Dessins : Boris MIRROIR – Textes : JAMES
Le gag est sûrement l’exercice le plus difficile de la Bande Dessinée. Je parle bien sûr du gag qui fait rire et quand on voit le niveau moyen de la production, ça n’a rien d’un pléonasme.
Pour un Franquin, combien de … (rayer la mention inutile). Ce dernier était un maître dans le domaine. Même si les premiers gags de Gaston en une demi-page ne sont pas mes préférés, moins virtuoses et moins inventifs, ils ont justement cette qualité tant au niveau du graphisme que du scénario d’aller à l’essentiel. Faire marrer en une demi-douzaine de cases et au pire garder les zygomatiques du lecteur en éveil, c’est du grand art. De nos jours, peu y arrivent. Diego Aranega avec son Victor Lalouz fait partie de ceux-là, avec une originalité : l’enchainement des gags raconte une histoire ou du moins marque une progression narrative.
Avec Backstage, Fluide Glacial, qui depuis peu s’est lancé dans la BD Rock, comme en témoignent l’arrivée de Lucien dans le catalogue ou les deux collectifs consacrés respectivement aux Beatles et aux Rolling Stones, reprend cette formule de la narration gaguesque (je dis c’que j’veux !) en 6 cases.
Et en l’appliquant au Rock, Fluide inaugure même un nouveau genre, le biopic en gags. Et tant qu’à faire, on tape dans le gratin avec les Rolling Stones. Cette succession de strips retrace dans ce premier tome, les premières armes de Little Boy Blue and the Blue Boys, le patronyme originel des Pierres (on regrette pas qu’ils aient changé). James, déjà rompu, en tant que dessinateur, à l’exercice du gag en 6 cases avec l’excellent Amour, passion & CX diesel (toujours chez Fluide), prend ici les rênes du scénario, Boris Mirroir assurant le dessin.
Si la plupart des gags sont efficaces et pour beaucoup d’entre eux franchement bidonnants, ce n’est pas qu’un simple délire potache dans la plus pure tradition fluidesque mais bien une véritable biographie détournant les grandes étapes et les petites anecdotes réelles ou supposées comme telles, car entrées dans la légende, qui ponctuent la carrière des Stones. La rencontre de Jagger et Richards sur le quai de gare, les cendres du Hamster de Richards, le pudding de la mère de Jagger et le thé de celle de Richards, les balbutiements du jeu de scène de Jagger, l’hypocrisie envers les premiers partenaires, tout y est. De l’humour décalé et flegmatique, so british, et des personnages dont les auteurs exploitent à merveille les travers, tels le côté calculateur de Jagger ou les penchants addictifs de Richards, sans pour autant négliger de rendre hommage à leurs qualités de musiciens.
Les auteurs ont mis au point des dialogues et un style graphique astucieusement caricaturaux (Mirroir revisite savoureusement les coupes à la garçonne ou la lippe de Jagger) tout à fait en rapport avec leur sujet. C’est drôle mais c’est crédible, tant les modèles originaux, en multipliant les outrances tout au long de leur carrière, nous ont habitué au grand n’importe quoi.
On n’en est qu’au premier tome, les Stones n’ont pas encore choisi leur nom, Jones, Wyman et Watts manquent encore à l’appel mais on a hâte de voir comment les auteurs vont s’emparer des chapitres les plus célèbres de la saga stonienne.
En attendant, le flambeau de Franquin brûle toujours et en plus maintenant, il joue du Rock’n Roll.