Britishs inconnus

Ils étaient bons, parfois géniaux et ils n’ont pas eu le succès qu’ils méritaient. Trop purs, trop bons zicos ? La faute à pas de chance ? Il leur manquait en fait l’essentiel : un tube, ce sésame auquel se résume parfois toute une carrière mais qui rend dérisoire celle qui en est dépourvue
On pourra aussi arguer que leur style, trop original (ou pas assez diront les rabat-joies) ne pouvait être catalogué de manière évidente dans un mouvement, une mode ou une chapelle, ce qui offre à ceux qui en font partie la gloire éternelle dans le sillage des grands prêtres du culte.
Ces Britons se sont contentés de composer d’excellentes chansons. Pas grave au fond, les connaitre permet d’avoir le sentiment d’appartenir à une élite.
Voici donc mon petit hommage perso aux Tommies inconnus au champ d’honneur du Rock.

– Woodentops : Leur musique s’inscrivait dans le courant New-Wave mais ce cocktail de Folk-Rock mâtiné de Punk était en fait inclassable. Qui prétend aimer le Rock anglais se doit de posséder Giant dans sa discothèque. Cet album est somptueux, tout simplement. Rolo Mc Geee était un frontman classieux à la voix chaude et sensuelle. Lors d’une émission des Enfants du Rock, ils avaient mis le feu sur le plateau avec Stop This Car sous le regard éberlué de Phil Manoeuvre. La grande époque. Ci-dessous, une de leurs chansons les plus emblématiques… mais elles le sont toutes.

– Gomez : Sur certains de leurs morceaux, ils ont tutoyé la grâce et ce dès le début de leur carrière avec Rythm and Blues Alibi. Mais après avoir produit de superbes albums, hors du temps, leur Folk-Blues s’est un peu essoufflé et ils ont, comme tant d’autres, mal négocié le virage vers une Pop plus accessible mais encore trop riche musicalement pour que le grand public les suive. Un beau gâchis. Mon album préféré est How We Operate avec son splendide titre éponyme.

– Reef : Découvert par hasard par l’entremise de la série télé anglaise Red Caps, sorte de NCIS britannique, dont un de leurs morceaux Set the Record Straight a été utilisé pour le générique. Un p’tit coup de streaming sur le Net et je découvre trois albums dignes d’éloges. Certes ils ont pas révolutionné le truc mais ils le jouent bougrement bien. Et quelle voix ! Premier morceau du premier album… tout est dit.

– Toy Dolls : Oubliez les Clash, les Sex Pistols, les Dead Kennedys, etc. Le plus grand groupe de Punk, ce sont eux. Pas de message mais du Rock’n Roll à l’état pur dans un esprit festif, clownesque et déjanté, à l’image de leur look et de leurs pochettes de disques. Et quelle énergie sur scène, deux hurluberlus montés sur ressort, un batteur carré et précis, le trio enchaînant à fond les manettes les hymnes de leur Punk épileptique et mine de rien très technique : Olga, le leader, est un guitariste prodigieux alignant avec aisance riffs supersoniques et solis furieux (mais jamais bavards) tout en assurant un improbable chant, aigu et infantile. Ci-dessous une longue vidéo avec tous les titres de leur troisième album. Enjoy…

Orange Goblin – Hellfest 2012

Cette année, je n’ai fait que la journée du vendredi au Hellfest. Peu de quantité mais de la qualité, avec d’excellents groupes, tels Atomic Bitch Wax ou Turbonegro et aussi des pointures comme Dropkick Murphys et bien sûr Megadeth (plutôt décevant, une prestation assez pépère et un gars Mustaine à court de voix).
Le coup de coeur de la journée, c’est Orange Goblin, un combo british qui récite son Stoner avec ardeur et conviction. Le Stoner, c’est le style Metal idéal pour un vétéran comme moi. Aux confins du Heavy et du Punk (Saint Motörhead, priez pour nos péchés), c’est pas dépaysant tout en permettant de rester branché.

Et donc ces quatre là envoient le bois de chauffe à la bonne température emmené par Ben Ward, un chanteur taillé comme un biker (j’irais pas lui dire qu’elle me plait sa sœur), avec un regard de serial-killer à qui l’on donnerait Satan sans damnation mais qui a l’air doux comme un agneau.
Le gratteux tient la baraque sur sa SG blanche (mon rêve) avec des riffs solides et des soli efficaces (et vice-versa) soutenu par une ligne rythmique irréprochable. Du Rock lourd et puissant, taillé pour un public fin et délicat

The Jim Jones Revue en concert

Ca commence par une affiche dans le métro. Malgré le speed dans le couloir, leurs tronches de bad boys et leur look vintage attirent mon regard et mine de rien réservent deux ou trois neurones dans ma mémoire. La mémoire c’est ce qui est utile à l’action a dit en gros Henri Bergson (j’me la pète et alors ?) donc quand la newsletter du Chabada m’informe de la venue du gang british dans ma bonne ville, je me dis qu’il est temps d’agir. Quelques visionnages youtubesques me convainquent de l’intérêt potentiel de la chose.

L’audience assez modeste confine le groupe dans la petite salle du Chabada. A la réflexion, c’est pas plus mal, cela donne une ambiance club, tout à fait appropriée à ce style de zique et ainsi j’ai pu étudier le phénomène de près. Car phénomène il y a. Un set incandescent asséné par une bande de mecs qui ont définitivement tout compris au Rock’n Roll, le vrai, celui des racines, de Little Richards, Jerry Lee Lewis et Chuck Berry dont ils recyclent tous les gimmicks avec un son et une approche Garage-Punk résolument actuels.
Le chanteur assure le show avec professionnalisme, décontraction et une pointe de dandysme, le petit pianiste s’échine comme un diable sur son clavier, le lead-guitar à la trogne de docker brandit son instrument vers le public comme un étendard tandis que le bassiste échalas et le batteur cogneur tiennent la baraque sans mollir… Un pur moment de rock’n roll !
Leur album est un vrai best-of qui mérite de siéger dans la discothèque de tout fan de Rock qui se respecte et en ce qui me concerne, il est mon coup de coeur de 2011.

Lemmy – Le Film

LEMMY

Il est né le 24 décembre 1945. Il porte des santiags par-dessus ses jeans, un stetson coiffant des cheveux longs. Des rouflaquettes bien fournies rejoignant une paire de moustaches ornent son visage buriné. Il joue de la basse comme un guitariste rythmique avec cet inimitable son crade et râpeux. Sa voix monte dans des aigus rocailleux du haut desquels il contemple le public déchainé qui hurle les paroles de ses chansons et dont il pourrait en majorité être le grand-père.
En matière de drogues, il a tout essayé ou presque et Jack Daniel’s devrait lui ériger une statue. Il est passionné par les deux guerres mondiales dont il possède une collection impressionnante de dagues, de baïonnettes et autres babioles contondantes.
Il fait partie de ces patriarches du Rock qui inspire le respect à toutes ses chapelles et notamment l’église du Métal car Lemmy Kilmister est le leader de Motörhead… et il joue du Rock’n Roll.

Dans ce documentaire sobre, on pénètre dans le quotidien de Lemmy. Une vie assez ordinaire en dehors de la musique, passée au troquet en jouant aux machines à sous. On y découvre quelques ingrédients de la légende qu’il est devenu et on perce un peu le mystère d’un personnage qui n’a en fin de compte rien d’énigmatique.
Plus surprenant, on découvre un personnage attachant, un pote fidèle et aussi un père. Et surtout, on a devant les yeux un morceau de l’histoire du Rock, roadie (et dealer) de Jimi Hendrix avant de devenir le bassiste d’Hawkind dont il se fait virer avant de créer Motörhead, groupe mythique et pierre philosophale du Rock lourd.
Lemmy se raconte avec pudeur et franchise et à l’instar des quelques autres grandes figures du Rock qui sont présentes dans cet excellent documentaire, on est fasciné par ce Rocker d’exception dont on déguste la musique puissante et sans concession à grandes rasades de décibels saturés, comme un vieux bourbon hors d’âge.

Un lien vers une interview des auteurs du documentaire.

Mort de Bunny Monro

Un roman de Nick CAVE

Nick Cave est un artiste à part dans le milieu du Rock. Une personnalité et une voix hors norme et une musique indéfinissable aux confins du Blues, du Folk, du Post-Rock, du Gospel, du Punk et du Je-Ne-Sais-Quoi-Wave… de toute façon, ça change à chaque album. Romantique, caverneux, peu accessible à la première écoute. Pas le genre à faire des tubes, il fait plutôt dans le chef-d’œuvre pour initiés. Quand on voit ses concerts, sous son nom et encore plus avec Grinderman, il est facile de se dire que le mec est complètement barré.
Ce brun ténébreux échappe en fait à toutes les classifications mais ne laisse pas indifférent. Alors quand on apprend que l’homme s’adonne aussi à l’écriture, ça donne envie d’y jeter un coup d’œil. Pas vraiment surprenant de retrouver dans ce roman (son deuxième) tout ce qui caractérise sa musique, cette désespérance, cette noirceur, ce souffle épique et aussi une certaine esthétique de la déglingue.
Alors voilà (comme dirait ce vieux Serge), Monro est, comme dans la pièce Mort d’un commis voyageur, un représentant de commerce. Mais contrairement au héros créé par Arthur Miller, c’est le genre VRP en goguette, dans une version bien plus rock’n roll que les aficionados du Ricard-Suze bien de chez nous.
Bunny Monro est un vendeur de produits cosmétiques, plutôt doué. Sauf que c’est un poivrot et, comme son prénom le suggère, un obsédé sexuel, téléguidé par sa queue. Un Dom-Juan de motel dont les galipettes éphémères ont conduit au suicide de sa femme, le laissant seul avec son fils de neuf ans, un brin autiste qui ne lâche jamais son encyclopédie. Il va s’engager avec ce dernier dans un road-movie autodestructeur dont le titre du roman et la première phrase ne laissent aucun doute sur le dénouement. L’intrigue est glauque et poisseuse comme des traces de bourbon laissées sur la table basse. Malgré la dimension pitoyable et pathétique de son personnage, Nick Cave parvient malgré tout à lui conserver un semblant d’humanité, par l’entremise de cet enfant non désiré auquel il voue un amour sincère et maladroit et qui lui offre une sorte de rédemption au bout de sa déchéance.
L’écriture est sans fioritures, tranchante comme un thème de guitare à la saturation crasse et noisy, complètement en accord avec l’intrigue de cet homme à la dérive, incapable de surmonter ses addictions.
Avec ce roman, Nick Cave ajoute à son talent de song-writer celui d’un véritable écrivain, fidèle à son univers à l’esthétique morbide et tourmentée.

Rock First – Nouveau magazine Rock

Aux premiers âges de Rock & Folk, l’une des rubriques du vénérable magazine s’intitulait EruditRock. En réponse aux questions des lecteurs, on y relatait la carrière d’un groupe ou l’on disséquait sa discographie. C’était parfois un peu aride, un brin professoral mais jamais rébarbatif et parfois franchement passionnant.
Plus tard, à la fin des années 1980, la première mouture des Inrockuptibles, dans un format mensuel, faisait la part belle à des interviews au long cours permettant aux intéressés d’ouvrir la boîte aux souvenirs et parfois de régler leurs comptes avec leurs anciens comparses.
Après, j’avoue que j’ai un peu lâché l’affaire mais je gardais toujours un œil sur les petits nouveaux dont beaucoup ont fait long feu. Puis le nouveau millénaire a vu l’éclosion des magazines musicaux spécialisés par genre.
Et Rock & Folk, toujours là, se contentant de gérer le truc, d’entretenir la flamme mais devenu une institution. Un petit CD de temps en temps, des interviews syndicales et cette propension énervante à s’extasier avec la même jubilation béate pour les groupes de stade et le dernier combo franchouillard sans personnalité et sans avenir. Deux heures de TGV et on peut laisser l’objet sur son siège avant de sortir de la rame.
Enfin bon, qu’un magazine comme Rock & Folk existe encore après plus de 45 années d’existence est en soi un petit miracle. Qu’il y ait encore, à l’époque de l’Internet, du Streaming, du MP3 et autres prouesses technologiques ouvertes à tous, des magazines de Rock, est un miracle encore plus grand.
Et qu’un magazine de Rock arrive à renouveler le concept, là, c’est carrément Lazare qui multiplie les pains en marchant sur l’eau.
Car en vérité, je vous le dis, Rock First a trouvé la formule qui manquait terriblement à la presse Rock, depuis… ben, depuis qu’elle existe en fait. Rock First, est un condensé d’encyclopédie, une plongée dans les archives de la grande histoire du Rock. Retour sur la carrière de grands noms au travers de rétrospectives complètes ou de périodes décisives, de genèses d’un album culte (ma rubrique préférée), de discographies sélectives, biographies de grands instrumentistes. C’est richement documenté, ça fourmille d’anecdotes (genèse d’une pochette, origine d’un nom de groupe…), le bonheur.
Mais pas que car on y trouve aussi des interviews de plus de cinq questions, des chroniques d’albums, judicieusement classées par style et plein de petites rubriques réjouissantes, comme les 20 ou les 30 meilleurs xxx, le tout servi par une maquette particulièrement bien conçue et qui donne envie de se plonger dans la lecture du moindre petit encart.
On sent une envie de partager cette passion pour le Rock et de s’adresser aux vrais fans avec qui s’installe comme une forme de connivence. Et pour ça, rien de mieux que de replonger aux racines. Ca remet les choses en perspective en relativisant les buzz un peu trop vite montés en épingle que d’autres dégainent à longueur de manchette et ça crédibilise les avis donnés sur les petits nouveaux.
Puisse Rock First garder longtemps cette fraicheur et cette richesse.
Juste un reproche, les gars mais ça restera entre nous : à chaque numéro, j’ai l’impression de rien n’y connaître en Rock et ça c’est vraiment humiliant.

Lien vers leur page Fessebouc

Batteurs fous

Depuis que mon deuxième schtroumpf fait de la batterie, je m’y intéresse de près, forcément. Plutôt que les gros monstres techniques, toujours lassants à la longue, je préfère les joyeux allumés de la baguette. Et donc, sur le podium :

Numéro 3 : Les Suédois, c’est pas des gens comme nous…

Numéro 2 : Culte et incontournable :The Animal, en chair et en poils

Numéro 1 : Médaille d’or toutes catégories. Ce type est une star !

Skip The Use – Concert

Le Chabada, 24 mars 2012

Bon, j’avoue, j’ai pas encore vu Shaka Ponk en live mais dans le genre grosse claque sur scène, je crois qu’il va y avoir compète.
La douceur angevine, ça permet de passer des hivers pas trop rudes et des étés supportables mais dans les concerts, ça donne plutôt des auditoires adeptes de l’applaudissement poli. Skip The Use a fait échec à cette réputation en faisant bouger toute une fosse encouragée par les figures de style imposées par le gars Bastard.
Question son, à part, une gratte à mon goût un petit poil trop en retrait (certes, ça reste fidèle à l’excellente production de l’album mais en public, c’est sympa de pousser un peu les potards) c’était nickel.
Les mecs en place, péchus, heureux d’être là, emmenés par leur leader monté sur ressort. (ci-dessous un petit aperçu de début de concert).

Car comme toujours, ça passe par un frontman de haut niveau. Mat Bastard, sur ce plan, c’est le top. Évidemment on pense à Marco Prince de Triple F mais, je crois que là on passe un cran au dessus, comme dit l’intéressé quand il dicte ses quatre volontés à une salle conquise, docile et surexcitée.
En plus, le gars possède cette qualité rare de savoir jouer avec le public, le charrier juste ce qu’il faut pour le faire marrer sans tomber dans la vanne foireuse, le faire participer sans tomber dans un Jacadi convenu et faire monter la température aux bons moments.
Et puis, détail qui tue, un chant en anglais libéré de ce putain d’accent frenchy qui plombe le truc et qui a trop souvent fait passer les meilleures intentions hexagonales pour des groupes de baloche.
Au passage, ça me gonfle de voir pointer ça et là, les comparaisons avec Bloc Party. Parce que le chanteur est black ? OK, la voix, y’a parfois dans certaines intonations un petit air mais sinon difficile d’assimiler la pop post new-wave des Britons avec l’électro power pop des Lillois. Et niveau jeu de scène, carrément rien à voir, en kilomètres parcourus et litres de sueurs versés, les susdits Britons peuvent aller se rhabiller sans prendre une douche à la fin du concert.
Ce genre de prestation et de groupe (Phoenix, Shaka Ponk, Hush Puppies…) laisse à penser que le Rock français rattrape petit à petit son retard sur les anglo-saxons et pas que dans le domaine de l’électro hypnotico-rengaine. Encore un effort pour arriver à se débarrasser de l’étiquette French Touch et parler tout simplement de good stuff, sans plus se soucier du béret et de la marque des lunettes de Johnny.

Rock’n Pylône

La comparaison avec AC/DC est lourde à porter mais les gars d’Airbourne l’assument complètement et en concert, ils se la donnent comme il faut. Au Hellfest 2010, vlatipa que le gars O’Keefe se prend soudain pour feu Patrick Edlinger. Frisson dans le public, solo aérien et pur moment de Rock’n Roll. Bon, j’ai su après que c’était pas la première fois qu’il faisait le coup mais n’empêche, c’était foutrement impressionnant. Et hop, encore un souvenir de concert à raconter à mes petits-enfants.

Sallie Ford

Avec une voix hors d’âge, profonde et gouailleuse, cette binoclarde amerloque, au look de standardiste stagiaire version 50’s, possède une sacrée personnalité. Un subtil mélange de Country, de Blues et de Folk qui sonne pourtant très moderne. Elle et son groupe ne ressemblent à rien mais Lady Gaga n’a qu’à rentrer faire cuire ses quartiers de viande, la vraie excentricité, elle est là. A écouter sur une botte de foin après avoir repeint la clôture.