Une histoire d’hommes

Dessins et scénario : ZEP

Certains mecs sont énervants. Ils ont tout pour eux, beaux, sympas, talentueux et en plus ils sont des stars. Tout ce qu’ils font semble immanquablement marqués du sceau doré du succès. Même chez les Rockstars, où l’on compte un sacré paquets de connards égocentriques et prétentieux, il en est que l’on adore envier et dont l’on n’est même pas jaloux quand l’on voit sa chère et tendre s’extasier sur leur belle gueule encadrée d’une masse de cheveux crades et pas rasée de cinq jours. Le genre Dave Grohl, le batteur sans qui Nirvana serait resté un groupe de Grunge comme les autres et qui maintenant chante et joue de la gratte en enfilant les tubes Rock comme des perles.
Une histoire d'hommes 1S’agissant de la BD, il y a Zep, une star de la BD comique transgénérationnelle avec son Titeuf qui en apprend autant sur les pré-ados que le meilleur manuel de pédopsychiatrie, Grand Prix d’Angoulême à même pas 40 balais, plutôt bien fait de sa personne, de si loin que je sois concerné et qui, comme ça d’un coup, décide de changer carrément son crayon d’épaule en adoptant un style réaliste à la place des gros nez qui ont fait sa renommée.
Et sur le thème du Rock en plus. Même pas peur.
Le pitch fleure pourtant le déjà vu : Les quatre membres d’un groupe de Rock se retrouvent vingt ans après, pour un week-end à la campagne où ils vont égrener bons et surtout mauvais souvenirs dans le manoir So British du Devon où les accueille Sandro celui qui est devenu une star tandis que les trois autres replongeaient dans l’anonymat, avec des fortunes très diverses. Même si le récit a son identité propre, ce thème des retrouvailles champêtres entre potes n’est pas sans évoquer des films comme « Peter’s Friends » ou « Mes meilleurs copains » avec, pour l’aspect règlement de comptes entre amis, une pointe du « Déclin de l’empire américain », ce qui constitue au demeurant un background des plus estimables.
Pour le reste, Zep joue toutes les gammes qui ont fait sa réputation. Un dessin sobre et diablement efficace qui n’a rien perdu de sa personnalité et de son expressivité en passant du côté réaliste, bien au contraire, avec une mise en page affranchies des cases (un style déjà éprouvé dans les albums de la série Happy ou encore Découpé en tranches) et des couleurs s’accordant avec l’ambiance des scènes. Un humour imparable au travers des dialogues dignes des meilleures comédies modernes. Et surtout des personnages impeccablement campés, archétypiques, avec juste ce qu’il faut de caricature pour leur conserver toute leur crédibilité. Zep étant lui-même un musicien ayant sévi dans nombre de groupes amateurs qui ont failli le détourner de la BD, il a une très bonne connaissance de tous les clichés Rock, comme il l’avait prouvé dans son Happy Rock. Il a de nouveau puisé dans son répertoire pour inventer ce groupe, les « Tricky Fingers » (que ceux qui n’ont pas compris l’allusion stonienne n’ont plus qu’à monter et descendre 300 fois la braguette de leur jean, ça leur fera les phalanges), valeur montante des années 1990 mais dont le destin va contrarier l’ascension. Frank, le batteur gaffeur et grande gueule et JB, leHistoire d'hommes 2 bassiste sage et posé assurent la base rythmique sur laquelle l’incontournable duo mythique du Rock, chanteur et guitariste va venir se greffer. Sauf qu’à la traditionnelle lutte des égos à la Jagger-Richards, Lennon-Mc Cartney ou Tyler-Perry, l’auteur livre une variante plus subtile. La relation entre Sandro, le leader charismatique et sûr de lui et Yvan le guitariste, musicien génial mais mal dans sa peau est le point central du récit, décliné sous l’angle de la rivalité musicale et sentimentale, Sandro s’étant marié avec l’ex petite amie d’Yvan. Le souvenir de leur fils mort dans un accident de moto un an plus tôt les ont éloignés l’un de l’autre tandis qu’Yvan de son côté est incapable d’assumer le désir d’enfant de sa compagne.
Le week-end s’annonce tendu entre les deux hommes dont l’amitié semble s’être brisée alors qu’ils composaient autrefois les deux facettes d’un même personnage, comme le souligne leur ressemblance physique. Cela aurait pu donner un récit lourd et pesant mais la grande réussite du récit est de combiner drame et comédie sans jamais verser dans le Pathos larmoyant ni l’humour gratuit. La révélation finale, bouleversante et rédemptrice est certes des plus classiques. Mais l’une des grandes forces du Rock est de se renouveler en s’inspirant des gimmicks et des standards du genre pour donner naissance à des œuvres originales où s’affirment la personnalité de leurs auteurs. On ne reprochera donc pas à Une histoire d’hommes d’avoir adopté la même démarche. Car ici tout sonne parfaitement juste comme une Stratocaster (oui, d’accord, ou une Les Paul!) impeccablement accordée.

Vraiment énervant ce Zep. Encore heureux qu’il perde ses cheveux !

Bonus Track : François AMORETTI

A propos de Burlesque Girrrl, 3 questions à François AMORETTI

Pourquoi avoir choisi cette ambiance et ces thèmes résolument Vintage, qu’il s’agisse de la musique, de l’érotisme, des voitures, ou même du graphisme ?
J’écoutais beaucoup de Rockabilly lorsque j’étais lycéen, c’est une musique que j’écoute depuis cette époque de manière régulière. Il m’arrive de faire des pauses mais j’y reviens toujours. Et l’univers qui va avec m’a toujours plu. De plus ces dernières années, différents mouvements Indé se sont ralliés sous la bannière Kustom Culture: Rockabilly, Burlesque, Hotrod, tatouages, vintage, etc. Adhérant à plusieurs d’entre eux, il m’a semblé logique de les inclure au récit.

Comment se sont passées les rencontres avec ces égéries modernes du Rock’n Roll et New Burlesque que sont respectivement Collen Duffy et Mimi Le Meaux ?
Burlesque 3Pour Colleen, j’étais grand fan de sa musique mais surtout de sa démarche. On ne se connaissait pas et j’y suis allé au culot : je lui ai écrit un email pour prendre contact, lui présenter mon projet. Elle m’a répondu dans les 5 minutes, j’ai été très surpris! Ce fut le début d’une longue correspondante. Je ne lui demandais que d’être la marraine du groupe et de Violette dans le livre donc elle n’avait rien de spécial à faire sinon me laisser la dessiner et utiliser son image et son nom. Puis elle m’a demandé si elle pouvait faire quelque chose de plus, je lui ai donc proposé la préface. Pour Mimi, c’était un peu pareil… je l’ai déjà croisée mais sans se présenter. Nous avons un ami proche en commun, Charlie Lecach par qui j’ai fait passer ma demande. Mimi a beaucoup aimé l’idée et Violette surtout. Après quelques échanges amicaux, elle s’est lancée et à écrit sa préface. Deux rencontres vraiment formidables! Je ne les remercierai jamais assez de leurs soutiens et de leurs participations.

Violette est un personnage fascinant et attachant, physiquement et spirituellement. Est-ce une sorte de synthèse de la femme idéale ou bien a-t-elle été modelée pour les besoins du récit ?
J’ai pensé Violette pour qu’elle puisse servir le récit. Elle est tellement originale et sur-féminisée qu’on ne peut que se retourner sur son passage qu’on la trouve belle, fascinante, sexy ou même repoussante. Violette se devait de marquer le lecteur. Beaucoup m’ont demandé si elle représentait mon fantasme, ce n’est pas le cas. Je la trouve magnifique mais ce que je préfère chez elle c’est son courage et son expression de la féminité (entres autres).

Burlesque Girrrl

Dessins et scénario : François AMORETTI

Lors de road-trips béarnais, au cours de mes dernières vacances, la seule station correctement audible de la bande FM était France Culture. Du coup, j’en ai profité pour me mettre à niveau. Entre une émission sur la théorie des cordes et une autre sur la rivalité Voltaire-Rousseau, je suis tombé sur un cycle consacré aux rapports entre Sexe et Rock. Une suite d’entretiens, avec des musiciens, écrivains ou journalistes, illustrée par des extraits sonores judicieusement choisis. J’en ai retenu pour l’essentiel qu’à la base, le Rock c’est du sexe en musique, les déhanchements d’Elvis, la bouche de Jagger, le mascara de Bowie, le torse de Morrison, le micro de Prince, les paroles de Lou Reed… tout tourne autour de ça.Burlesque 1
Reste que dans le Rock, les sex-symbols sont presque exclusivement des mecs, comme si les filles devaient mettre de côté leurs charmes et se muer en garçon manqués, gouailleuses et rebelles pour prétendre à la crédibilité Rock. Burlesque Girrrl propose à cet axiome une alternative bien plus aguichante. « Grrrl » est un groupe de Rockabilly qui s’efforce de percer dans le Rock Bizness en essayant de décrocher un contrat lui permettant de sortir son premier disque. Un thème abondamment traité dans la BD Rock. Le récit d’une veine très classique, en dépit de quelques événements dramatiques, ne laisse d’ailleurs guère de doute sur la fin de l’histoire.
Ce qui s’avère en revanche bien plus original, c’est le personnage de Violette, affriolante contrebassiste de « Grrrl », aux formes furieusement féminines, d’une sensualité exacerbée mais tout en nuances et exempte de la moindre vulgarité. D’autant que la belle rousse aux courbes généreuses pratique l’effeuillage burlesque, une forme de strip-tease rétro, faisant la part belle à la lingerie froufroutante et à l’esprit du cabaret. De l’érotisme chic dans lequel elle excelle et où sa carrière dans les magazines ou sur les planches s’avère bien plus prometteuse que celle de son groupe. C’est pourtant à ce dernier qu’elle est dévouée corps et âme, comme elle l’est à Peter, chanteur et guitariste dont le hobby consiste à retaper des bagnoles de collection des années 1950.
Burlesque, Roadsters et Rockabilly, le livre est entièrement placé sous le signe du Vintage, y compris dans l’approche graphique et la mise en couleurs, vraiment superbes. L’auteur a poussé très loin l’interaction entre la réalité Rock et la fiction BD en intégrant dans son récit Collen Duffy la pulpeuse chanteuse de « Devil Doll », combo américain de Rock’n Roll qui joue un rôle central dans l’histoire. Amoretti s’est inspiré de ces deux univers rétro, musical du Rockabilly et esthétique du Burlesque avec ses effeuilleuses aux rondeurs ornementées de somptueux tatouages, pour réaliser au travers de Violette un portrait de femme indépendante et fragile, courageuse et sensible, subtil mélange de candeur romantique et de culot rock’n roll que le destin pousse à sortir et montrer le meilleur d’elle-même pour s’affirmer dans le groupe et devenir une musicienne à part entière. Burlesque 2Car entre se déshabiller et chanter sur scène, l’exercice où l’on se met le plus à nu n’est pas forcément celui qu’on croit. Un personnage fort de la BD Rock qui a permis à Burlesque Girrrl de remporter le prix du festival Bulles Zik en 2013.
Chaque tome est agrémenté d’une préface, de Colleen Duffy, déjà citée, pour le premier et Mimi Le Meaux, icône du Burlesque pour le second. et se clôt par un petit art-book où quelques autres dessinateurs donnent leur propre version de Violette. Du bien bel ouvrage qui donnerait presque envie d’emmener sa chérie chez le tatoueur et de passer son CAP de mécanicien auto.

Bonus Track : 3 questions à François AMORETTI

J’aime vraiment pas la chanson française

Dessins et textes : LUZ

C’est pas souvent mais il m’arrive, en tournant la dernière page d’un livre, d’avoir envie de dire merci à son auteur. A cause d’un récit qui m’a, au choix, fait vibrer, pleurer… de rire ou pas, et plus généralement m’a donné l’impression d’en avoir appris un peu plus sur l’humanité. Il arrive même parfois que cela me donne envie de me réconcilier avec mes congénères, non pas que je sois fâché mais franchement y’en a qui cherchent un peu tout de même. Sur ce point, J’aime vraiment pas la chanson française a produit l’effet inverse : Je n’avais déjà guère d’estime pour les parangons de ce pseudo genre musical bien de chez nous, j’ai dorénavant une envie furieuse d’intégrer le camp des anti, ceux qui, dans l’intimité d’une conversation de salon en compagnie de personnes de confiance, iraient même jusqu’à dire qu’après tout, la peine de mort, pourrait y’avoir des exceptions.
Chanson française 2Bon, on se calme, tout ça c’est pour rire. Et puisqu’on parle de se poiler, ce pavé dans la mare de la ritournelle hexagonale superbement drapée dans son exception culturelle, dispense un demi-kilo de causticité extra pure, coupée à l’humour noir foncé. Certes, ici, il n’est pas question de Rock, bien au contraire, mais on sent sa présence partout, une anti-thèse latente qui reprendra le dessus dans nos platines, une fois que la messe aura été dite.
Luz avait déjà commis en 2007 un premier (re)jet sur le même thème et avec le même titre, l’adverbe en moins. Déjà fort drôle, avec quelques diatribes et dessins d’anthologie, il allumait férocement les Bénabar, San Severino, Pagny, Delerm et consorts, avec le dernier cité en guise de Monsieur Loyal de ce bal des Enfoirés au xième degré. Il ne s’agissait que d’un avertissement, un tir d’artillerie annonciateur de la grande offensive. Puisque visiblement le premier message n’a pas été clair, Luz avec ce deuxième opus, passe à la vitesse supérieure.
Ce n’est plus de la caricature mordante et acide, c’est une exécution en règle sans autre forme de procès. Luz ne juge pas, il condamne. Faisant fi de la convention de Genève, il lâche armes chimiques et napalm, torture à la gégène et achève les blessés. Cali, Vanessa Paradis, M, Renaud, Johnny, Zaz, Goldman, les Enfoirés… ils y passent tous, vieilles gloires et nouvelles stars, un vrai génocide. Cette fois, sa victime préférée n’est pas Vincent Delerm, même s’il est bien présent, toujours dépeint en imbécile heureux mais Benjamin Biolay. La nouvelle coqueluche du tout Paris culturel apparaît dans quasiment la moitié des pages (j’ai pas compté mais ça doit pas en être loin), avec Bénabar en guest star, Luz s’amusant à broder sur la pseudo rivalité entre les deux têtes de gondoles de la NCF. On pourra également apprécier le sort réservé à Bertrand Cantat, sans doute l’une des meilleures manières d’oublier un peu le malaise que suscite auprès des fans de Noir Désir son retour décomplexé sur le devant de la scène.
Le propos n’est pas d’expliquer pourquoi l’intéressé éprouve une telle aversion pour la chanson française et encore moins en quoi celle-ci aurait moins d’intérêt que le Punk ou l’Electro. Il s’agit de dégommer gratuitement, pour le fun et le défoulement. Alors, oui, c’est incontestablement bête et méchant (aucun respect, même pour les aveugles, à en juger par le traitement infligé à Amadou et Mariam) mais aussi Chanson française 1jubilatoire, pour peu que l’on partage un tant soit peu le postulat de l’auteur. Tous ces grands artistes bien de chez nous sont moches (la pauvre Vanessa) et cons à la fois, comme on se plait à les voir quand on ne goûte pas la soupe qu’il nous serve sur les ondes et à la télé. Le dessin de Luz est d’une précision et d’une efficacité redoutables. Sans rentrer dans le jeu des comparaisons oiseuses, on y retrouve l’esprit et le ton des gags de Reiser ou de Cabu.
Mais il existe encore quelques Justes dans la Cité, tels Philippe Katerine, miraculé de cette hécatombe et qui livre une préface illustrée de quelques dessins et se prête à une interview graphique agrémentée de dessins de concerts pris sur le vif, un exercice de style original très prisé de Luz dont il a amélioré le concept au gré de ses collaborations avec la photographe Stefmel.
Nous, les adeptes incompris, détenons enfin la réponse aux vilipendes des marchands du Temple et, qui sait, de quoi convertir quelques Païens à la cause du Rock. Il nous suffira désormais de citer un passage de l’évangile selon Saint Luz. Pas sûr que ça marche mais ça les fera peut-être rigoler… s’ils ont de l’humour.

L’interview de Luz, c’est ici

The Joke

Dessins et textes : LUZ

C’est dur d’être fan du meilleur groupe de Rock du monde, spécialement quand on est l’un des rares à en être vraiment convaincu, et encore plus quand il s’agit de The Fall. Un groupe dont la notoriété se limite à un petit cercle d’initiés mais qui compte quand même à son actif une trentaine d’albums, figure dans la bande originale de quelques films (dont Le Silence des agneaux) et peut donc revendiquer sans problème le statut de groupe culte.
The Fall est un groupe de Manchester, fondé en plein vague punk par un certain Mark E. Smith, un mec hors normes, intransigeant, déjanté, misanthrope, en résumé, soit un allumé génial, soit un connard de première.
Luz, qui est un fin connaisseur du binaire primaire et possède en outre l’indéniable qualité de ne pas aimer la chanson française, a opté pour la première option sans pour autant écarter définitivement la seconde.
The Joke commence par présenter les étapes essentielles de l’épopée punk, post-punk, kraut-punk, etc. de The Fall. Juste de quoi permettre au lecteur de savoir en gros de quoi il retourne. Pour le reste, il s’attaque avec une délectation ostentatoire et sado-masochiste au personnage de Mark E. Smith, ses travers, ses addictions, bref ses traits les plus marquants, à commencer par une improbable voix de canard ainsi qu’un sale caractère confinant au despotisme qui a fini par faire de lui le seul survivant de la formation originale de The Fall en même temps que son âme (damnée).
Tout cela donne prétexte à des gags iconoclastes et de joyeuses caricatures (Mark E. Smith est impayable en Canardo destroy). Mais derrière l’ironie mordante et sans concession (une caractéristique du travail de Luz) pointe l’admiration idolâtre. Qui aime bien chambre bien est le credo de The Joke.
Initialement paru en 2003, Les Requins Marteaux rééditent The Joke aujourd’hui, dix ans après, dans une version augmentée d’un épilogue de quinze pages que Luz a créé à l’occasion de la sortie du nouvel album de The Fall, « Re-Mit ». Selon les spécialistes, cet opus s’avère assez décevant. C’est peut-être ce qui a poussé Luz à imaginer une rencontre mystico-numérique avec le Mister Smith, dont l’issue délirante apporte la touche finale qui s’imposait pour parachever cet autoportrait de fan hardcore.
Ah, au fait, pourquoi The Joke ? Certes, on pourrait croire qu’il résume à lui seul la carrière de The Fall mais l’explication officielle est toute autre. Pour la connaître, ben, lisez le bouquin.

Le Panthéon des stars du Rock

Dessins et textes : Alex BOCHARD

Ils étaient jeunes, ils étaient beaux, ils sentaient bon… le tabac chaud, l’huile de cannabis et le Bourbon pour les plus sages d’entre eux. Leur enfance a été difficile, leur vie a été courte et leur mort tragique a largement contribué à renforcer leur légende, faisant d’eux des Stars du Rock, condition plus noble et pérenne que celle des Rockstars.Panthéon Rock 1
Hormis la quantité industrielle de substances psychotropes qui ont coulé dans leurs veines, ils avaient quelque chose de plus que leurs congénères. Du génie, un charisme pas toujours maîtrisé ou une certaine esthétique de la déglingue. Sur la période 1960-1970, ils furent un certain nombre à obtenir une carte de membre éternel de ce club très sélect. Alex Bochard a choisi de n’en retenir que la crème de la crème et de les réunir dans un album BD.
Un nouveau biopic dessiné donc comme il en a fleuri pas mal depuis quelque temps pour évoquer les icônes du Rock. Pas évident de se démarquer au milieu d’une production qui sur ce thème, mine de rien, commence à être sérieusement étoffée, en attendant de devenir pléthorique (on a encore un peu de marge tout de même).
Que dire de plus qui n’ait déjà été dit sur Jim Morrison, Janis Joplin, Jimi Hendrix, John Lennon et Sid Vicious ? Pour éviter l’écueil de la redite ou du plagiat, l’auteur a adopté une approche assez astucieuse : synthétique (en une cinquantaine de planches, ma pt’ite dame, je suis bien obligé de vous faire un prix de gros) en se limitant aux principaux épisodes et faits marquants de leur biographie, humoristique (avec un brin d’irrévérence et beaucoup de caricature) et variée graphiquement, alternant, sur une jolie toile de fond ocre et marron qui donne un effet vintage assez sympa, portraits d’après photos, dessin traditionnel et numérique. C’est d’ailleurs là que réside la vraie originalité et la principale qualité de l’opus qui rompt ainsi avec le schéma classique des strips et des cases sagement alignées (on parle de Rock, là, faut s’lâcher un peu !). ça compense largement les reproches que pourraient faire d’un côté les encyclopédistes de Rock (« j’le savais déjà »), et de l’autre les fins connaisseurs de l’humour qui fait rire (« j’ai pas trouvé ça drôle »). Panthéon Rock 2Là-dessus, on ne mettra jamais tout le monde d’accord mais visuellement, les personnes dotées d’un goût artistique très sûr, n’est-ce pas, seront forcés d’admettre que ce petit Panthéon mérite le recueillement. Et au passage, conformément au credo des prédicateurs adeptes du culte du Binaire Primaire dont je fais partie, il prolonge l’évangélisation des mécréants qui connaîtront ainsi un peu mieux la vie des saints et leurs auréoles (plutôt sous les bras, sur le comptoir ou le tapis, en l’occurrence). Grâce soit donc rendu à ce nouveau prophète et à sa version de la Genèse.

La véritable histoire de Beethoven

Dessins et textes : LAURENT-EX-LAURENT

Au milieu des années 1980, ça s’est mis à exploser de partout en France. Dix ans après qu’une poignée de groupes ait commencé à sortir le Rock de son ghetto, quand Téléphone lorgnait vers les sommets du hit-parade après avoir appris par cœur tous les plans des Stones ou quand Guy Lux a programmé Trust à la télé. Sans oublier pour la caution intellectuelle ou branchouille chère à nos journaleux hexagonaux, des Marquis de Sade, des Bijou et des Starshooter. Reste que cela constituait une caste fort restreinte bénéficiant du rare privilège d’exister sur disque et de faire une « carrière ».
Et puis quasiment du jour au lendemain, le Rock « alternatif » a déboulé, suivant de peu d’ailleurs l’intrusion du Rock dans la BD. Les maxi singles, rapidement suivis d’albums brulots, urgents et immédiats ont débarqué dans les bacs des disquaires (oui, en ce temps là, il existait des magasins qui ne vendaient QUE des disques) et partout dans l’hexagone, dans des salles plus ou moins grosses, avec un son plus ou moins pourri mais avec une pêche et une fraîcheur qu’on n’espérait plus, nous les fans condamnés à voir nos équipes stagner en seconde division, on a vu des groupes capables de faire un truc qui saBeethoven 1ns réinventer le machin, sonnait comme une ébauche de ce qu’on pouvait enfin désigner sans rigoler comme une scène Rock française, qui a même commencé à attirer l’attention des Anglo-saxons sans chercher à les copier et sans l’aide de la télévision et des radios (ça fait rêver, hein, Johnny ?).
L’éclosion de labels indépendants a en grande partie contribué au mouvement et permis à des groupes encore balbutiants de découvrir les joies et les affres du studio. Le niveau artistique de ces jeunes fous ne leur permettaient souvent guère plus que de faire du Punk, tout du moins à leurs débuts, et tant mieux car cela permettait, même avec une dizaine d’années de retard, de vivre de ce côté-ci de la Manche, l’effervescence d’un renouveau du Rock qui en ce qui nous concerne s’apparentait plutôt à une Nativité électrique, braillarde et incontrôlée.
Avec le recul, ressortaient dans cette scène protéiforme deux mouvances principales, même si la frontière n’était pas étanche, qui ont fourni l’essentiel de ses fleurons : Une frange adepte d’un Rock radical et contestataire, anarchiste et libertaire, et une autre composée de joyeux huluberlus, dont le seul message était de marier franche déconne et électricité. Avec comme groupes phares, d’un côté, Bérurier Noir et de l’autre Ludwig Von 88… Les Bérus et les Ludwigs pour les intimes connaisseurs.
Alors voilà, comme dirait le grand Serge, la véritable histoire de Beethoven, narrée par l’un de ses protagonistes, Laurent Manet, le bassiste. Et parce que ces joyeux Keupons, il fallait surtout les voir pour y croire, c’est en images qu’il a décrit l’épopée des premières années, de la naissance en banlieue parisienne jusqu’à la consécration… du deuxième album.
Avec un vrai talent de conteur, Laurent fait revivre cette saga, de l’inévitable rencontre au bahut, en passant par les répètes dans un local pas bien isolé au goût du voisin, les premiers concerts foireux dans des rades crasseux, les road-trips épiques dans une une Citroën LN même pas tunée, les laborieuses séances d’enregistrement studio… et puis, malgré l’amateurisme musical et grâce à une créativité foisonnante et quelques vide-greniers, la construction d’une vraie identité et le chemin vicinal vers la gloire internationale. Bon, pour l’International, c’était surtout en Espagne à l’heure de l’apéro et des tapas.
Bourré d’anecdotes, de clins d’œil, pétillant d’humour et d’auto-dérision ce roman-photo est hautement évocateur de l’esprit Ludwig Von 88 et plus généralement celui du Rock alternatif. L’objet graphique est bien représentatif de ce qu’étaient les Ludwigs, un truc sans prétentions avec un dessin d’amateur genre gros nez, cantonné à des personnages plaqués sur des photos noir et blanc en guise de décors. Minimaliste, astucieux mais efficace, qui vous immerge dans une vraie histoire, comme une grosse blague qui vous fait marrer mais que vous n’oublierez pas et que vous serez fiers de ressortir à vos potes. Les disques et les concerts des Ludwigs mariaient Punk et clowneries avec efficacité et laissent aujourd’hui un souvenir impérissable et une jubilation intacte.
Laurent a quitté les Ludwig au faite de leur notoriété… en 1988. Le Rock alternatif a quant à lui commencé à s’évaporer au détour des années 1990, de guerre lasse (comme ce fut le cas pour les Bérus, malgré plus de 250 000 disques vendus) ou pour certains d’entre eux après une signature dans une grosse maison de disques qui a un peu retardé l’échéance. En attendant, ils nous auront bien fait profité de notre folle jeunesse et accessoirement largement contribué à décomplexer le Rock français. Merci à eux.

Woodstock

Dessins et textes : Yukai ASADA

Ah ben y’avait longtemps. Un nouveau Manga Rock, avec un titre qui annonce d’emblée que l’on va faire dans le vintage et l’évocation révérencieuse (sont très forts pour ça les Nippons, le respect des traditions ancestrales, tout ça…) de la glorieuse époque des Sixties.
Même si le festival mythique de 1969 est évoqué au début, c’est avant tout de Punk et de ses icônes dont il est question ici. Gaku, le héros, est en effet un fan inconditionnel des Clash, Sex Pistols ou de Johnny Thunders, ce qui est déjà un poil plus original.
Jeune compositeur inspiré, excellent guitariste, Gaku fait le Buzz sur le Net avec son groupe, Charlie, dont il est le seul et unique membre (Tiens, ça me rappelle une de mes récentes chroniques, Cyril, si tu nous écoutes…). WoodstockEt bien sûr, le petit prodige, mignon tout plein, est un grand timide, surtout quand il est face à Shiina, belle batteuse de son état qui ne va pas tarder à percer le secret de ce jeune livreur qui ose à peine lui adresser la parole. Et dès lors, la demoiselle essaie de lui mettre le grappin dessus, musicalement du moins, dans un premier temps. Gaku fait aussi la connaissance de Machida, un nouveau collègue de boulot qui a lâché son groupe après avoir écouté un des morceaux de Charlie. Sauf que la timidité quasi maladive de Gaku ne simplifie pas les choses et qu’il est encore incapable de franchir le cap qui lui permettrait de fonder son groupe.
Refermé ce premier tome, une première remarque s’impose. Woodstock est bien parti pour faire une bonne histoire. Il possède tous les ingrédients qui font l’essence d’un bon Manga dont l’on ne se lassera pas, même après une vingtaine de tomes, avec des personnages attachants et bien typés, servi par un graphisme élégant, des rebondissements en pagaille, un peu de Pathos et en ce qui concerne le Rock, un petit côté didactique qui donnera aux jeunes mécréants un vernis de culture Rock de base et même un peu plus (le Woodstock japonais, vous connaissiez?) ainsi que peut-être l’envie d’en connaître plus sur le sujet et d’aller jeter un coup d’oeil dans la discothèque de leurs ancêtres.
Petit bémol cependant, qui pourrait en devenir un gros pour certains, c’est que Woodstock arrive un peu après la bataille, celle déjà menée par Beck, Fool on The Rock ou Bremen. Le jeune Zicos complexé qui rêve de venir une Rockstar, la love-story platonique, le line-up du groupe dont la finalisation va encore prendre des milliers de pages… Perso, j’ai déjà donné et j’ai envie de passer à autre chose. Cela dit, je ne peux déconseiller d’aller y faire un tour, avec le risque de tomber dans l’addiction que déclenche souvent ce genre de récit. En ce qui me concerne, j’attends le prochain Manga qui renouvellera vraiment le truc (paradoxalement, c’est justement dans Woodstock, l’une des principales qualités reconnues à Charlie par ses fans)… un nouveau Debaser ou Detroit Metal City, si vous voyez ce que je veux dire.

Johnny Cash – Une vie – 1932-2003

Dessins et scénario : Reinhard Kleist

Certes, Johnny Cash n’est pas à proprement parler un rocker mais une des (LA, diront beaucoup) figures emblématiques de la Country, qui a jusqu’au bout mené sa vie en rebelle.
Pourtant, à quelques détails près dans les progressions d’accords, sa musique s’apparente complètement au Rock’n Roll dont elle reste l’une des grandes sources. En outre, Cash fut, au même titre qu’Elvis Presley qu’il précéda de peu sur le devant de la scène, un chantre du Rockabilly, mâtiné de Gospel et de Country certes mais suffisamment sauvage et provocateur pour devenir lui aussi une idole faisant se pâmer les teenagers.
Le Rock, c’est dans son mode de vie que Cash l’a pratiqué. Une soif de liberté, la quête de l’absolu et le refus des concessions ont fait de cet artiste ténébreux, sans cuir et sans électricité, une icône de la musique populaire américaine. Et puis un type qui choisit « Hurt » de Nine Inch Nails comme chanson testament, dont il livre une version bouleversante (il suffit de voir la vidéo sur InJohnny Cash – Une vie 1932-2003 ; Reinhard Kleist © Dargaud, 2007ternet pour comprendre) mérite largement autant l’étiquette de rocker que n’importe lequel de ces petits punks ou néo-métalleux d’opérette tatoués et piercés à la sauce MTV.
Après un Walk The Line, le biopic sorti sur les écrans en 2005, plutôt réussi, avec un Joaquin Phoenix habité par son personnage, il fallait oser s’attaquer à la biographie du Man in Black. Reinhard Kleist a relevé ce défi au point de rendre le film presque fade comparé au portrait magistral qu’il a brossé de Johnny Cash dont les multiples visages vous traversent encore l’esprit bien après avoir refermé son livre. Avec un trait dépouillé de tout artifice, sobre et sec, orné de noirs profonds parfaitement en accord avec le sujet, il campe un Cash plus vrai que nature et restitue avec une justesse surprenante toute la gravité et la force du visage de cet homme à la maturité précoce.
Les heures sombres de l’artiste, la noirceur de cette âme torturée mais aussi sa profonde humanité sont retracées au travers des épisodes marquants de cette existence hors du commun, tels la mort du frère, évènement fondateur et traumatisme indélébile dans la vie de Cash, l’addiction pour les amphétamines, sa relation avec la chanteuse June Carter, la femme de sa vie, sans oublier le concert légendaire au pénitencier de Folson ou les derniers jours, cloîtré comme un fantôme dans un studio d’enregistrement où il revisite magistralement des chansons écrites par des jeunes rockers qui pourraient être ses fils et le sont d’ailleurs un peu, sur le plan de l’héritage musical.
Kleist a capté la quintessence de cette vie et de cette œuvre en se donnant pour cela suffisamment d’espace (plus de 200 planches !) pour en exprimer la grandeur et la noblesse sans en omettre les errances et les impasses.

Bonus Track : Will ARGUNAS

A propos de Pure Fucking People, 3 questions à Will ARGUNAS

Comment est né le concept de Pure Fucking People… une envie soudaine ou un projet mûrement réfléchi ?
Pure Fucking People est né à mon insu, car au départ, quand j’ai découvert le Hellfest (en 2009), son ambiance, et ses festivaliers, j’ai juste pris des photos, en souvenir, comme le fait tout le monde. C’était un cadeau pour les 40 ans de ma compagne. Ca faisait des années qu’on allait plus en concert. Nous étions partis des Yvelines pour une petite ville du Loiret. Et parce qu’on avait 3 enfants en bas âge. Du coup, en 2009 j’ai voulu marqué le coup ! Le seul truc dont on ne te parle pas, c’est le spleen qui suit un tel festoche. Du coup, étant dessinateur et coloriste (à l’époque), j’ai transformé cette espèce de frustration en me mettant à dessiner les festivaliers qu’on y avait croisés, à partir de mes photos de souvenir. J’ai ainsi fait une première série de 30 dessins en 2009. En 2010, on retourne au Hellfest. Je reprends pas mal de photos. Will Argunas2Et je me remets à dessiner à mon retour. Entre temps, j’ai exposé, et découvert l’intérêt des gens de tous horizons pour ce travail de « documentariste ». Du coup, venant de la BD, je décide de présenter ce projet à des éditeurs. Tout le monde me dit non. C’est là que j’ai décidé de m’auto-publier. J’avais une soixantaine de dessins, de quoi remplir un premier artbook de 64 pages N/B. et depuis, je me suis pris au jeu, en essayant de me renouveler. Des premiers dessins très chargés de 2009 (des foules), je suis passé à des « portraits de personnages ». J’ai viré les décors, pour ne conserver que les attitudes.

Par rapport à tes bandes dessinées, ton dessin est plus épuré, plus « ligne claire » dans Pure Fucking People. Comment s’opère la transition entre les modèles originaux, pris en photos sur le vif au Hellfest et le rendu final sur le papier ?
En 2010, j’ai découvert la sérigraphie de concert, la technique des trames … dont j’ai décidé de me servir pour certaines parties de dessins, trop complexes à dessiner, où trop dévorantes en temps, car tout ça n’est pas encore très lucratif. Quand je commence un dessin, venant de la pub et du rough (j’ai bossé pendant 13 ans dans le milieu parisien des agences de pub), j’essaie d’aller à l’essentiel, dans un temps limité. J’utilise donc des techniques qui me font gagner parfois du temps, en testant des trucs. Pure Fucking People est une espèce de laboratoire graphique depuis le début, un exutoire, une façon de faire converger deux passions : la musique (Métal) et le dessin.
Par rapport à mon travail en bande dessinée, mon trait est plus épuré sur les parties de chairs, les visages, mains, bras, en effet. Pour le reste, on retrouve mon goût pour la hachure, et ma gestion des noirs. Mais tu verras que dans mon prochain album (qui sort fin août), les hachures disparaissent aussi des visages. C’est dû à 2 choses : une demande de mes éditeurs d’alléger mon trait, qui rend parfois les visages un peu durs (en particulier chez les personnages féminins), et d’une envie de ne sculpter que les corps, pour évoluer dans ma façon de travailler. Du coup, sur les parties de visage ou corps dénudés, je m’éloigne du réalisme des photos, ce qui contribue à mettre du faux dans le vrai, encore plus vrai quand je rajoute sur certains tirages de la couleur en aplat, façon sérigraphie. Tout ça se fait donc de plus en plus en étant mûrement réfléchi, tout en essayant de garder une grande liberté.

Quels sont les critères de choix de tes modèles, originalité, authenticité… ?
Mes choix sont purement subjectifs. Je regarde mes photos après coup, tout au long de l’année, dès que j’ai envie ou besoin de faire un nouveau dessin, et je me laisse guider par ça. Je suis très sélectif. J’essaye de faire un max de photos en festoche car je ne sais jamais au moment où je prends le cliché si j’en ferai vraiment un dessin, ou pas. Par cWill Argunas 1ontre, une fois que je revois les photos, tout m’apparaît clairement. Un dernier facteur entre en ligne de compte, c’est le fait que je ne veux pas me répéter dans les attitudes (on me l’a un peu reproché pour le tome 2 par rapport au tome 1). Du coup, des textes sont apparus dans le tome 3 ainsi que des mises en scène et en page très différentes. Ainsi, quand j’attaque un nouveau dessin, j’essaie de m’interdire de refaire ce que j’ai déjà fait. D’ailleurs, cette année, au Hellfest, j’ai expérimenté un nouveau truc, le dimanche. Je suis allé à la rencontre des festivaliers, plus frontalement qu’avant, et du coup, après avoir pris une photo d’eux, je leur ai filé une carte postale de mes Pure Fucking People, histoire qu’ils se disent, s’ils connaissent mon travail, ou s’ils avaient vu l’expo et la déco du Leclerc de Clisson, qu’ils seront peut-être dans le tome 4. C’est comme ça que j’ai pu engager la conversation avec certains. Et n’ayant pas un appareil de pro, ça faisait un peu moins le touriste qui prend les autres en photos. Le retour a été très positif, et je pense que je vais continuer, pour que le tome 4 soit encore très différent. Même si les festivaliers posent, se griment, se travestissent, se maquillent, se déguisent, ils restent très authentiques dans leur façon de faire, très naturels. Ils sont là pour s’éclater entre potes, oublier les soucis du quotidien, et vivre leur passion à fond !

Hellfest 2013

Au bout de la cinquième année, je crois que j’ai fini par comprendre, le Printemps des Poètes, c’est pas à Clisson, j’ai dû confondre. L’expérience aidant, le rendez-vous m’est devenu familier et la circonspection tout aussi curieuse que méfiante de la première année (et même un peu déphasée, je dois l’avouer… le Black Métal en live quand on n’a pas l’habitude…) a laissé la place à une franche excitation. J’ai depuis considérablement étoffé ma culture Métal au sens large du terme et j’ai désormais les clés pour sillonner entre les stages sans trop m’égarer en chemin si ce n’est pour, entre deux plâtrées de décibels, faire le plein de houblon et de junk-food, déversés à profusion pendant ces trois jours… on n’est pas là pour faire la fine bouche et encore moins la sourde oreille !

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Si bien que cette année, armé d’un appareil compact, facile à manier et transporter, j’ai tenté le coup du reportage photo, sans prétention, juste histoire d’immortaliser tous ces joyeux lurons sur et autour de la scène et partager ces moments de pure électricité tellurique. C’est pas du travail de pro, mais c’est moi qui l’ai fait… enjoy ou pas, à vous de voir.

Lieux


Concerts

Tronches (merci à celles et ceux qui ont bien voulu prendre la pose)

Y’a même des dessinateurs de BD !

Pour retrouver en (superbes) images le public du Hellfest, la série Pure Fucking People du sus-photographié Will Argunas, s’impose.

Chapeau bas pour une organisation impeccable et impressionnante d’efficacité et de professionnalisme (hormis le son parfois pas terrible de certains concerts sous les chapiteaux).

Glam Glitters

Quand on croise Cyril Trichet, dessinateur, entre autres, de l’excellente série fantastique Les Arcanes du Midi-Minuit, on n’imagine pas que l’auteur sagement assis à sa table de dédicaces, derrière un visage juvénile, les yeux cerclés de lunettes rondes, est dans l’intimité un serial rocker. Car entre deux planches de BD, le jeune homme placide et bien élevé, après avoir enfilé les santiags, le slim léopard, la chemise à jabot, et ceint son front d’un bandana écarlate, branche sa guitare et pousse à fond les potards de son ampli.
On a tous son jardin secret… sauf que le jardin est ici un parc ouvert au public, au travers de l’album Back To The Future sorti en juin 2013. Le sieur n’en est d’ailleurs pas à son premier essai puisqu’en 2011, il avait déjà sorti un album dans la même veine, intitulé Coming From 1984.
Glam GlittersDès les premières notes de ce second opus, on comprend de quoi il va retourner, gros riff, chorus dès l’intro, saturation scintillante, pas de doute, c’est bien du Glam Rock, mâtiné de Hard Rock, le tout formant un cocktail efficace et carré.
Sur ce torrent d’électricité, se greffent des textes en anglais, assénés d’une voix péchue, parfaitement en phase avec le style.
C’est déjà une agréable surprise de voir ce qu’un « amateur » éclairé peut tirer d’une passion qui va bien au-delà d’un simple passe-temps. Cyril Trichet appartient à cette confrérie de dessinateurs BD, tels Swolfs, Sternis, Cromwell, Gibrat ou Meynet, qui maîtrisent avec la même aisance dessin et musique qu’ils pratiquent dans leurs groupes respectifs..
A un tout petit détail près : Derrière les Glam Glitters se cache… eh ben, Cyril Trichet lui seul, qui grâce à son talent, allié à une bonne maîtrise de la technologie, compose, chante et joue tous les instruments, ayant seulement délégué l’écriture des textes, Même si l’informatique lui permet de donner corps à ses créations, il a tout de même pris soin d’enregistrer en studio pour étoffer le son. Et bien sûr, il s’est chargé de l’artwok de Back To The Future, qui en rendant hommage à la trilogie cinématographique, donne vie sur le papier aux quatre membres de ce groupe virtuel, avec un accoutrement et un look dignes des meilleurs combos de Glam Rock.
Néanmoins, loin d’être la seule expression d’un effort (plaisir !) solitaire, les Glam Glitters se produisent parfois en chair et en os, leur géniteur s’entourant d’autres musiciens pour jouer en live.
Un projet de BD est également en gestation, ce qui donnerait à ce groupe virtuel une autre dimension spatio-temporelle. Une vraie BD de fiction Rock jouée par un groupe existant pour de vrai, du jamais vu depuis les Closh et on attend ça avec impatience !

Le site officiel des Glam Glitters, c’est par ici !

HALF BOB – Interview

Dans son blog, Gimme Indie Rock, Half Bob met en images et avec moult références son addiction pour cette forme de Rock peu prisée des masses, aux icônes aussi cultes qu’underground, à de rares exceptions. Comme il se doit, le concept a été adapté en BD avec deux tomes parus à ce jour. Un auteur de BD à ce point accro de Rock ne pouvait échapper à une interview.

Histoire de faire les présentations, peut-on connaitre l’origine de ton pseudo ?
Il n’a pas de signification particulière. Pour m’inscrire sur un site de visuels de t-shirts, il me fallait un pseudo. Un peu plus tôt, j’avais vu l’affiche d’un film, Half Nelson, dont le nom m’avait plu. Ça s’est fait comme ça.

Comment t’es venu l’idée ou l’envie de créer ce blog dédié à l’Indie Rock ?
J’ai toujours aimé les chroniques de jazz de Siné dans Charlie Hebdo. Et j’ai adoré son autobiographie Ma vie, mon œuvre, mon cul. J’ai voulu faire quelque chose dans un esprit similaire, parler de musique avec pas mal de texte et quelques dessins. Au fil du temps, les dessins ont pris de plus en plus de place, jusqu’à devenir carrément un blog BD.

D’où est née ta passion compulsive pour cette forme de Rock peu connue du plus grand nombre ?
black-francis1-1024x947Tout a commencé le jour où un copain, au lycée, m’a fait découvrir Doolittle des Pixies. Ça a été un choc. Mais vraiment, hein, la basse du début de Debaser, ce son de guitare, cette voix, ça m’a estomaqué, un coup de foudre immédiat. Quelques temps après, j’ai découvert You’re living all over me de Dinosaur jr, et là aussi ça m’a retourné. Puis Sonic Youth, Fugazi…jusqu’à Plaided aujourd’hui. Je suis toujours avide de découvertes musicales. Ça ne s’est jamais arrêté.

Que réponds-tu aux détracteurs qui reprochent à l’Indie Rock de se complaire dans l’underground et dans un élitisme pseudo-intello afin de dissimuler ses faiblesses musicales et de justifier sa faible audience (procès qui est fait à la « nouvelle BD », d’ailleurs) ?
Déjà, la notion de faiblesse musicale est relative. Par exemple Lou Barlow, avec trois notes sur une guitare vaguement accordée, me procure beaucoup plus d’émotions que le mec de Muse et sa virtuosité technique. Concernant la faible audience, je préfère de toutes façons une salle de 500 personnes à un concert au Stade de France, donc l’aspect underground ne me gêne pas, bien au contraire.

Comment se fait le choix des sujets, au gré de ton humeur ou selon un plan subtilement élaboré ?
Je fonctionne au coup de cœur, tout simplement. Un truc me plait vraiment, hop j’ai envie d’en parler. Après ça peut se faire sur un ton décalé ou premier degré, ça dépend…

Les commentaires postés par tes lecteurs de ton blog sont-ils également une source d’inspiration ?
Parfois oui, je pense notamment au lecteur qui m’ a fait délou-barlow1-1024x701couvrir Bass drum of death, je n’en ai pas encore parlé mais ça ne saurait tarder!

Puisqu’on parle du blog, d’où vient ce « Horse with no name » qui joue de la guitare sur la page d’accueil ?
Il vient d’une note que j’avais faite sur un groupe nommé Garlic (excellent d’ailleurs). Sur la pochette de leur premier album il y avait un homme sur une chaise électrique, avec une tête de cheval. Je m’en étais inspiré pour faire ce personnage, qui a bien plu et s’est imposé en page d’accueil du blog et sur les pages de chapitrage des bouquins.

Quels points communs vois-tu entre Rock et BD ?
Honnêtement aucun. Dans le rock, le groupe est confronté à son public assez régulièrement, il a un retour immédiat.Pour avoir l’équivalent en BD, il faudrait réunir les lecteurs dans une salle et voir leurs réactions en direct. Et ce serait assez gênant, non?

Penses-tu qu’il existe une forme de graphisme Rock ?
En tous cas si elle existe, je ne saurais pas la définir. Et ça signifierait que d’autres formes de graphismes musicaux existent, comme le graphisme polka, et ça devient vertigineux!

Quels sont les auteurs de BD qui ont pu t’influencer dans ton travail ?
Pour Gimme Indie Frock, comme je l’ai dit avant, les chroniques de Siné. Et les reportages BD de Luz. Sinon enfant puis ado, j’ai adoré Franquin, Gotlib, Edika, Tronchet. je suppose que leur travail a du avoir une influence sur moi, même si ça ne saute pas forcément aux yeux. Sauf pour la façon de dessiner mon nez, clairement piquée à Edika.

Travailles-tu en musique ?
Oui, toujours. De toute façon, j’écoute de la musique en permanence quand je suis chez moi.

Quel album conseillerais-tugrandaddy-12-1024x759 à un novice pour découvrir le monde merveilleux de l’Indie Rock, pas forcément celui que tu emmènerais sur une ile déserte mais plutôt un disque emblématique, fondateur… ?
Mmm, j’hésite entre Doolittle des Pixies et The Sophtware Slump de Grandaddy.

Enfin, la question qui me démange depuis le début de l’interview, la couleur de la couverture de Gimme More Indie Rock ! est-elle un hommage subliminal au club de foot de Saint Etienne (ville dont tu es originaire) ?
En fait non, mais ça aurait pu, étant un inconditionnel de l’ASSE depuis tout petit!

La chronique de Just Gimme Indie Rock !, c’est par là et celle de Gimme More Indie Rock!, par ici

Gimme more Indie Rock !

Dessins et textes : Half Bob

C’est avec le printemps que revient le nouvel opus d’Half Bob, consacré à la passion dévorante et sans limites qu’il voue au Rock indépendant (on va dire Indie Rock, parce qu’on est branchés et surtout parce que les Français, qui déjà ne sont guère présents dans le Main Stream, le sont encore moins ici).Gimme more Indie Rock 2
On retrouve la formule éprouvée sur le blog éponyme ainsi que dans le premier tome, toujours aussi réjouissante, à condition toutefois de partager un tant soit peu la susdite passion de l’auteur : un recueil de chroniques qui n’ont pour autre prétention, mais c’est déjà énorme, d’évangéliser nos âmes profanes à la religion de cette forme de Rock dont les icones ne rempliront jamais les stades. Certes, il existe dans le genre quelques stars, Neil Young, leur grand-père à tous ou encore les Pixies et dans une moindre mesure Beck ou Sonic Youth mais rien n’est plus exaltant que ces groupes obscurs dont la connaissance distingue du commun des mortels.
Difficile de définir précisément ce qu’est l’Indie Rock, tant il recouvre de styles différents, entre Folk, Blues, Punk ou Electro, entre autres. Ce qui le caractérise serait plutôt cette façon de détourner les codes de chacun de ces styles, avec une approche plus arty, intellectuelle, littéraire… ou pète-couilles élitiste diront les mauvaises langues (ou les ignares). Une approche souvent radicale et sans concessions sollicitant de l’auditeur une bonne capacité d’écoute et d’ouverture d’esprit, mais qui recèle aussi de vraies perles concoctées par des musiciens souvent méconnus bien qu’adulés par leurs (quelques) fans
Le propos du livre reste avant tout de parler encore et encore de musique. La subjectivité est assumée, pour faire découvrir en images, le plus souvent sous forme d’éloges vibrants les groupes et artistes qui comblent l’auteur et dont il présente une discographie détaillée et sélective. Gimme more Indie Rock 1
Anecdotes autobiographiques teintées d’auto-dérision et d’une pointe d’humour agrémentent cette petite encyclopédie de l’Indie Rock en évitant toutefois le côté rébarbatif. Preuve que Half Bob ne se prend pas au sérieux et reste lucide sur les petits inconvénients que peut présenter le fait de vivre sa passion au quotidien, ces petits moments de solitude qui laissent votre entourage perplexe face à tant d’enthousiasme et de béatitude aussi mono que mélo maniaques.
Chaque vrai fan de Rock, quelle que soit son obédience, se reconnaîtra un tant soit peu dans les chroniques d’Half Bob et, pour ceux qui marchent encore dans la pénombre, elles les mèneront droit à la lumière…tamisée de l’Indie Rock.

La chronique du premier tome, c’est par là et l’interview d’Half Bob, par ici

La fille

Dessins et Textes : Christophe BLAIN – Musique : Barbara CARLOTTI

Par un dimanche après-midi pluvieux, énième avatar du mois de mai le plus pourri de mémoire de moi, je glisse le CD dans la platine et j’ouvre le bouquin, en route pour une expérience dont je ne sais trop quoi penser.
La FilleJ’ai adoré Le Réducteur de vitesse, bien aimé Isaac le Pirate et apprécié Gus. Et j’ai retrouvé dans La Fille ce ton et cette vision qui font de Christophe Blain un auteur unique dans la BD, avec cet art consommé de renouveler à sa manière des thèmes ultra défrichés. Sa Fille n’échappe pas à la règle, belle et rebelle, indépendante et fragile, sensuelle et romantique. L’intrigue revisite mythes et héros hollywoodiens, western, pin-ups et grosses cylindrées, entre violence, érotisme, musique et love-story. Tout cela est de fort bon gout et l’on retrouve les personnages de Blain, aussi décalés qu’archétypiques. En gros, c’est l’histoire d’une motarde qui rencontre un cow-boy modèle réduit.
Contrairement à ce qu’annonce le sticker sur la couverture, à savoir une BD musicale, il s’agit plutôt d’une nouvelle, retranscrite dans le livre et lue dans le CD, illustrée par les chansons de Barbara Carlotti, dont les paroles figurent également dans le livre, ainsi que par les planches de BD de Christophe Blain. Cette multiplicité des supports, si elle provoque chez le lecteur-auditeur toute une gamme de sensations et l’immerge dans les méandres d’un récit dense et original, s’avère néanmoins plutôt déroutante. Pour ma part, j’avais choisi la totale : lire la nouvelle en l’écoutant simultanément. Un exercice qui s’avère assez fastidieux au bout d’un temps car il ralentit la lecture. Le fait que certaines planches de BD soient décalées par rapport au texte lu est aussi gênant car, même si l’on n’est jamais paumé, cela nuit à la fluidité du récit.
J’aurais peut-être dû soit zapper la lecture des textes et écouter le CD en regardant les illustrations BD et à la limite en lisant les paroles des chansons ou alors juste lire le livre et n’écouter dans le CD que les chansons… sauf que la chanson française, en ce qui me concerne… je suis définitivement « Luzien ». Et si je reconnais les qualités intrinsèques de Barbara Carlotti, ses musiques, sa voix sonnent beaucoup trop hexagonales pour moi, trop littéraire et trop linéaire, privilégiant le texte au détriment de la mélodie et de la musique, bref du bien de chez nous.
Cet exercice de style aurait pu, à mon humble avis, être génial en se limitant à deux médiums au lieu de ce triptyque qui s’égare en empruntant trop de chemins, BD, nouvelle et livre audio. Pourquoi pas juste un récit audio illustré en musique et en BD avec le double, voire le triple de planches ? Là oui, on aurait pu parler de BD musicale, la musique des chansons et celle de la voix lisant le texte.
Au bout du compte, La Fille me laisse perplexe, peut-être parce que je n’ai pas su comment la prendre (oui, bon, désolé). Le multimédia, c’est génial, à condition d’avoir assez de mémoire vive… je dois pas être équipé de la bonne version. N’empêche que l’expérience méritait d’être faite et que je ne regrette pas le voyage, même sur le siège passager d’une moto anglaise tape-cul.