Dessins : COLLECTIF – Textes : Vincent BRUNNER
On peut penser ce qu’on veut de Rock Cartoon, paru en 1990 et réunissant pour la première fois, sous la houlette de Philippe Koechlin, pilier de Rock & Folk, un assortiment pas toujours très bien choisi des meilleurs albums du gratin du Rock, chacun illustré par un auteur de BD différent, parfois issu de la bande de Métal Hurlant (Margerin, Sire et consorts) mais pas que. L’objet était beau, le résultat était graphiquement plutôt réussi mais le propos était un peu court, tant du point de vue du Rock (une chronique sommaire de l’album sélectionné) que de l’approche BD : quelques cases, certes parfois superbes, telles celles de Solé ou Sire, mais tout ça laissait un peu sur sa faim. N’empêche qu’un genre était né en BD, que l’on pourrait désigner, pour faire simple, sous le vocable de Collectif musical.
Restait à affiner le concept. Vingt ans plus tard, sort Rock Strips. Avec la même formule que son aîné, à savoir d’une part un rédactionnel, assuré par un journaliste de Rock confirmé, Vincent Brunner, rejeton de Rolling Stone, et d’autre part une suite de chroniques illustrées mais cette fois allant un peu plus loin qu’un simple exercice de style.
Pour commencer par le début, Rock Strips reprend le procédé de Rock Cartoon d’une couverture clin d’œil à une pochette d’un album mythique. Fred Beltran avait revisité « Sgt Peppers », Rock Strips quant à lui détourne le « Cheap Thrills » de Janis Joplin illustré par Crumb, un kaléidoscope composé de visuels issus du bouquin qui annonce la couleur : On va causer de Rock, les gars mais on va aussi vous donner de la BD.
Autre point commun du petit nouveau avec son glorieux aîné, la dénomination facile et un peu trompeuse d’histoire du Rock en Bande Dessinée. De démarche historienne, il n’est pas vraiment question hormis le classement chronologique, mais pas de thématique ni de vrai fil conducteur. Et au fond tout ça n’est pas très important, car hormis ce détail, Rock Strips reprend le flambeau là où Rock Cartoon l’avait laissé mais offre cette fois aux amateurs de Rock comme de BD plus de grain à moudre.
Déjà, un vrai rédactionnel. En deux pages, Brunner fait le tour de la question, envoie une playlist, une discographie sélective bien (res)sentie et laisse la place à l’image.
Ensuite et donc, de la vraie Bande Dessinée, une trentaine de récits de six planches. Evidemment, on y trouvera un peu de tout, selon la sensibilité du dessinateur (parfois épaulé par un scénariste), de l’évocation conceptuelle (absconse ?) à l’hommage un peu béat mais avec de vrais morceaux de bravoure, dramatiques (le Johnny Thunders crépusculaire de Oiry) ou humoristiques (Nirvana par Bouzard, AC/DC par Brüno). Globalement, le contrat est donc rempli : une anthologie plutôt qu’une histoire où la BD investit le Rock et lui dresse quelques portraits graphiques qui démontrent que les deux peuvent décidément faire bon ménage.
Evidemment, Rock Strips présente les inconvénients inhérents à tout ouvrage collectif : en premier lieu une qualité inégale, certains chapitres étant moins réussis que d’autres et même si cela dépend des goûts, il manquera justement l’unité de ton et d’approche qu’offrirait la vision d’un seul dessinateur, même si les textes de Brunner apporte quand même une cohérence à l’ensemble. En contrepartie, tout le monde pourra y trouver son compte et en l’occurrence, le niveau moyen reste de bonne facture tant par la qualité graphique que par l’implication et le plaisir que tous ces dessinateurs ont visiblement pris à se livrer à l’exercice.
On pouvait aussi faire le reproche au premier tome de Rock Strips d’avoir délaissé quelques grands noms du Rock mais le second opus est venu en grande partie réparer les oubliés du premier et laisse (peut-être) augurer une série au long cours que l’on aurait plaisir à voir s’éterniser.