Dessins : Søren MOSDAL – Textes : Jacob ØRSTED
C’est cool d’écouter du Rock. Ça permet de rester branché, éternellement jeune et tout en rigolant à la lecture dans Télérama (j’assume mon côté obscure) d’une énième interview hagiographique du pseudo patron belge du Rock francophone détaxé, d’avoir la confirmation que l’on appartient définitivement à une élite. Et quand en plus, on a la modeste prétention de tenir un blog sur le sujet, on se lance avec conviction et empathie dans la lecture des péripéties de ces trois cousins danois dont le héros central s’escrime lui aussi sur la toile pour promouvoir le binaire primaire. Au bout de quelques pages, on commence à se raviser sur la pureté et la noblesse de nos intentions. Non, sérieusement, est-ce que par hasard je ressemblerais pas un petit peu à ces trois foireux ?
Faut dire que ces Pieds-Nickelés scandinazes (allez, celle-là, elle est pour moi, non, vraiment, ça me fait plaisir) forment une belle brochette de fans attardés, entre Charley, l’intello blogueur binoclard à la libido torturée, Mickey, le nabot alcoolique et parasite et Bob, rocker à bananes, adipeux et bas du front.
Charley, quadra célibataire, traîne dans les clubs Rock underground de Copenhague, à la recherche de la perle rare, musicalement et affectivement mais dans les deux domaines, ses démarches s’avèrent assez laborieuses. Sa dégaine de dandy intello le distingue pourtant du lot mais sa timidité et sa naïveté s’avèrent à peine moins handicapantes que la présence encombrante et fortement alcoolisée de ses deux comparses, notamment Mickey, toujours en quête d’un bon plan foireux.
Cette plongée potache dans le milieu de l’Indie Rock danois est prétexte à des situations drolatiques et parfois surréalistes, mettant en scène des personnages déjantés, une faune comme seul le Rock peut en produire. On n’est pas très loin de l’esprit d’un Peter Bagge, dans En route vers Seattle. Le trait acéré de Mosdal brosse des trognes bien freaks, (telle la tronche de mante religieuse de Charley, très réussie) qui servent parfaitement le récit et l’ambiance particulière de ce milieu Rock branché, ici caricaturé avec pas mal de dérision, grâce aux frasques de Mickey et Bob, lourdingues et ingérables.
Rockworld compile des récits parus dans le fanzine Turkey Comix et qui méritaient bien d’être édités dans ce livre à l’aspect sobre et raffiné, comme l’humour qu’il recèle.
Même si cet opus venu du froid sera sans doute plus goûté par un public averti, familier des subtilités du Rock underground, avec ses codes et ses clichés (auxquels il est fait abondamment référence), il pourra tout de même être apprécié en tant que tel pour ce qu’il est avant tout, une BD d’humour offrant une note rafraîchissante et un ton décalé. (Mine de rien, je commence à maîtriser le dialecte Télérama !)