Dessins et textes : Marcin PODOLEC
N’ayant pas pondu de chronique sur un nouvel album de BD Rock depuis un bout de temps, c’est avec un appétit vorace que j’ai jeté mon dévolu sur Fugazi Music Club, récit hautement prometteur, à commencer par le titre. Pour aller droit au but, la déception a été à la hauteur de l’attente. J’ai pour principe de ne pas parler de bouquins qui, à mon humble avis, ne méritent pas qu’on y consacre un peu de notre précieux temps de lecteur et d’auditeur déjà saturé par la surabondance de l’offre tant livresque que musicale. Mais la faim fait sortir le loup du bois et le chroniqueur affamé que je suis s’est résigné à ronger cet os aussi alléchant que sa moelle s’est révélée peu substantifique.
Le sujet était pourtant énorme : l’histoire vraie d’une bande de jeunes polonais désœuvrés qui, le mur de Berlin à peine tombé, se lancèrent à Varsovie, en 1992, dans l’aventure d’un club de Rock et firent monter pendant près d’un an sur les planches bancales d’un ancien cinéma, la fine fleur du Rock polonais, s’ouvrant même aux formations Punk et Métal anglo-saxonnes et organisant un marathon de 21 jours de concerts. Se profilait la perspective d’anecdotes croustillantes, de moments de galères abyssales et de magie électrique ; des torrents de sueur et de bière emportant dans leur flot la passion d’une jeunesse étrennant grâce au Rock sa liberté toute neuve… Vous avez entendu parlé de la dimension narrative de l’espace inter-iconique ? Si on veut moins se la péter, on parle d’ellipse. Ben voilà, le récit de Podolec est une ellipse qui laisse au lecteur imaginer, entre les cases, combien cette saga a dû être passionnante. Le livre est parti d’une interview du principal protagoniste. L’auteur a mis cette interview en images… et puis voilà. L’histoire a beau être enthousiasmante, sans un brin de story-telling, de tension narrative, et là il y avait de quoi faire, cela débouche sur un enchaînement linéaire d’événements souvent confus où, par exemple, l’intervention de la pseudo-mafia qui avait financé le projet devient une anecdote comme les autres. Certains moments clés sont relatés en quelques dessins isolés et phrases lapidaires.
Passons à la limite sur le scénario mais quoi, il s’agit bien de Rock. Alors, ils sont où les Zicos ? On en voit dans 5 pages… sur près de 180 au total. La représentation des lieux est minimaliste, impossible d’avoir une représentation concrète de ce Club, si ce n’est les photographies à la fin du bouquin. Quand on voit comment Derf a fait revivre The Bank…
Alors quoi, une daube de plus ? Objectivement, quoi que l’on pense de sa démarche ici, Marcin Podolec a du talent et ensuite, quand on s’intéresse vraiment au Rock énervé, ce pan méconnu de son histoire mérite malgré tout qu’on le soulève, même si le décor qui se cache derrière aurait pu être bien plus exaltant.