Un roman de Nick CAVE
Nick Cave est un artiste à part dans le milieu du Rock. Une personnalité et une voix hors norme et une musique indéfinissable aux confins du Blues, du Folk, du Post-Rock, du Gospel, du Punk et du Je-Ne-Sais-Quoi-Wave… de toute façon, ça change à chaque album. Romantique, caverneux, peu accessible à la première écoute. Pas le genre à faire des tubes, il fait plutôt dans le chef-d’œuvre pour initiés. Quand on voit ses concerts, sous son nom et encore plus avec Grinderman, il est facile de se dire que le mec est complètement barré.
Ce brun ténébreux échappe en fait à toutes les classifications mais ne laisse pas indifférent. Alors quand on apprend que l’homme s’adonne aussi à l’écriture, ça donne envie d’y jeter un coup d’œil. Pas vraiment surprenant de retrouver dans ce roman (son deuxième) tout ce qui caractérise sa musique, cette désespérance, cette noirceur, ce souffle épique et aussi une certaine esthétique de la déglingue.
Alors voilà (comme dirait ce vieux Serge), Monro est, comme dans la pièce Mort d’un commis voyageur, un représentant de commerce. Mais contrairement au héros créé par Arthur Miller, c’est le genre VRP en goguette, dans une version bien plus rock’n roll que les aficionados du Ricard-Suze bien de chez nous.
Bunny Monro est un vendeur de produits cosmétiques, plutôt doué. Sauf que c’est un poivrot et, comme son prénom le suggère, un obsédé sexuel, téléguidé par sa queue. Un Dom-Juan de motel dont les galipettes éphémères ont conduit au suicide de sa femme, le laissant seul avec son fils de neuf ans, un brin autiste qui ne lâche jamais son encyclopédie. Il va s’engager avec ce dernier dans un road-movie autodestructeur dont le titre du roman et la première phrase ne laissent aucun doute sur le dénouement. L’intrigue est glauque et poisseuse comme des traces de bourbon laissées sur la table basse. Malgré la dimension pitoyable et pathétique de son personnage, Nick Cave parvient malgré tout à lui conserver un semblant d’humanité, par l’entremise de cet enfant non désiré auquel il voue un amour sincère et maladroit et qui lui offre une sorte de rédemption au bout de sa déchéance.
L’écriture est sans fioritures, tranchante comme un thème de guitare à la saturation crasse et noisy, complètement en accord avec l’intrigue de cet homme à la dérive, incapable de surmonter ses addictions.
Avec ce roman, Nick Cave ajoute à son talent de song-writer celui d’un véritable écrivain, fidèle à son univers à l’esthétique morbide et tourmentée.