dans un lycée de province (fusse dans une grande ville de province comme Nantes), être un fan de Punk n’avait rien d’évident. Le genre était récent et n’avait que peu de représentants dans la scène française (« Starshooter » et « Bijou » entre autres). Son imagerie déjantée, iconoclaste (qui venait de fait réveiller l’esprit rock’n roll) et, du moins au début, très approximative sur le plan musical, se heurtait aux vielles valeurs bien installées d’un Rock devenu emphatique et mercantile.
Le Punk, Lucien (tiens, tiens…) Bastardi (un vrai patronyme rock’n roll !) veut le jouer, quoi qu’il en coûte et il est prêt pour cela à tous efforts (des innombrables heures d’apprentissage et de pratique de sa basse) les sacrifices et aussi toutes les trahisons. Son rêve, il va le réaliser mais devra en payer le prix.
Même si l’enthousiasme et l’optimisme animent le parcours de Ketchup Boy, le récit n’est pas idéaliste pour autant et met en avant les aspects négatifs de l’existence d’un musicien de Rock. Lucien est un jouisseur qui réserve sa fidélité à la musique et surtout pas aux filles, même celle pour laquelle il éprouve de vrais sentiments. C’est un aussi un sacré chercheur d’embrouilles et peu importe si ce n’est pas un as de la baston. Évidemment, il ne rate pas non plus une occasion de se bourrer la gueule et n’est pas le dernier pour les pétards même s’il est clairement opposé aux drogues dures, ce qui n’est pas le cas de tous les membres de Kamikaz Zone, son deuxième groupe. Ketchup Boy ; Berteloot - Poussin © Librairie L’Atalante, 2008Malgré ses défauts et les erreurs de parcours, Ketchup Boy
s’accroche à son rêve et ne dérive pas de son objectif de devenir un vrai musicien de Rock.
Avec le groupe suivant, Plexiglass, Lucien décrochera un disque d’or mais sa personnalité trop intransigeante se retournera une fois de plus contre lui.
Le destin de Ketchup Boy évoque avec justesse ces musiciens et ces groupes qui ont affronté tous les écueils sur la voie du Rock, surtout en France et encore plus à cette époque, et ont réussi malgré tout à faire tant bien que mal, ce qu’il convient d’appeler une carrière, si éphémère fut elle.

Bonus Track : 3 questions à Gilles Poussin

Le Stéréo Club

Dessins : Rudy SPIESSERT – Textes : Hervé BOURHIS

C’était un temps où gagner sa vie en vendant des disques ne se résumait pas à être employé à la FNAC ou au rayon « Culture et Bricolage » d’une grande surface. Dans chaque mégapole française (disons à partir de 10 000 habitants, à l’échelle hexagonale), on trouvait au minimum un « petit » commerçant spécialisé dans la vente de disques, de vrais disques s’entend, des vinyles biens noirs avec de jolies pochettes.
Cette race aujourd’hui en voie d’extinction dont ne restent plus que quelques spécimens très menacés, uniquement dans les très grandes villes, a contribué à faire l’éducation musicale de nombre d’adolescents et à prolonger celle des adultes restés branchés. On y trouvait de tout et pour tous les goûts, une diversité et une richesse au milieu de laquelle les professionnels qui bossaient la boutique étaient capables de vous guider.
Le Stéréo Club évoque cette relation particulière qui unissait le vendeur et ses clients et dépassait la simple dimension commerciale, au travers de trois récits dont l’intrigue gravite autour d’un magasin de disques, le Stéréo Club donc, propriété de Jacky, qui l’a ouvert en 1946. Secondé par Machin, un rondouillard très branché Métal, Jacky résiste encore et toujours à l’envahisseur, un promoteur immobilier qui rêve de lui racheter son commerce, idéalement placé en centre-ville. Mais jusqu’à quand Jacky tiendra-t-il ?
Chacune des parties de cette trilogie illustre un thème central : conflit de générations père-fille, parcours du combattant pour faire une carrière de chanteur, fête de la musique… avec en prime d’autres intrigues parallèles et complémentaires et en toile de fond la situation précaire du Stéréo Club.
Hervé Bourhis, encyclopédiste du Rock en BD (le Petit Livre Rock, le Petit Livre Beatles, 45 Tours Rock) a tissé un récit dense, émaillé de nombreuses références musicales, impeccablement mise en images par le trait moderne et expressif de Rudy Spiessert. Chaque partie aborde également un style musical fil rouge, le Jazz d’abord (avec Britney Spears en contrepoint !), la chanson française ensuite et enfin le Rock. Ces histoires et ces destins mêlés convoquent toute une série de personnages, parfaits archétypes de leurs époques et de leurs addictions musicales, bien campés et plutôt attachants, entre le quadra mélomane  spécialiste du jazz, le variéteux sans talent (pléonasme ?)  qui s’accroche à son rêve, le producteur rapace (re-pléonasme ?), le groupe amateur qui répète dans la cave du Stéréo Club à l’insu de son propriétaire…pour ne citer que ceux-là, sans oublier bien sûr Jacky et Machin, Mohicans perpétuant la tradition des disquaires de quartier et au-delà des petits commerces de centre-ville.
Cette chronique sociale n’est pas sans évoquer dans son approche le travail de Dupuy-Berbérian ou Jean-Claude Denis mais sans toutefois se réduire à une simple comparaison avec ces illustres prédécesseurs même s’il y a en commun une juste restitution de l’air du temps en milieu urbain. Le Stéréo Club rend un bel hommage aux disquaires, sans nostalgie larmoyante et au contraire avec une bonne dose d’humour (et aussi d’amour tant qu’on y est) en démontrant une fois de plus que la musique est l’un des meilleurs vecteurs pour parler des mœurs de nos contemporains.

Bonus Track : 3 questions à Hervé Bourhis

Allegretto Deprimoso

Dessins et scénario : Romain DUTREIX

Voilà typiquement le genre de livre qui aurait justifié qu’on y colle sur la couverture quelques stickers aussi préventifs que racoleurs dont l’industrie du disque a depuis longtemps compris tout le potentiel commercial. Le « Parental Advisory Explicit Lyrics » ne déparerait pas : Comme toute production Fluide Glacial digne de ce nom, les doux bambins de moins de douze ans ne sont pas vraiment les cœurs de cible. Pourtant, la quatrième de couverture appâte perfidement le lecteur en lui promettant divertissement et culture à lire en famille au coin du feu.
On est ici face à un cas exemplaire de tromperie sur la marchandise car prévenons sans ambages les amateurs de musique : on aura du mal à trouver meilleure illustration de l’adjectif « iconoclaste » que cette petite parodie outrancière des principaux courants musicaux.
Tous y passent, Classique, Blues, Punk, Rap, Métal…dans une moulinette qui hache menu les clichés de ces différents genres… ainsi qu’un panel de ses idoles. Elvis Presley, Kiss, Jimi Hendrix, Marylin Manson et même le grand Herbert von Karajan.
L’humour est noir et féroce et le ton neutre et didactique employé par l’auteur en accentue le décalage. Dutreix s’amuse à placer ses personnages dans des situations improbables ou en jouant sur le contre-pied : Rappeurs grabataires qui dealent en maison de retraite, parents Punks désespérés par leur garçon « normal », sosies de rockstars à l’origine de cultes fétichistes dans la jungle amazonienne… du Grand-Guignol au Xème degré, d’autant plus efficace qu’il tape là où ça fait mal dans les travers les plus saillants de l’imagerie musicale. Hormis les artistes, les producteurs et managers avides ou incompétents en prennent aussi pour leur grade, ce qui est un juste retour sur investissement.
Tout cela dénote une bonne connaissance de ses sujets (ou alors l’auteur cache bien son jeu) tant les clins d’œil et les références abondent, au grand plaisir des esthètes que nous sommes.
Le graphisme taillé au scalpel ainsi que des textes bidonnants servent parfaitement cette suite de caricatures imparables et sadiques dont les victimes connaissent un destin funeste qui s’achève très souvent en pièces détachées.
En fait, le sticker le plus approprié serait « A ne pas lire la bouche pleine, risque de projections non contrôlées » ou un truc dans le genre pour résumer cet humour gore et raffiné qui mettra à rude épreuve les zygomatiques des mélomanes. Sans conteste l’une des BD les plus hilarantes de la maison Fluide Glacial.

Bonus Track : 3 questions à Romain Dutreix

Friskoz Invaderz

Dessins : NIRO – Textes : LEDOUBLE

Il y a des lectures qui ne vous laissent pas indifférents, d’autres qui vous branchent à donf et d’autres dont vous ne savez trop quoi penser. Après avoir refermé Friskoz Invaders, les mains encore tremblantes, ces trois impressions se sont d’abord bousculées dans mon petit cerveau. En causant avec les géniteurs de l’opus lors du dernier Angoulême (une rencontre très sympa, au passage), nous avions évoqué le rapport avec le Rock, un peu ténu dans le premier tome, mais qui devrait se révéler bien plus marqué dans le second. Du coup, j’avais envisagé d’attendre la sortie de celui-ci pour y aller de ma petite chronique (ou pas, si l’opus s’était révélé daubesque).
Et puis merde, me suis-je dit (il m’arrive d’être très discourtois à mon propre endroit), tu pourras toujours en remettre une couche après et un truc comme ça mérite qu’on en cause là tout de suite maintenant et aussi vu, qu’à la réflexion, le lien avec le Rock est évident.
Car Friskoz Invaders est une petite bombe, ou une mine en l’occurrence, comme celles qui barrent l’accès à cette cité, seule rescapée d’une catastrophe pas vraiment naturelle et qui refoule tous les réfugiés climatiques qui tentent d’y pénétrer. Et quelle est la raison sociale d’une bombe quand on y touche de trop près ? Hein ? De te péter à la gueule, évidemment ! Et cette BD, pour sûr qu’elle explose à toutes les pages avec un graphisme détonnant, mélange de comics, de mangas, de films de série B ou de jeux vidéo, accompagné de dialogues percutants. Alors, c’est vrai que parfois, c’est un peu too much. Beaucoup d’intensité, d’enthousiasme et même une pointe de rage, au travers de cette évocation trépidante de thèmes pas très folichons, pollution, racisme, ségrégation sociale, cupidité… principales tares de la nature humaine. Mais l’effort est louable, sans conteste. L’univers, les personnages (forts en gueule dans tous les sens du terme), l’intrigue… tout cela envoie très fort d’emblée.
Ce qui nous ramène au Rock. Au Métal, plus exactement, et au Hardcore plus particulièrement, le style du groupe de Ted, à la recherche d’une voix stratosphérique pour hurler dans son groupe. Et qui gagne le casting ? Loomis, un ancien flic défraichi, qui déambule en béquilles. Mais avant d’atteindre les sommets du Rock lourd, va falloir échapper aux Patrol Boys, milices urbaines stipendiées par un maire véreux. Ça va, vous suivez ? Difficile d’en dire plus, pour comprendre, faut rentrer dans le pogo de Friskoz Invaderz.
Juste les gars, si je puis me permettre, il en est aussi qui apprécient le Métal sans forcément slammer comme des oufs. Pour eux (et donc oui, un peu pour moi), entre deux riffs furieux, ce serait possible pour le prochain de ménager des passages un peu plus cools, par exemple pour découvrir un peu plus la ville et ses origines ? Et dans la narration, parfois laisser monter le larsen avant de plaquer les accords ? Mais sinon, changez rien et continuez à envoyer les décibels. Si ça dépote trop, on mettra des bouchons !

Liverfool

Dessin : VANDERS – Scénario : GIHEF

La couverture donne le ton et annonce la couleur. Sur un jaune pétant, la typographie met en valeur avec élégance le jeu de mot contenu dans le titre. Le visuel est à lui seul parfaitement évocateur et prend le contrepied de toute l’imagerie associée à Abbey Road, tant de fois parodiée et lieu de pèlerinage pour les quarterons de touristes qui viennent y fabriquer leur propre souvenir de carte postale. Au milieu du mythique passage piétons, sous une pluie battante, un gus s’escrime sur un parapluie rebelle.
Avec une accroche comme ça, difficile de résister. D’autant que le sujet du livre est prometteur, évoquer l’histoire vraie d’un loser de première, peut-être le plus poissard de tous ceux qui ont côtoyé les Beatles. Allan Williams est parfois cité dans les biographies mais sans que son nom soit passé à la postérité. Son problème, c’est qu’il est arrivé avant la célébrité et la consécration, même si son rôle a sans doute été décisif, vu qu’il a été le premier manager des Fab Four. Un peu comme l’obscur entraîneur qui a enseigné les bases du jeu à une future star du foot.
Gihef et Vanders ont entrepris de narrer la destinée de ce petit tenancier de bar qui a mis le pied à l’étrier au plus grand groupe de Rock de l’histoire (non, c’est pas les Stones, que ce soit bien clair, une bonne fois pour toutes ! Je vous expliquerai pourquoi une autre fois mais là j’ai pas le temps).
Les deux compères, après une recherche documentaire approfondie, agrémentée d’un repérage à Liverpool (où ils ont à l’évidence surtout complété leur culture houblonnesque), ont décidé de créer leur propre version des prémisses de la légende. Des clubs minables de Liverpool aux bars interlopes de Hambourg, les auteurs font revivre à leur manière, notamment dans les dialogues et avec pas mal d’ironie, ces temps héroïques où les Beatles apprenaient le métier pour des cachets de misère et pieutaient dans un dortoir crasseux derrière l’écran d’un cinéma porno. Le dessin de Vanders, assorti d’un beau lavis noir et blanc, restitue parfaitement la grisaille de ces années farouches où, en attendant Ringo, John, Paul et George (avec Pete Best et Stuart Stutcliffe) vont devenir des musiciens accomplis, prêts à conquérir le monde, après avoir bouffé leur lot de vache enragée.
Mais le sujet central du récit reste bien Allan Williams, personnage pathétique et attachant qui, en échange de quelques pintes, raconte son histoire aux touristes. Un procédé narratif qui apporte plus d’authenticité et de consistance au personnage et qui laisse libre le lecteur de s’apitoyer ou non sur le sort de ce mec qui n’aura pas su percevoir l’énorme potentiel des Beatles, au-delà du fric qu’ils lui rapportaient. Ces derniers, eux, en étaient parfaitement conscients et n’hésiteront pas à le larguer, de façon un peu minable certes mais méritait-il vraiment mieux ? (petite scène d’anthologie avec Brian Epstein, au passage). En le congédiant, les Beatles ont un peu tué le père, mais un père indigne, un vrai anti-héros comme la saga du rock’n roll en compte tant et qui méritait bien qu’on lui rende cet hommage.

Faire danser les morts (Rock, Zombie !)

Dessins et textes : TANXXX

Les concerts de Rock, c’est dangereux. Tout le monde sait ça. C’est plein de jeunes gens sales et fortement alcoolisés, qui fument des substances illicites et qui s’abrutissent les tympans avec une bouillie sonore qu’ils appellent de la musique. Le pire, ce sont les concerts de Punk ou de Métal. Là, on touche le fond et on creuse dans la fange. Tous ces petits crétins hurlent comme des singes qu’on égorge, brandissent leurs poings en faisant le signe du Diable, se rentrent dedans et se marchent dessus avec un grand sourire idiot.
Il y a même des filles. Elles sont encore pires que les garçons. Et spécialement l’héroïne de Rock Zombie ! En se rendant au festival de Rock du même nom, elle réclamait sa dose de décibels, de bière et de violence et elle a été servie, au delà de ses espérances. A force de jouer avec les forces du mal, il fallait bien que celles-ci se manifestent pour de bon. Le Rock a transformé ces dégénérés en zombies, avides de sang et de chair fraiche. Du coup, la donzelle a dû exterminer tous ces monstres à coup de guitare électrique puis s’en est allé vers le soleil couchant, ses Doc’ piétinant avec indifférence les cadavres putrides.
C’était en 2005 et nous croyions être définitivement débarrassés de cette Virago. Mais Tanxxx a de la suite dans les idées et a décidé de la remettre dans le circuit avec un deuxième tome intitulé Faire danser les morts.
Encore plus de Rock et de zombies avec en prime, cette fois, de la couleur ! L’héroïne, de retour au bercail, s’aperçoit que toute la ville est infectée de zombies. Après avoir zoné quelques jours à la recherche de produits de première nécessité (bières, clopes et croque-monsieurs), elle va finir, pour tenter de venir à bout de ces créatures, de s’allier à une bande de mecs.
Ces derniers, en organisant des concerts Punk zombifiés, avec des groupes qu’ils ont réussi mettre de côté, ont découvert que l‘état de zombie n’est pas rédhibitoire et que la musique peut les ramener à la vie. Ça ouvre des perspectives. Le problème c’est que la musique écoutée majoritairement dans notre douce France, avant qu’elle ne soit infestée par les cadavres ambulants, cette soupe populaire servie à grandes louches par la caste dominante des flics et des banquiers n’a rien à voir avec le Rock bruitiste et libertaire prisé par la Punk et ses compagnons. Johnny Halliday (lui, avec la DHEA et la chirurgie esthétique, ça fait longtemps qu’il avait viré zombie) contre Unsane… la construction du nouveau monde idéal, c’est pas gagné.
On l’aura compris, ce deuxième opus bastonne encore plus que le premier. Un scénario plus étoffé, des dialogues pêchus et un dessin sous influence Comics trash, du vrai graphisme Rock. Le personnage de cette nana qui n’a froid nulle part et affectionne le Rock qui dépote est tout à fait de bon aloi par les temps qui courent. Et puis se payer la trogne du Belge défiscalisé, chais pas pour vous, mais moi, ça me met toujours en joie.
Avec Faire danser les morts, l’année 2013 démarre fort !

Just Gimme Indie Rock !

Dessins et textes : HALFBOB

L’avantage d’un blog, toujours en activité s’entend, c’est qu’on peut en causer n’importe quand sans donner l’impression aux branchés qui arpentent les voies les plus obscures du Web d’avoir découvert l’eau tiède. Alors que la relative jeunesse de mon bouquin et du site m’a conduit à chroniquer des œuvres qui avaient pas mal de bouteille (quoique toujours gouleyantes !), j’ai découvert récemment au dernier festival de Saint Malo (2012, Gimme Indie Rock ! © Half Bobje précise pour ceux qui liront cette chronique lors du prochain millénaire) l’opus de Mister Half Bob. De retour dans mon doux foyer, je suis allé voir de quoi il retournait sur la Toile. Le blog s’appelle Gimme Indie Rock ! dont les bonnes feuilles plus des inédits ont été édités en albums au titre éponyme (avec juste un Just devant pour le dernier paru en 2012)
Parlé-je ici de l’un ou de l’autre ? Des deux en fait et peu importe. Ce qui compte c’est la démarche de l’auteur qui dans sa finalité se rapproche pas mal de celle des sieurs Damprémy et Terreur Graphique dans La Musique Actuelle pour les sourds et malentendants, à savoir partager un gout immodéré pour le Rock branché et notamment underground, réservé aux initiés (ceux qui connaissent déjà et ceux qui vont connaître et donc rentrer dans le cercle).
Dans son blog, Half Bob illustre les affres de cette passion sans limite et livre en images ses coups de cœur, surtout et ses déceptions ou ses dégouts un peu. Autobiographie, autodérision et parodie sont régulièrement au gout du jour avec parfois une pointe didactique pour rappeler aux mécréants de quoi il retourne quand il s’agit de parler de groupes ou d’artistes dont la liste des aficionados tiendrait facilement sur un ticket de métro, cela même si les grands noms du Rock indépendant (Pixies, Nirvana, Dinosaur Jr, Smashing Pumpkins…) sont aussi évoqués. C’est dans la narration de grands moments de solitude du fan de Rock avec un dessin ultra caricatural qui en accentue l’effet comique, qu’Half Bob excelle tout particulièrement. On retrouve dans l’évocation de ces tranches de vie pas toujours glorieuses la même veine que Fabcaro avec son excellent Like a Steak Machine.
Au fil du temps, le blog, mine de rien, commence à constituer une petite encyclopédie du Rock indé dans laquelle on peut naviguer à loisir, grâce à un judicieux archivage alphabétique. De quoi découvrir plein d’artistes méconnus mais forcément géniaux si l’on en juge par l’enthousiasme avec laquelle l’auteur nous les présente. Rien que ça mérite bien qu’on aille y cliquer sans retenue, tout en feuilletant les pages du bouquin pour les plus dextres.

La chronique du premier tome, c’est par là et l’interview d’Half Bob, par ici

45 Tours Rock

Dessins et textes : Hervé BOURHIS

J’avoue qu’au début, je me suis dit : « Hervé Bourhis nous refait le coup du Petit livre Rock et du Petit Livre Beatles mais cette fois-ci il s’est pas foulé ». Avec ce nouvel opus qui reprend le format d’une BD classique, on est en effet loin de la densité des deux ouvrages précédemment cités. Cette sélection de 45 tours ayant compté dans l’histoire du Rock (au moins, on reste dans le même concept du calembour sobre pour ce qui est du titre) librement choisis par l’auteur ne risque-t-elle pas de souffrir la comparaison avec ses illustres prédécesseurs ?
Passé cette première réticence, je commence la lecture de la chose. L’approche est moins graphique que dans les Petits Livres… et beaucoup plus ordonnée. Contrairement au patchwork débridé dont l’auteur avait fait sa marque de fabrique, chaque page est ici bâtie sur la même charte graphique, strictement respectée : une reproduction de la pochette originale (un exercice de style que l’auteur apprécie particulièrement), sous-titrée par la genèse du disque, le tout encadré par deux strips, un vertical et un horizontal, qui offrent une mise en perspective de l’œuvre, émaillée de citations, d’anecdotes, de comparaisons avec d’autres groupes ou artistes ayant œuvré (ou plagié) dans la même veine et plein de petits clins d’œil humoristiques ou ludiques, autre pêché mignon de Bourhis.
Ça commence par Be-Bop-A-Lula et ça se termine par You Really Got Me. Un classement alphabétique donc mais qui n’interdit pas une lecture non linéaire que j’ai rapidement adoptée au fil des pages, en picorant au gré de mes humeurs. Et tout comme avec le Petit Livre Rock, j’ai retrouvé la même addiction. Il faut dire que la formule est sacrément efficace, imparable comme un bon vieux riff en trois accords. D’abord le choix de ces 45 perles est assez incontestable, car l’on y retrouve des classiques du Rock dans tous les styles du noble art. Ensuite, le ton, mélange équilibré d’érudition (sans pédanterie) et d’humour. Avec quand même une pointe de nouveauté apportée par une mise en couleurs qui sert parfaitement le graphisme sobre et dynamique de l’auteur, décidément l’un des plus à mon goût dans le petit monde de la BD Rock.
Avec ces 45 tours qui tournent à plein tubes, Hervé Bourhis ajoute une nouvelle pierre à son œuvre d’exégète graphique du Rock et l’on ne peut que souhaiter que ça dure.

Frank Zappa Comics Tribute

Dessins et scénario : Collectif

Pénétrer dans l’univers de Frank Zappa, c’est un peu comme de se lancer dans un marathon : si l’on n’est pas correctement préparé, on risque fort d’abandonner bien avant d’avoir trouvé son second souffle. Se confronter aux élucubrations sonores du génial compositeur nécessite d’avoir une culture musicale musclée à force de moult écoutes de rock progressif, de jazz, de blues, de musique contemporaine… entre autres ou à défaut de posséder une ouverture d’esprit large comme le Grand Canyon, sachant qu’être doté des deux peut au final s’avérer insuffisant.
Et pour évoquer en images l’œuvre protéiforme d’une des plus excentriques légendes du Rock, le point de vue de plusieurs auteurs est plutôt de bon aloi, d’autant que les collectifs en BD sont devenus monnaie courante, spécialement quand il s’agit illustrer l’oeuvre ou la vie de musiciens.
Sur le plan musical, Zappa était un explorateur et un aventurier infatigable. Sur le plan corporel, il attachait une importance particulière à sa moustache ainsi qu’à l’odeur de ses pieds. Sur le plan pathologique, il était un fumeur compulsif.
Ces caractéristiques essentielles de la vie de Zappa, auxquelles il faut ajouter un esprit libertaire sans concessions, ont inspiré les dessinateurs de cet effort collectif. Cet hommage à Zappa est ainsi fidèle à son œuvre et c’est sa plus grande réussite : foutraque, anarchique, irrévérencieux, original, inventif, parfois surréaliste au point de friser l’abscons (les mauvaises langues diront que c’est une contraction d’absolument con). Pas sûr néanmoins qu’il donne envie aux néophytes d’aller y voir de plus près. Pas grave, nous resterons de la sorte entre gens de bonne compagnie, n’est-il pas ?