Woodstock

Dessins et textes : Yukai ASADA

Ah ben y’avait longtemps. Un nouveau Manga Rock, avec un titre qui annonce d’emblée que l’on va faire dans le vintage et l’évocation révérencieuse (sont très forts pour ça les Nippons, le respect des traditions ancestrales, tout ça…) de la glorieuse époque des Sixties.
Même si le festival mythique de 1969 est évoqué au début, c’est avant tout de Punk et de ses icônes dont il est question ici. Gaku, le héros, est en effet un fan inconditionnel des Clash, Sex Pistols ou de Johnny Thunders, ce qui est déjà un poil plus original.
Jeune compositeur inspiré, excellent guitariste, Gaku fait le Buzz sur le Net avec son groupe, Charlie, dont il est le seul et unique membre (Tiens, ça me rappelle une de mes récentes chroniques, Cyril, si tu nous écoutes…). WoodstockEt bien sûr, le petit prodige, mignon tout plein, est un grand timide, surtout quand il est face à Shiina, belle batteuse de son état qui ne va pas tarder à percer le secret de ce jeune livreur qui ose à peine lui adresser la parole. Et dès lors, la demoiselle essaie de lui mettre le grappin dessus, musicalement du moins, dans un premier temps. Gaku fait aussi la connaissance de Machida, un nouveau collègue de boulot qui a lâché son groupe après avoir écouté un des morceaux de Charlie. Sauf que la timidité quasi maladive de Gaku ne simplifie pas les choses et qu’il est encore incapable de franchir le cap qui lui permettrait de fonder son groupe.
Refermé ce premier tome, une première remarque s’impose. Woodstock est bien parti pour faire une bonne histoire. Il possède tous les ingrédients qui font l’essence d’un bon Manga dont l’on ne se lassera pas, même après une vingtaine de tomes, avec des personnages attachants et bien typés, servi par un graphisme élégant, des rebondissements en pagaille, un peu de Pathos et en ce qui concerne le Rock, un petit côté didactique qui donnera aux jeunes mécréants un vernis de culture Rock de base et même un peu plus (le Woodstock japonais, vous connaissiez?) ainsi que peut-être l’envie d’en connaître plus sur le sujet et d’aller jeter un coup d’oeil dans la discothèque de leurs ancêtres.
Petit bémol cependant, qui pourrait en devenir un gros pour certains, c’est que Woodstock arrive un peu après la bataille, celle déjà menée par Beck, Fool on The Rock ou Bremen. Le jeune Zicos complexé qui rêve de venir une Rockstar, la love-story platonique, le line-up du groupe dont la finalisation va encore prendre des milliers de pages… Perso, j’ai déjà donné et j’ai envie de passer à autre chose. Cela dit, je ne peux déconseiller d’aller y faire un tour, avec le risque de tomber dans l’addiction que déclenche souvent ce genre de récit. En ce qui me concerne, j’attends le prochain Manga qui renouvellera vraiment le truc (paradoxalement, c’est justement dans Woodstock, l’une des principales qualités reconnues à Charlie par ses fans)… un nouveau Debaser ou Detroit Metal City, si vous voyez ce que je veux dire.

Detroit Metal City

Dessins et textes : Kiminori WAKASUGI

Lors des quelques concerts de Métal extrême auxquels il m’arrive d’assister, en regardant les membres du groupe, peinturlurés comme des zombies, les yeux injectés de sang, lever leur poignet hérissé de clous longs comme des aiguilles de porc-épic et faire le signe de Satan, la remarque formulée par ma douce et tendre en voyant pour la première fois l’un de ces gangs de clowns électriques me vient immanquablement à l’esprit : « N’oublie pas que tous ces mecs ont des mamans ».
Tout ça pour dire que si vous aimez le Death et le Black Metal, le bondage, Kiss, les pâtisseries, David et Jonathan et les mangas, peu importe dans quel ordre, vous devez lire Detroit Metal City. Au début du récit, tout semble normal : un trio de Death Metal, grimé et peinturluré avec outrance. Leur leader, Sôichi Negishi, chanteur et guitariste qui répond au pseudo de Krauser chante des textes d’une subtile poésie, invitant à la paix et la concorde entre les hommes. Les femmes sont des truies, les mères doivent être violées, les pères assassinés et le reste à l’avenant. Bref, la routine.
Sauf que Sôichi a un gros problème, c’est un jeune homme doux et sensible qui au fond de lui exècre ce qu’il fait et rêve en secret de jouer de la guimauve pour midinettes.
Incapable de se libérer de l’emprise d’une manageuse tyrannique et nymphomane et de la pression des autres membres du groupe, ce tendre et faible amateur de bleuettes, sitôt enfilé son costume et appliqué son maquillage, se voit contraint de jouer avec application son rôle de démon de l’enfer, sans pitié avec les concurrents qui osent essayer de rivaliser avec lui dans le registre de l’outrance et de l’obscénité. Cela donne lieu à des concerts-battle hauts en couleurs avec bondage, taureau, concours de crachats ou de « fuck » et moult simulation de sodomie, sous les yeux d’un public décérébré dont les commentaires feraient passer les journalistes sportifs pour des chroniqueurs littéraires.
Cette erreur sur la personne est le prétexte à des situations vaudevillesques, absurdes et schizophréniques pour le pauvre héros, condamné à l’imposture, tiraillé entre ses pulsions les plus bestiales et ses profondes aspirations romantiques, contraint de soigner son image de bête lubrique alors qu’il est encore puceau, et ne pouvant révéler à l’élue de son cœur son terrible secret.
Difficile de dire si Detroit Metal City est un récit original ou complètement débile, ce qui est d’ailleurs la question que l’on pourrait se poser pour nombre de mangas. Il est sûr en tout cas que son intrigue ne laisse pas indifférent et suscite tout de même l’envie de savoir comment Sôichi va se sortir du guêpier dans lequel il s’est fourré.
A noter que Detroit Metal City a fait l’objet d’une adaptation cinéma plutôt réussie, fidèle à l’esprit déjanté du livre.