Dessins : Christophe DUBOIS – Textes : Rodolphe
Au commencement étaient la Country, le Folk et le Blues. Et puis, dans les années 1950 un Prophète est arrivé, il s’appelait Elvis. Il a vite rallié de nombreux disciples comme Chuck Berry, Little Richard, Gene Vincent ou Buddy Holly et ensemble, ils ont créé une nouvelle religion : le Rock’n Roll… et laissé le Diable entrer dans les chaumières, via les postes de radio, dans les esprits d’une jeunesse naïve et corruptible.
Parmi ces adeptes touchés par la grâce divine… ou diabolique, si vous préférez, il y a Hank, un jeune homme qui vit dans une ferme à Hazard, dans le Kentucky, avec son père, ses trois frères et sa sœur. Dans ce bled moche où il fait toujours chaud et où il ne se passe rien, Hank trompe l’ennui en jouant de la guitare dans les fêtes locales et en composant des chansons… de Rock’n Roll évidemment.
Le récit débute à la gare de Hazard où Hank taquine la guitare en attendant la nouvelle membre de la famille : Mary-Barbara, diminutif Barbie, venue rejoindre Bram, le frère aîné qu’elle a épousé pour se sortir de sa congrégation pour filles paumées.
Dès le début, on devine que l’arrivée de cette fille superbe qui n’a pas froid aux yeux, entre autres, va bousculer le quotidien monotone de cette famille de farmers, en apparence traditionnelle et cependant très atypique : Hank qui rêve de devenir une Rockstar, son père taciturne à la violence refoulée, Eddy un frère cadet délinquant, Evy une sœur autiste… et une mère, qui n’est plus là, et c’est d’ailleurs l’une des clés de l’intrique.
Les ingrédients sont ainsi réunis pour que les événements prennent une tournure dont tous les protagonistes ne vont pas sortir indemnes.
Si vous pensez que tout ça est ultra classique, vous avez tout bon et c’est justement l’une des grandes forces de cette chronique de famille américaine rurale, sur fond de naissance du Rock’n Roll avec un touche de Polar. Qu’il s’agisse de l’intrigue, de la psychologie des personnages, du scénario, jusqu’à sa conclusion, du dessin et donc de l’ambiance musicale, on est dans le pur classicisme. Et cela colle parfaitement à la thématique et à l’ambiance de l’album, ce qui donne au final un récit très cohérent et assez immersif.
Rien d’étonnant quand on se penche sur le CV du scénariste. Rodolphe est un vétéran de la BD qui officie sans relâche depuis 1979, alors qu’il avait presque 30 ans. Je vous laisse faire le calcul… Sa bibliographie est impressionnante. On peut citer Les Écluses du Ciel, Mary la Noire, L’autre Monde, Pump. S’agissant de récits autour de la musique, il est l’auteur de Outsiders, Mojo, Rockstar (dans la série Le Village) ou J’ai tué Lennon. C’est donc un fin connaisseur et amateur de Rock classique et cela se ressent inévitablement dans Rockabilly où le contexte de cette révolution musicale, qui va changer les USA, y compris les coins les plus reculés comme Hazard, est bien restitué, au service d’un récit bien mené.
Christophe Dubois est quant lui le dessinateur du Cycle d’Ostruce, un récit assez original de Steam Punk mâtiné d’Héroïc Fantasy se déroulant pendant la révolution russe. Il est d’ailleurs remarquable de voir comment son dessin a évolué dans Rockabilly, puisqu’on est sur un graphisme très réaliste et maîtrisé, qui fait un peu penser à du Gibrat. Qu’il s’agisse des scènes de violence, d’intimité ou bien sûr de musique, le trait précis et les couleurs directes nous plongent dans l’Amérique profonde des 50’s. On ressent la moiteur du climat, des corps et des âmes et cette atmosphère oppressante, annonciatrice d’un dénouement dramatique mais pas forcément inattendu, surtout si l’on est féru de thrillers.
L’épilogue viendra rappeler opportunément que le Rock’n Roll reste plus fort que tout et peut faire oublier les moments les plus pénibles et retrouver « la banane », (c’est nul mais c’est offert par la maison !).
En résumé, avec Rockabilly, vous ne serez peut-être pas surpris, mais vous ne serez pas déçus.
Follow