Dessins : TERREUR GRAPHIQUE – Textes : Jack DAMPREMY
A ceux qui pensent sincèrement que des groupes comme U2 font partie des plus grands groupes de l’histoire du Rock, sans forcément déconseiller la lecture de ce livre, on adressera quand même un avertissement courtois mais ferme : vous risquez de découvrir (ou du moins d’entrevoir) des trucs et Dieu sait que les révélations sont parfois douloureuses à ceux qui vivaient jusqu’alors dans l’obscurité.
Et en parlant d’obscurité, on est justement en plein dedans. Tindersticks, Daniel Johnston, Richey James… ça vous dit rien ? Tant pis pour vous ! Car la démarche de La Musique Actuelle pour les sourds et malentendants (je le cite in extenso une fois, mais n’y revenez pas) est de parler des contrées sombres et farouches de l’underground, celui des vrais branchés, aficionados revêches et obstinés de groupes ou d’artistes dont le fan club pourrait tenir sans problème son assemblée générale dans une piaule de cité universitaire (ou une chambre de bonne parisienne pour les plus aisés).
En une suite de chroniques débridées et délurées, tant dans le propos que dans le graphisme, sont évoqués ces rockers émancipés, apôtres d’un Punk intello, d’un Rock noisy, d’une Pop désabusée, d’une Soul dilettante, d’un Electro déphasé… en fait, il suffit de mettre un Post devant chaque style.
Comme pour la musique, la lecture de la BD actuelle (non, je dirais pas « nouvelle » !) requiert une éducation de base et un minimum d’ouverture d’esprit, ça n’est pas donné à tout le monde. L’approche n’est pas sans rappeler celle d’un Jean-Christophe Menu, le ton pédagogique en moins. Les plus érudits auront ainsi la confirmation qu’ils appartiennent bien à l’élite des amateurs de Rock et les autres s’offusqueront de ne pas en faire partie, soit par jalousie, soit par dédain.
Pourtant, on ne pourra reprocher à La Musique Actuelle son élitisme. Certes, les jugements sont définitifs et les sentences prononcées à l’encontre du Mainstream irrévocables (mais souvent fondées). Mais, à moins d’être complètement ignare, on n’y parle pas exclusivement d’illustres inconnus dont les ventes ont l’élégance de ne pas dépasser les quatre chiffres, et ensuite et surtout parce que tout ça est quand même le prétexte à raconter des conneries. L’humour est ici gras, provocateur, libidineux, ostensiblement de mauvaise foi mais non dénué d’autodérision. Le postulat est bien celui adopté par tous les accrocs du binaire primaire : parler inlassablement de ce qui les fait remettre un nouveau disque sur, ou à la rigueur dans, la platine (on évitera de parler de MP3, nous sommes entre gens distingués) et d’aller galérer dans les concerts pour y traquer la nouveauté, la perle rare. La volonté de partager ça est évidente, sinon, ben, les auteurs n’auraient pas fait le bouquin. Ironie suprême, l’auteur vient de récolter le prix coup de cœur du festival Quai des Bulles de Saint Malo. En route vers la gloire et le Mainstream ?