Dessins et textes : Fabien TOULMÉ
Quand on a le même prénom qu’un ancien roi des Belges, au passé qui, bien qu’un peu trouble, n’évoque guère la folie et les outrances d’une vie de Rockstar, on se traîne quand même un sacré handicap quand on caresse l’espoir de devenir un guitariste professionnel. Et quand le Baudoin de ce récit est confronté au choix de son projet de vie, ce patronyme sonne déjà comme une mauvaise excuse.
Dès le début, on devine, qu’en dépit des posters des groupes phare des années 1970 décorant sa chambre, ce faux adolescent attardé mène une vie d’adulte au quotidien déprimant. Malgré un job bien payé de juriste dans une grosse boîte parisienne, le quotidien métro-boulot-dodo a éteint ses rêves musicaux. Baudoin bosse comme un âne, sous la coupe d’un supérieur tyrannique. Une bonne vie de merde qui d’emblée se révèle forcément prometteuse pour la suite. Et l’on n’est pas déçu quand Luc, le frère de Baudoin, débarque dans sa vie à l’improviste, en transit entre deux missions pour Médecins sans frontières. Antithèse de son frangin timoré, Luc est un winner qui avance dans la vie au gré de ses désirs, multipliant les conquêtes féminines tandis que son frère complète laborieusement sa collection de râteaux, lors des rares occasions qu’il a de se retrouver seule avec une fille.
Point n’est besoin de dévoiler plus l’intrigue, ni l’astuce scénaristique qui mènera les deux frères en Afrique, au Bénin, et vers un dénouement doux-amer très bien tourné (ah, ce que c’est bon, les BD avec un VRAI épilogue). Baudoin va y découvrir le sens de sa vie, se révéler à lui-même mais aussi réaliser à quel point son frère l’aime. Car il s’agit avant tout de ça, d’une histoire de fratrie, pleine de sensibilité (mais pas niaiseuse) et de réalisme (mais dépourvue de clichés). Le récit est d’une fluidité réjouissante, en dépit de l’exercice, toujours un peu casse-gueule, des flash-back répétés, et qui ici permettent d’éclairer progressivement la relation complexe et forte qui unit les deux frères.
Le dessin de Toulmé n’est pas étranger à ce plaisir de lecture, aussi sobre et qu’expressif, ce qui n’est jamais évident dans ce style de graphisme « nouvelle BD » (depuis le temps qu’il existe, on se demande d’ailleurs si l’adjectif signifie encore quelque chose).
Et le Rock dans tout ça ? Une toile de fond discrète mais bien présente, avec juste ce qu’il faut de sexe (hé, hé…), de drogue (oui, bon, juste quelques pétards) et de Rock’n roll, tandis que Baudoin reprend le manche de sa vie et de sa guitare et se frotte à la Pop africaine, lui le fan de Rock des Seventies. Dans son propre style, par son ambiance générale et la justesse des personnages, Les deux vies de Baudoin fait sacrément penser à Love Song ou The Long and Winding Road de l’ami Christopher. C’est encore l’un des plus beaux compliments qu’on puisse faire à ce roman graphique qui tient la corde pour être mon coup de cœur BD de l’année 2017.