Dessins : Jim RUGG – Textes : Courtney TAYLOR-TAYLOR
En 1977, environ, naissait le Punk anglais. Le DIY (allez, je suis sympa : Do It Yourself), l’anarchie dans la face de la Queen et le retour à un Rock pur et dur. Exit les vieilles rockstars bouffies et le progressif joué par des musicologues taciturnes, place aux révolutionnaires prolos, à crêtes et pinces à nourrice.
Oui, d’accord, mais 1977, ce n’est pas que ça. En Europe, commence à se révéler au grand public une nouvelle forme de musique qui a émergé depuis une dizaine d’années, une musique électronique, issue de machines, dont le mythique synthétiseur, à la technologie encore balbutiante mais qui permet déjà de créer des univers sonores totalement originaux. Les apôtres de cette nouvelle religion sont allemands et se nomment Tangerine Dream, Klaus Schulze et bien sûr Kraftwerk. Ils ouvriront la voie à toute une génération de musiciens électros qui encore aujourd’hui les citent en référence absolue.
1977, c’est aussi l’apogée outre Rhin d’un mouvement révolutionnaire d’extrême gauche qui passe de la parole aux actes et va commettre quelques attentats terroristes sanglants : La Fraction Armée Rouge, surnommée « La bande à Baader », du nom de son chef.
Courtney Taylor a porté longtemps en lui un récit qui ferait le lien entre ces deux mouvements. Bien qu’il soit leader des Dandy Wharols, dont la musique (appelons ça du Rock indé pour faire simple) n’a pas grand chose à voir avec le Krautrock, celui-ci a bercé son adolescence et constitue une influence qu’il revendique. Ainsi que l’expliquent très bien la préface et la postface du livre, il lui tenait à cœur de lui rendre hommage.
Même s’ils se produisent encore en marge des circuits officiels, Les One Model Nation sont un groupe dont la réputation commence à se répandre en Europe. Ils semblent promis à une grande carrière internationale. Le problème, c’est leur accointance avec le milieu révolutionnaire allemand. Gunnar, leur technicien, est un membre actif de la bande à Baader. En outre, Ulrike Meihnof, journaliste et elle aussi membre de la bande se trouve être la petite amie de Sebastian. Sauf que ce dernier, comme le reste du groupe, ne partage pas vraiment les idéaux de violence de ces relations encombrantes auxquels ils sont associés par les médias et la police et qui risquent de compromettre leur carrière musicale. Tous les ingrédients sont réunis pour que ces destins croisés se percutent dans des trajectoires convergentes mais inconciliables.
Le principal attrait du livre réside dans l’évocation de cette époque où, dans une Allemagne coupée en deux, foisonnaient de nouvelles formes d’expression musicale attirant des rockstars de tous poils en quête d’un nouveau souffle. Lou Reed, Iggy Pop et bien sûr David Bowie (sa fameuse trilogie berlinoise), qui apparaît dans le récit ainsi que Nina Hagen ou Klaus Nomi. Les membres de One Model Nation font immanquablement penser à Kraftwerk, à commencer par leur uniforme. Cependant le groupe présente un profil plus Rock que son illustre modèle notamment par la présence occasionnelle d’une guitare et d’une batterie et une présence scénique beaucoup plus forte.
En revanche, l’intrigue est assez confuse et les scènes se succèdent sans véritable trame narrative. Les personnages étant présentés de manière assez succincte, quand ils le sont, on a du mal à s’y retrouver. Surtout, les thèmes du lien entre révolution musicale et révolution politique et de l’engagement de l’artiste sont traités sans véritable mise en perspective. S’il est un excellent song-writer, Courtney Taylor maîtrise beaucoup moins bien l’art du Story-Telling. Il semble s’être perdu dans son intrigue à l’instar de ses personnages qui subissent les événements sans comprendre vraiment ce qui leur arrive. Au final, le livre pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Mais il mérite cependant le détour, par l’approche graphique, sobre et originale bien que parfois un peu raide, surtout dans les scènes d’action et aussi pour le regard personnel qu’il porte sur cette époque trouble et passionnante.