Dessins : Stéphane OIRY – Textes : APPOLLO
Dans la carrière du fan de Rock, l’adolescence est sans doute la période la plus déterminante. Celle des premiers émois amoureux et des premières révoltes contre toutes les figures imposées de l’âge adulte et tout ce qui empêche d’être ce que l’on voudrait être sans d’ailleurs en avoir une idée vraiment précise. Et pour ces deux apprentissages, le Rock fournit un mode d’emploi idéal, provocateur et transgressif.
Cette époque de tous les possibles est ponctuée de quelques moments décisifs, de ceux où il faut bien se confronter à des choix que l’on n’a pas forcément envie de faire. C’est cette part d’enfance qu’il faut se résoudre à tuer, quand on découvre qu’il sera définitivement impossible d’avoir tous les jouets dans la vitrine.
Au milieu de ça, le Rock dispense une part de certitude à laquelle on peut toujours se raccrocher quand le cœur bat la chamade et que l’abîme insondable de l’avenir donne le vertige. Un disque qui tourne en boucle sur la platine, un concert qui laisse les tympans en vrac et l’échine en sueur et l’angoisse du lendemain s’estompe pour un court instant.
Une vie sans Barjot parle un peu de tout ça. Le récit se déroule en une nuit, la dernière des vacances, les dernières vacances après la dernière année de lycée avant que Mathieu ne parte le lendemain pour suivre ses études à Paris, loin du confort de sa ville de Province (Nantes, en l’occurrence dont est originaire Stéphane Oiry).
La perspective de cette nouvelle vie angoisse Mathieu, d’autant qu’elle risque de lui faire perdre la trace de Noémie. Cette dernière est la bassiste des New Girls et joue ce soir-là au Bateau Ivre. C’est depuis ce lieu au nom évocateur, à l’issue d’un concert de Death Metal, que le héros va entamer un long périple à la recherche de sa Dulcinée qui lui a donné rendez-vous à la soirée chez une copine… dont il ignore l’adresse. Mathieu va se lancer dans cette quête au cours d’une errance nocturne, une Odyssée rimbaldienne émaillée de sexe, parfois un peu glauque, de drogue, juste ce qu’il faut, et bien sûr de rock’n roll. Son chemin va croiser toute une série de personnages sublimes ou dérisoires, de ceux que l’on a tous connus au lycée.
Et parmi eux Barjot, fil rouge de l’intrigue, le copain zarbi dont on n‘arrive pas à se défaire et qui derrière le masque de clown foireux, cache une personnalité qu’on ne soupçonnait pas. Barjot, c’est le Godot qu’on n’attend plus mais dont l’existence est un vrai repère dans l’existence de Mathieu.
Une vie sans Barjot est un récit romanesque passionnant, d’une justesse et d’une modernité irréprochables, la fresque d’une jeunesse urbaine tout aussi flamboyante que désabusée à la recherche d’un temps qu’elle sait perdu d’avance et qu’elle essaie de retenir tant qu’elle peut, avant qu’il ne lui file entre les doigts.
Avec le recul, ma BD préférée de l’année 2011.
L’interview de Stéphane Oiry, c’est ici.